“Je ne supporte pas les scènes de sexe mal écrites, c'est grave docteur ?”

Posté parBenjamin Bertonle 18.02.11 à 15:24

AVERTISSEMENT : La lecture de cette consultation du Dr Littérature est déconseillée aux enfants de moins de 10 ans.

La question de Jérémy, énoncée ci-dessous, me donne l'occasion, en préambule, de revenir sur un sujet que j'ai assez peu abordé jusqu'ici qui est celui de l'organisation de la médecine littéraire. Notre discipline est organisée, sur le modèle de la médecine traditionnelle, en médecine littéraire générale ou généraliste (dont je fais partie) et en médecine spécialisée ou spécialiste. Il y a donc des sexologues littéraires, des dentistes littéraires, des ophtalmologistes littéraires qui s'occupent respectivement du sexe en littérature, des problèmes de dentition des héros et écrivains de roman (centraux chezMartin Amis, pour ne citer que lui) ou du regard et des couleurs dans les œuvres littéraires. Autant dire que si je n'avais souscrit, durant mes études, à un module complémentaire et optionnel portant sur “le sexe et ses traitements littéraires”, je serais bien en peine de vous répondre et vous aurais conseillé de vous adresser à l'un de mes collègues comme le fameux Dr C-Litt, au sobriquet assez vulgaire, mais qui passe pour l'un des meilleurs spécialistes de la discipline. Heureusement pour vous, je me considère suffisamment compétent pour vous donner un premier vie et vous mettre sur la voix d'une guérison.
Votre question relève en effet clairement de la sexologie littéraire. Vous écrivez ainsi : «Bonjour Docteur, j'aimerais vous consulter sur une légère fixation qui me tient depuis ma plus tendre adolescence : littérature générale, science-fiction, autobiographie ou polar, je ne supporte pas les livres dans lesquels la sexualité, ou les scènes de sexe, sont éludées, passées à la trappe ou encore mal écrites… c'est grave Docteur ?» J'avoue que votre symptôme est étonnant et fait écho à l'élection récente, que nous avons relayée, de “la pire scène de sexe littéraire de l'année“. Vous n'êtes pas le seul, Dieu merci, à vous plaindre du traitement réservé aux accouplements, aux scènes de coït et d'union sexuelle dans les romans contemporains. Ce phénomène est évidemment récent et à mettre en relation avec l'évolution des mœurs. Le traitement explicite de la sexualité (en dehors d'ouvrages spécialisés et qui ont toujours existé depuis l'Antiquité) dans la littérature est évidemment un phénomène contemporain qu'on peut dater, en tant qu'art populaire, à la seconde moitié du XIXème siècle. Avant ça, on baisait dans le sous-entendu et en toute discrétion. Votre remarque aurait paru hors de propos et déplacée.

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