Pauvre justice française

Publié le 20 février 2011 par Vonric Vonric

Est-il normal que police et justice ne fassent pas bon ménage en France ? Doit-on entendre que police ne rime pas avec justice ? Est-il normal que bien souvent le ministre de la police l'intérieur s'oppose à celui de la justice (dernièrement affaire MAM contre Hortefeux - il est vrai que ce récidiviste a maintenant l'habitude d'être en délicatesse avec la justice) ? Doit-on, comme Fillon récemment, clamer que la grogne des Magistrats est disproportionnée - alors que ceux là même s'insurgent depuis des mois sans que le gouvernement ne fasse quoi que ce soit ? Est-il normal qu'il faille que le pays soit condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour que le gouvernement décide enfin de se pencher sur le problème du droit de la défense pendant la garde à vue ? Est-il possible de dire que la Justice a les moyens d'effectuer son travail et que c'est juste une question d'organisation, alors que les classements montrent que le budget que le gouvernement lui alloue (/PIB) la classe à la 37e place des pays du Conseil de l'Europe (p47 - rapport téléchargeable ici) ? Comment justifier que :

  • Il y a 7 500 magistrats pour traiter 5 millions d'affaires par an, 250 juges d'application des peines pour traiter 180 000 dossiers, 569 juges d'instructions pour 35 000 affaires... soit le même nombre qu'en 1867 !
  • La France consacre 1,6 % de son budget, soit 0,6 % de son PIB à sa justice, ce qui la classe au 23ème rang sur 25 pays de l'Union Européenne.
  • Le salaire moyen d'un magistrat français est de 23 800 euros annuels contre 77 200 au Danemark.
  • Le budget total annuel alloué aux services judiciaires n’a augmenté en France que de 0,8% entre 2006 et 2008. Dans le même temps, ce budget augmentait de 26,8 % en Espagne de 24,5 % au Portugal, de 20,1 % en Autriche, de 10,3 % en Belgique et de 7,7 % aux Pays Bas, la moyenne européenne étant fixée à 17,7 % !
  • La France met en moyenne un an pour traiter un dossier contre un mois et demi en Grande-Bretagne.

Alors quand je vois le ministre du Budget François Baroin (et porte parole) déclarer lundi 7 février sur France 2 que le budget augmentait depuis 2002, ainsi que les effectifs "c'est pas un problème de moyens, c'est un problème d'état d'esprit" je me dis que la première chose à faire est d'interdire le foutage de gueule et de punir ceux qui insultent leur auditoire !

Pour terminer, je me contenterai, comme Gascogne, de reproduire ici des extraits d'une lettre ouverte adressée par la CGT Pénitentiaire au Président de la République suite au meurtre de la jeune Laëtitia à Pornic. Cette lettre est consultable sur le site du syndicat.

Monsieur le Président,

[...]

Je peux comprendre votre trouble, lorsqu’en conseil des ministres vous dites : « Que puis-je dire à la famille de Laëtitia ? » … Que pouvez-vous leur dire ?

Tout d’abord, raconter comment vous avez, à cause de votre politique, anéanti les services publics en supprimant des fonctionnaires.

Ensuite, leur expliquer que la politique pénale menée par les ministres obéissant à vos ordres, a engendré une surpopulation carcérale, sans recruter des fonctionnaires supplémentaires tant à l’administration pénitentiaire qu’à la Justice en général. Expliquer comment les juges sont surchargés de dossiers ….

Vous éclairerez la famille sur l’état de la protection judiciaire de la jeunesse où le nombre de fonctionnaires ne cesse de diminuer. Vous pourrez aussi leur dire que les juges pour enfants sont débordés, parfois sans greffier, et que l’Etat ne reverse pas assez d’argent aux collectivités pour qu’elles recrutent des éducateurs pour le suivi des enfants et des jeunes en danger ou en difficultés !

Il n’y aura pas de boucs émissaires !

Alors, après analyse des responsabilités, vous pourrez vous excuser car la famille de la victime doit savoir que les dysfonctionnements de la Justice ne sont pas le fait d’un fonctionnaire d’un SPIP ou d’ailleurs, d’un magistrat, mais que c’est le fait de la défaillance d’un système, celui de l’Etat qui s’est désengagé de ses obligations depuis de longues années, et plus particulièrement depuis votre élection !

Comme vous êtes chef de cet Etat défaillant, vous pourrez leur signifier, que vous portez l’entière responsabilité de la déficience et du dysfonctionnement ! Avec la CGT pénitentiaire, je n’accepterai pas que des professionnels de la Justice paient à la place du pouvoir exécutif, donc du système !

Recevez, monsieur le Président, l’expression de mon attachement à l’ensemble des services publics, bastions et remparts de la démocratie donc de la République française !

Céline Verzeletti, Secrétaire Générale de la CGT pénitentiaire