La Révolution des frites

Publié le 25 février 2011 par Copeau @Contrepoints

Avec un sens de l’humour dont les Français sont assez dépourvus les Belges viennent de lancer la « révolution des frites ». Il s’agit pour eux de manifester à l’occasion du record que leurs hommes politiques viennent de battre : le 16 février 2011, ils ont fait mieux que les dirigeants de l’Irak qui avaient passé 249 jours sans gouvernement.

La Révolution des frites allonge la liste des réactions de même type et des slogans qui ont été enregistrés outre-Quiévrain depuis quelques mois. Il y a eu Benoît Poelvoorde, un acteur qui a demandé aux Belges de porter la barbe jusqu’à ce que « la Belgique se relève ». Il y a eu le défilé « Shame » après 200 jours de négociation avec pour slogans « un flamand + un wallon = 2 belges » et « la bière moins chère ». Il y a eu un sitting virtuel sur internet avec 150.000 participants devant le siège du gouvernement. Il y a eu une proposition pour les femmes belges de « garder leurs jambes fermées », etc.

On connaît évidemment l’origine de ce blocage : depuis les élections de juin 2010 les deux partis majeurs en présence, l’alliance néo-flamande (NVA) et le parti socialiste francophone (PS) ne s’entendent pas sur la mise en œuvre d’une solution fédérale, notamment à cause de certaines poches à proximité de Bruxelles, qui sont francophones mais seraient de fait encerclées par les Flamands et régies par la législation flamande. La rupture entre Flamands et Wallons est ancienne, et il y a déjà une grande autonomie juridique, fiscale et politique de chacune des parties de la Belgique. Les Flamands sont plutôt de droite, riches et entreprenants, les Wallons plutôt de gauche et leur situation économique souffre du déclin de la sidérurgie et de la métallurgie, l’État providence et la fiscalité s’y sont développés naturellement.

Mais le plus instructif de l’affaire, et cela concerne les pays étrangers, à commencer par la France, c’est ce que l’absence de gouvernement a valu aux Belges. La réponse est : rigoureusement rien, et peut-être beaucoup de bienfaits. L’État belge a fonctionné a minima : la sécurité a été assurée, la justice a été rendue, les affaires étrangères ont été gérées à travers le parlement européen et l’Union. La crise économique n’a pas été plus grave ici qu’ailleurs, le port d’Anvers est plus prospère que jamais, des entreprises étrangères se sont installées. Le chômage a baissé en 2010, le taux est de 8,1%, inférieur de plus d’un point à celui de la France.

Le bienfait ? Pendant tous ces mois, aucun gouvernement n’a pu lancer quelque initiative, qui se serait traduite par davantage de dépenses publiques, ou davantage de contraintes réglementaires. Le statu quo de l’État est une bonne chose : pendant ce temps l’État ne progresse pas.