Bienvenue en France

Publié le 25 février 2011 par Opinion Sur Rue

Le Salon de l’Agriculture à Paris. Grande messe incontournable pour la classe politique et les médias. Opinion Sur Rue s’est rendu sur place pour regarder la France dans les yeux, et les vaches dans leurs pis. On comprend maintenant pourquoi de nombreuses personnalités politiques souhaitent s’y rendre et s’y faire voir.

Porte de Versailles, Parc des Expositions à Paris. Un monde fou se masse aux entrées. On se croirait une heure avant un concert de Grégoire, oui Grégoire, le chanteur à texte familial. Et les familles se poussent et jouent des coudes pour accéder aux pavillons. Ils sont tous là, au grand complet et tous horizons : noirs, blancs, jaunes, caramels, riches, pauvres, classe moyenne, banlieusards, bourgeoisie intra et extramuros, provinciaux, Parisiens, avec tickets, sans tickets, jeunes, vieux, quadragénaires, handicapés, valides, cadres, ouvriers, paysans, chômeurs, intérimaires, fumeurs, non-fumeurs, célibataires, en couple … Bienvenue en France.

Notre visite commence par un premier pavillon dans lequel aboient des chiens, miaulent des chats et trottent des chevaux. Nous nous approchons d’une présentation de race d’équidés.

Les enfants agglutinés autour du spectacle sont servis. C’est mieux qu’à la télévision et que dans les livres. Une dame présente la race au micro. La mise en scène est neutre, gentille, sans convictions. Nous laissons la place aux plus petits.

Nous continuons notre visite. Entre deux pavillons, une nouvelle attraction s’offre à nous. Une race d’animaux politiques de gauche se promène entre les pavillons : l’eurodéputée Eva Joly, la peut-être-on-verra-demain candidate d’Europe Ecologie-Les Verts pour 2012, son secrétaire national adjoint Jean-Vincent Placé et l’eurodéputé José Bové. Une foule de caméras, de micros et de journalistes se tasse vers nos hommes politiques. Dans la bousculade, nous nous retrouvons à côté de Jean-Vincent Placé. Après quelques interviews, le deuxième Vice-Président de la région Île de France (chargé des transports et des mobilités) donne congé aux reporters. Un perchiste vérifie sa prise de son et demande à un caméraman : « C’est qui lui ? ». Nous préférons nous écarter. Manque de bol (c’est une expression), nous tombons sur une bande jeune qui s’écrit : « Té-ma, y’a Jackie Chan ! ».

Nous continuons notre visite. En croisant toutes ces familles, nous nous disons que c’est fou le nombre de gosse qui s’appelle Ryan. Les gens donnent vraiment des noms difficiles à porter. Mais à 3 ans, on s’en fou de la qualité de son prénom, du moment qu’on peut perdre ses parents pour enfin céder à cette excitation qui n’appartient qu’à l’enfance, celle qui fait qu’on pousse les autres pour être le premier, qu’on veut toucher et qu’à ce moment-là, plus rien de compte mais la satisfaction de son seul plaisir, de sa soif de découverte. Rendez-vous au Pole Emploi dans 20 ans.

Dans ce salon avant tout familial, les enfants courent partout et les parents crient beaucoup. Nous passons plusieurs stands pour arriver devant les bovidés. Malgré l’interdiction, de nombreuses personnes touchent les bêtes. Le stress commence à monter chez certains boucs. Nous préférons nous écarter avant le drame.

Nous continuons notre visite. Soudain, c’est le choc. Devant nous se dresse un immense stand Mc Donald’s. Damn ! Mais qu’est-ce que ça fou là ? Mais bien sûr : ça communique. La multinationale se doit de promouvoir la qualité de ses produits. On croirait presque qu’ils font du bio. Nous aurions bien demandé à José Bové un commentaire sur la place de ce stand dans ce salon.

Un peu plus loin, un gentil spectacle attend de nombreuses familles. Le miracle de la vie : des œufs éclosent sous des yeux de petites têtes qui s’exclament : « Regarde Maman ! ». Ces bambins sont à milles lieux d’imaginer que ces volailles finiront achées en nuggets avant d’être trempées dans une sauce barbecue de chez Mc Donald’s.

Nous continuons notre visite pour nous diriger vers un pavillon beaucoup plus gastronomique. Explosion de régions sur plusieurs étages et dans tous les coins. Nous ne savons pas où donner des yeux, du nez et de la bouche.

Ca boit pas mal tout de même entre les stand d’Aquitaine et de Martinique. Disons que de nombreux exposants ont besoin de faire chuter la pression face à l’énergie que toute cette populace demande. Une adolescente braille à ses parents : « Ah, le voilà le boudin à la viande ». Sa mère a bien fait de l’emmener au Salon de l’Agriculture. Un peu plus loin, des parents font boire du vin à leur enfant sous le regard complice d’un caviste. Le père, tenant fièrement l’enfant dans ses bras, lâche un sonore et chantant « Bravoooo ! » à son fils lorsqu’il repose le verre terminé. Nous regardons médusés cet innocent Français de 2 ans qui devra boire la coupe jusqu’à la lie (sans mauvais jeu de mot) lorsqu’il entrera en phase de sevrage à l’aube de sa trentième année.

Le Salon de l’Agriculture à Paris permet aux visiteurs de prendre vraiment conscience de l’immensité du patrimoine de la France et de ses anciennes colonies (Madagascar est très représenté), une forme d’exposition coloniale consacrée aux régions. La richesse de l’apanage français est magnifique de diversité. On n’en ressort ébloui, presque patriote. Aller au Salon de l’Agriculture, ce n’est ni aller à la rencontre de la France paysanne, ni assister à la promotion de la France des campagnes. C’est tout simplement aller à la rencontre de la France.

Pour aller plus loin
Site du Salon de l’Agriculture