Le Philharmonique de Berlin rend hommage à Karajan (vraiment ?)

Publié le 27 janvier 2008 par Philippe Delaide

Concert vendredi 25 janvier à Pleyel. Un programme "hommage à Herbert Van Karajan" avec l'Orchestre Philharmonique de Berlin sous la direction de Seiji Ozawa.

En première partie, le concerto pour violon et orchestre en ré majeur de Beethoven interprété par Anne-Sophie Mutter. En seconde partie, la symphonie N°6 ("Pathétique") de Tchaïkovski.

Pour une fois, j'arrive très en avance (vers 18h30) et remarque déjà quelques personnes qui cherchent désespérément des places. Pas étonnant de trouver des mélomanes errant pour rechercher si, par miracle, une place se libérait. La soirée était en effet largement monopolisée par des "invitations VIP" d'au moins quatre sociétés différentes (la Deutsche Bank, sponsor du Philharmonique de Berlin, la Société Générale, LVMH, Deloitte...).

J'avais pour ma part réservé mes places via un abonnement à un prix que d'aucuns jugeront indécent (que ne fairait-on pas pour écouter l'un des plus beaux orchestres au monde...).

Anne-Sophie Mutter aborde le concerto de Beethoven avec une raideur surprenante. Elle tente de prendre le contre-pied des versions traditionnellement viriles et épiques avec une approche qui se veut visiblement méditative, au fil du rasoir avec un tempo étiré. Pour autant, ce parti pris ne m'a pas vraiment conquis. Je dois avouer m'être rarement autant ennuyé (je me suis même assoupi, revenant ce jour là d'un voyage professionnel...).

La technique est irréprochable mais il y a toujours chez cette interprète quelque chose de glacial et sans saveur. Le supplément d'âme n'était donc pas au rendez-vous, malgré l'accompagnement très attentionné de Seiji Ozawa qui tenait un orchestre félin, ronronnant au service de la soliste. Souplesse des développements, petite part de mystère... on aurait presque retrouvé le grand Giulini quand il accompagnait Itzhak Perlman sur le même concerto.

Pour la 6ème symphonie de Tchaikovski, le maître japonais attrape le "monument" à bras le corps (et par coeur, sans partition). Quand on a été bouleversé par la lecture inouie d'un Mravinsky à la tête du Philharmonique de Leningrad (cf. note du 26 septembre 2006) avec les phrases ciselées au millimètre et une forme de brutalité sauvage, on peine à rentrer dans l'univers de Seiji Ozawa, tout en rondeurs, en souplesse et où le sentimentalisme de Tchaikovski semble exacerbé.

C'est là que le bât blesse un tout petit peu. Seiji Ozawa inscrit sa version sous le signe de la noirceur et du désespoir mais avec malheureusement une tension insuffisante pour nous convaincre et nous marquer. La ligne se relâche trop souvent et la tonitruance de l'orchestre (notamment sur le 3ème mouvement, Allegro molto vivace) si elle a impressionné le public de Pleyel, ne fait que masquer l'absence d'une véritable intensité dramatique. Au crédit toutefois de Seiji Ozawa, le fait qu'il ait donné une belle unité à cette symphonie, et ait vraiment raconté une histoire. C'est suffisamment rare pour être souligné. Si on peut ne pas adhérer au parti pris esthétique, cette symphonie avait toutefois une belle unité.

La sonorité de l'Orchestre de Berlin confirme la beauté plastique indéniable de ses sonorités, soyeuses et d'une souplesse remarquable. Il manquait parfois l'éclat que l'on attend sur une symphonie qui procure pourtant tellement d'occasions d'emporter les spectateurs.

Cette soirée est la confirmation que des concerts coûteux alignant des "stars" du classique, ne sont pas toujours les plus réussis.

Le public (dont les VIP invités) se lève pour donner une "standing ovation" à Seiji Ozawa. Quand un orchestre joue bien fort, cela paie toujours.

Ci-dessous, critique saignante de ce concert par Renaud Machart dans le Monde daté d'aujourd'hui. Je vous laisse apprécier et en déduire le sens de la nuance que tente de maintenir le Poisson Rêveur.

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LE MONDE | 26.01.08
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