Raymond-Emile Waydelich, « archéologue du futur »

Publié le 03 mars 2011 par Elisabeth1

C’est la découverte, au marché aux puces de Strasbourg, du journal d’une jeune apprentie couturière de Neudorf qui fait entrer en 1973 son auteur, Lydia Jacob, dans la vie de Raymond-Émile Waydelich ! Elle ne le quittera plus et depuis plus de quarante ans, c’est à elle que l’artiste a voué son œuvre en une exploration quasi-archéologique de la vie de cette jeune Neudorfoise du siècle passé. Les boîtes-reliquaires qu’il lui dédie contiennent des fragments d’objets, des photos jaunies par le temps, des lettres soigneusement calligraphiées, des plumes, des objets divers comme autant de pièces d’un puzzle, témoins fragiles d’un passé disparu.
Fasciné par l’archéologue Heinrich Schliemann, le célèbre découvreur de l’antique ville de Troie, Raymond Waydelich est aussi l’auteur, depuis plus d’une vingtaine d’années, une œuvre inspirée en une vision très personnelle et poétique par une « archéologie du futur ». Il est ainsi devenu le créateur d’une série de « sites archéologiques » dont l’exploration développe une vaste réflexion sur notre monde d’aujourd’hui et ses errements :
1978 : première expédition archéologique et découverte de l’Homme de Frédehof en 2000 avant J.-C.
Cette œuvre, qui représentait cette année-là la France à la Biennale de Venise, est le premier jalon d’un vaste travail de mémoire où se mêlent présent et avenir, à travers le regard porté par l’artiste sur les traces de notre civilisation mises au jour par nos lointains descendants en 2000 après J.-C.
1983 : deuxième expédition et découverte du site de Grubierf en 3500 après J.-C.
Avec l’« Environnement Tiefgarage » dans le cadre de la construction d’un parking souterrain au cœur de la ville de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) a fourni quelques années plus tard à Raymond Waydelich l’opportunité de recréer cette fois-ci un véritable site, celui de Grubierf, fossilisant un garage souterrain contemporain et les véhicules qui y sont garés sous l’épaisse poussière des siècles et… de nouer une première collaboration avec le Musée Archéologique. Notre monde vu dans la perspective d’un observateur d’un lointain futur a permis à l’artiste de continuer à développer un propos original sur le devenir de notre civilisation détruite dans un grand cataclysme. Si la démarche est teintée d’un certain pessimisme, elle livre aussi un charme poétique, non dénué d’humour.
1994 : L’Ile d’Orsi, 3720 après J.-C. correspond à la troisième expédition. Les découvertes ont été présentées au Centre d’Art plastique de Vllefranche-sur-Saône.
1995 : Mutarotnegra, 3790 après J.-C. Pour la quatrième expédition, c’est l’emblématique cathédrale de Strasbourg enfoui sous les sables d’un vaste désert qui est mise en scène avec la découverte du site de Mutarotnegra, tiré du nom antique de la ville de Strasbourg/Argentorate en lecture inversée. Un cataclysme a détruit la cité qui dort ensevelie sous les sables et qui n’est plus localisée que par une flèche en grès rose finement sculptée qui émerge des dunes environnantes. Là encore, les objets mis au jour par les archéologues du futur qui explorent la cité engloutie en 3790 après J.-C. ont été intégrés dans un large parcours à travers les collections du Musée Archéologique.
En parallèle à l’exposition « Mutarotnegra » et pour prolonger sa démarche, l’archéologue Raymond Waydelich décide aussi de faire un superbe cadeau aux archéologues du futur ! L’idée d’un « Caveau pour le Futur « est lancée et c’est ainsi qu’il réalise, en septembre 1995, avec la complicité de la Ville de Strasbourg et d’un vaste réseau d’amis, un nouveau « site », localisé cette fois-ci au cœur de la ville. Ont été enterrés, place du Château à deux pas de la cathédrale et en face du Palais Rohan où était présenté les découvertes « archéologiques » de Mutarotnegra, de nombreux objets, documents et messages constituant la mémoire de notre civilisation et destinés aux archéologues de l’an 3790 après J.-C. Une plaque en fonte, incrustée dans le sol de la place du Château, commémore l’événement et rappelle la présence de ce « caveau pour le futur », auquel s’est largement associée la population par des messages destinés aux archéologues du futur. Le caveau ne doit en effet être ouvert sous aucun prétexte avant 3790 après J.-C. Un second caveau, baptisé « Lessak », a été réalisé avec le même succès, en collaboration avec le Sepulkralkultur Museum et la Ville de Kassel (Allemagne) en 1997.
2009-2010 : Alsace-Kreta : le nouveau « site archéologique » a été « mis au jour » en 3790 après J.-C. lors des toutes récentes fouilles menées sur une île proche du site de l’antique Mutarotnegra… Ce site spectaculaire a livré de nombreux « vestiges » qui sont présentés dans le cadre de cette exposition…
 
Musée Archéologique

L’exposition « ALSACE-KRETA/ Fouilles récentes de Mutarotnegra - 3790 après J.-C. », initiée par l’association « Alsace-Crète » et soutenue par la Direction régionale des Affaires Culturelles d’Alsace, est née d’une active collaboration entre la ville de Réthymnon, située au nord de l’île de Crète, et la Ville de Strasbourg, mais aussi entre les Régions d’Alsace et de Crète. Elle s’inscrit dans le cadre de la coopération culturelle existant depuis de longues années entre le programme européen d’échanges artistiques « Apollonia » et le Musée d’Art contemporain de Crète.
Après sa présentation à Réthymnon dans l’espace dédié de la Fortezza de Réthymnon entre mai et juillet 2010, l’exposition « Alsace-Kreta » conçue et réalisée par l’artiste alsacien Raymond-É. Waydelich dans le cadre d’une résidence artistique croisée, est accueillie en 2011 dans les salles du Musée Archéologique de la Ville de Strasbourg, où elle dialogue avec les collections permanentes du musée.
Cette sélection d’une quarantaine d’œuvres est composée en majorité de céramiques et de sculptures en terre cuite et en bronze inspirées par le riche passé archéologique de la Crète et par son vaste bestiaire mythologique. Ces créations ont été réalisées par Raymond-É. Waydelich selon les techniques traditionnelles des céramistes crétois de Margarites au cours de ses nombreux séjours dans l’île et, plus particulièrement, à l’occasion d’une récente résidence d’artiste en 2008-2009. Sur des formes séculaires, l’artiste alsacien a développé un décor fait de formes peintes et plastiques largement inspirées de sa propre vision de l’histoire et de la mythologie crétoises.
L’accueil de l’exposition à Strasbourg permet ainsi de renforcer davantage encore les liens entre Réthymnon et la Ville de Strasbourg et plus largement les échanges culturels entre l’Alsace et la Crète.

texte musée de Strasbourg

Photos de l’auteur