Japon : Sarkozy pense à sa filière nucléaire

Publié le 15 mars 2011 par Juan
Une fois de plus, il s'est distingué, lundi 14 mars, dans sa réaction à la catastrophe nucléaire qui frappe désormais le Japon. Le violent tremblement de terre puis le tsunami qui ont frappé la côte est du Japon vendredi 11 mars ont endommagé des installations nucléaires du pays. Pour la France, la nouvelle tombe mal. La Sarkofrance a tenté, depuis 2007, de relancer l'exportation de notre technologie atomique. Et voici qu'une catastrophe naturelle inédite rappelle combien la filière est fragile. N'en déplaise à Nicolas Sarkozy qui a tenté de convaincre du contraire.
La méthode coué
Avec 55 centrales, le Japon est la troisième producteur d'énergie nucléaire au monde, derrière les Etats-Unis et la France. Lundi, le monde atomique tremblait encore. Tout le weekend, la Sarkofrance a tenté de minorer les risques. Après une première explosion dans le premier réacteur de la centrale de Fukushima, d'autres explosions frappèrent un second réacteur. Puis, un troisième subissait lundi une panne de refroidissement. Interrogé une demi-heure après la nouvelle sur France Inter, le ministre de l'industrie Eric Besson ne pouvait que confirmer l'inquiétude officielle : « La situation est préoccupante. On est dans un accident nucléaire grave puisqu'il y a eu des fuites radioactives, mais on n'est pas dans une catastrophe.» Le même expliquait la veille que « la question nucléaire n'est qu'une petite partie, certainement pas la plus importante de ce drame qui a frappé le Japon.» Il fallait, coûte que coûte, défendre le modèle. L'image étonnante d'une conférence de presse commune avec les dirigeants d'EDF et d'Areva laissait comprendre combien le gouvernement français était inquiet.
En déplacement à Bruxelles, sa collègue de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet ajoutait : « le risque de grande catastrophe ne peut être écarté .» Pour autant, le gouvernement français est resté sourd aux appels des écologistes : même le très prudent Nicolas Hulot a réclamé un référendum sur la politique atomique, une démarche prématurée selon Eric Besson. « Je ne suis pas pour sonner le tocsin avant que quelque chose de très important se soit produit.» expliquait-il encore dimanche.
Le business français
Depuis 2007, Nicolas Sarkozy n'a pas ménagé ses efforts pour défendre les qualités de l'énergie nucléaire : il a signé des accords tous azimut : Algérie, Tunisie, Afrique du Sud, Inde, Arabie Saoudite, Abou Dhabi, Egypte, et même la Libye en juillet 2007 (l'installation n'a cependant jamais été construite depuis lors). En mai 2008, il créait « France nucléaire international », une agence chargée d'apporter « l’expertise française aux États étrangers qui souhaitent préparer leur environnement institutionnel, humain et technique à la mise en place d’une filière nucléaire civile. » En juillet 2008, il lançait la construction d'un second EPR en France, alors que le premier n'est toujours pas en service et subit plus années et milliards d'euros de dépassement.
Après l'échec retentissant du consortium français EDF/Areva dans l'appel d'offre d'Abou Dhabi en décembre 2009, Nicolas Sarkozy a tenté de mettre de l'ordre. Un rapport de l'ancien président d'EDF Roussely dénonçait les mauvais choix de l'industrie nationale, trop focalisée sur l'exportation d'EPR coûteux et peu sécurisés. Une réunion d'arbitrage,en février dernier, permettait de fixer quelques nouvelles règles : avant l'été, EDF et Areva devront signer « un accord technique et commercial », afin de moderniser le parc français, déjà ancien, et mieux collaborer sur la gestion des combustibles ; Areva devra filialiser son exploitation de l’uranium. Enfin, les deux groupes devront travailler au développement du réacteur de moyenne puissance ATMEA-1, et non seul EPR. La prise en otages d'une troupe de personnels d'Areva au Mali, l'an dernier, rappelait enfin combien l'indépendance énergétique de la France prétendument acquise grâce au nucléaire était toute relative : l'uranium ne pousse pas dans les champs !
La contre-attaque
Dimanche, le conseiller multi-cartes Henri Guaino avait donné le ton, en déclarant que la catastrophe ne signifiait rien pour la filière française, bien au contraire : «  je crois que ça devrait plutôt favoriser notre industrie nucléaire par rapport aux industries d'autres pays où la sécurité est passée au peu plus au second plan.» Les Japonais apprécieront... Guaino répétait des arguments concoctés à l'Elysée.
Lundi 14 mars, Nicolas Sarkozy allongea la sauce pour contrecarrer les critiques et les inquiétudes devant le drame japonais. Il tenait une réunion à huis clos avec des dirigeants de l'UMP. Ses propos ont été fuités. Sarkozy était-il président ou candidat ? On ne sait plus. La confusion des genres était totale, comme souvent : étaient présents quelques conseillers élyséens (Xavier Musca, Brice Hortefeux), un ministre (le premier, François Fillon), mais aussi quelques ténors de l'UMP : le secrétaire général Jean-François Copé, ses deux secrétaires adjoints Marc-Philippe Daubresse et Hervé Novelli, et même Edouard Courtial, le jeune secrétaire aux fédérations.
Devant eux, Sarkozy se serait écrié : « Si on a perdu des marchés et des appels d’offres, c’est parce qu’on est les plus chers. Et si on est les plus chers, c’est parce qu’on est les plus sûrs ! » Il faisait allusion au déboire de décembre 2009 : « L’EPR, je connais bien le chantier, j’y suis allé plusieurs fois. Je suis désolé de dire ça, mais on a la double coque ! Le principe de la double coque, c’est que si un Boeing 747 s’écrase sur une centrale, le réacteur n’est pas touché.»  Selon un responsable UMP, témoin de cette sortie verbale du Monarque, Sarkozy veut « défendre d'une manière générale le savoir-faire français dans le nucléaire comme dans tous les autres domaines.»
Ce lundi, Nicolas Sarkozy recevait quelques ONG participants du Grenelle de l'Environnement de 2007. La rencontre intervenait à point nommé. Le dialogue fut paraît-il « franc et un peu chaud » a commenté l'un des participants. « On a senti qu’il voulait reprendre la main sur ces sujets.» Le communiqué officiel fut des plus laconiques.