Le Grenelle capitule face à la pression des lobbyings

Publié le 16 mars 2011 par Sequovia

L’article 225 du Grenelle de l’Environnement a ouvert le front entre Gouvernement et organisations patronales voilà de ça maintenant 3 mois. La question posée concernait le report de l’obligation de reporting social et environnemental pour les entreprises non-cotées en bourse. Craintifs à l’idée de bousculer leurs portefeuilles, l’idée majeure était de réduire le champ d’action de l’article 225 et de rehausser son seuil d’application.  Selon les premières lignes du projet de décret, publié le 14 mars dernier, il semblerait que la bataille ait été remportée par nos amis réfractaires au changement durable avec un texte pleinement conforme aux exigences patronales.

 

  • Avancer pour mieux reculer

Le projet de décret reflète un combat sans merci des organisations patronales pour faire reculer l’impact du Grenelle sur nos entreprises. En effet, la grande majorité des entreprises non cotées ne sera assujettie à l’obligation de reporting social et environnemental qu’à l’horizon 2013, leurs effectifs étant compris entre 500 et 2000 salariés. Cette décision amenuise considérablement le champ d’application de l’article de loi qui n’aura de véritable impact que sur une dizaine d’entreprises seulement pour 2011. « Pour les exercices clos entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, le total du bilan ou le montant hors taxe du chiffre d’affaires est fixé à 1000 millions d’euros et le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice à 5000 », précise le décret.
Le seuil concernant le total du bilan avait été initialement fixé à 43 millions d’euros. Dans un souci, là encore, de réduction de l’impact de l’article 225 sur les PME et grandes entreprises,  ce fameux seuil est finalement annoncé à 100 millions d’euros : de quoi faire passer beaucoup de sociétés à travers les mailles du filet.

  • La « libre information »

 Concernant le contenu du rapport, là encore la surprise est de taille. Les entreprises seront libres de déterminer les informations pertinentes ou non à faire figurer au sein de leur rapport annuel. Si elles décident de ne pas mentionner certaines des informations listées dans l’article R.225-105-1, elles devront tout simplement en expliquer la cause, rien de plus. Même la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE), publiée en 2001 (soit 10 ans en arrière) ne proposait pas cette option. Non seulement la loi ne prévoit aucune sanction, mais le caractère non contraignant du texte est souligné. L’étonnement bat son comble est porté à son paroxysme lorsque l’on apprend que les entreprises non cotées ne seront pas soumises au même degré d’exigences en matière de reporting que les entreprises admises aux négociations sur un marché réglementé.

  • Un rapport déstructuré

Face à ce projet de décret fortement remis en question par bon nombre d’ONG et d’organisations telles que la CGT, nous ne pouvons qu’acquiescer cet appel à révision lorsque l’on constate que la loi NRE, elle-même, applique des obligations plus restrictives et plus cadrées que cela. Cette affirmation est d’autant plus vrai lorsque l’on évoque la question sociale qui voit disparaître toute une série d’obligations antérieures comme les informations relatives aux emplois dits précaires (CDD, intérim), celles concernant les plans de réduction des effectifs et plans de sauvegarde de l’emploi, l’intéressement, la participation, l’épargne salariale…. La liste est longue et laisse entendre le laxisme du décret d’application de l’article 225.
La structuration exigée du rapport est également une mesure à contester. En effet, les entreprises sont invitées à rédiger les informations relatives aux droits de l’homme au côté de celles concernant la lutte contre la corruption. Quant aux mesures concernant la santé et la sécurité des consommateurs, elles devront désormais se trouver sous une rubrique intitulée « loyauté des pratiques ». Que penser de plus lorsque l’on connait le contenu exact d’une fameuse norme ISO 26000, publiée en novembre 2010, et qui est préconisée comme support majeur aux entreprises soucieuses de mettre en place une politique RSE. Ces bouleversements risquent de conduire les entreprises à se mélanger les pinceaux.

  • Avis de Sequovia

Les erreurs se succèdent et risquent de peser lourd dans la balance, du moins nous l’espérons afin que ce projet de décret soit réviser comme il se doit. Quel impact aura le reporting social et environnemental lorsqu’il sera devenu monnaie courante pour bon nombre d’entreprises ? L’important n’est plus seulement de se réglementer mais de prendre réellement conscience des opportunités d’innovation et de compétitivité qui s’offrent aux entreprises françaises. Le Grenelle est considéré comme une initiative pionnière sur le thème du développement durable pour bon nombre de pays, alors ne gâchons pas tout, jouons le jeu et vous serez surpris de récupérer très vite la monnaie de votre pièce.