Proche-Orient : la contre-révolution d’Obama par Thierry Meyssan

Publié le 19 mars 2011 par Hugo Jolly

Après avoir hésité sur la conduite à tenir face aux révolutions arabes, l’administration Obama a choisi la manière forte pour sauver ceux de ses vassaux qui peuvent l’être encore. Comme par le passé, c’est l’Arabie saoudite qui a été chargée de mener la contre-révolution. Riyad a réussi à faire reconnaître ses pions libyens par la communauté internationale au détriment des insurgés et vient d’envahir le Bahreïn, écrasant dans le sang la révolte populaire.

A la demande du roi Hamad ibn Isa Al-Khalifa et avec le soutien des Etats-Unis, les troupes saoudiennes entrent dans Bahreïn pour y écraser la révolte (14 mars 2011)
A l’issue d’une réunion au palais de l’Elysée avec trois émissaires de la rébellion, le président Nicolas Sarkozy a annoncé, le jeudi 10 mars 2011, que la France ne reconnaissait plus le régime du colonel Khadafi comme représentant la Libye, mais le Conseil national libyen de transition (CNLT).

Il s’agit là d’un acte contraire à toute la tradition diplomatique française qui, jusqu’à présent, ne reconnaissait pas des gouvernements, mais des Etats. Cette décision fait suite à une autre par laquelle, le 4 décembre 2010, la France a reconnu Alassane Ouattara comme président de la Côte d’Ivoire en remplacement de Laurent Gbagbo.

Paris, qui a été suivi par la majorité de la Communauté internationale dans le cas ivoirien, espère l’être aussi dans le cas libyen. Il n’échappe cependant à personne que les décisions du président Nicolas Sarkozy n’ont pas été prises dans l’intérêt de la France —dont les entreprises sont chassées de Côte d’Ivoire et ne tarderont pas à l’être de Libye—, mais à la demande expresse des administrations Obama et Netanyahu.

Deux opérations se jouent simultanément : le déplacement du dispositif militaire US du Proche-Orient vers l’Afrique, et le sauvetage des régimes arabes fantoches.

Faire entrer les troupes impériales en Afrique

Ainsi que je n’ai cessé de l’expliquer depuis quatre ans et demi, la victoire de la Résistance libanaise face à Israël à l’été 2006 a mis fin à la stratégie états-unienne de remodelage du « Proche-Orient élargi » (Greater Middle East) [1]. Malgré diverses tentatives, dont la « main tendue » par Barack Obama lors de son discours du Caire [2], Washington n’est pas parvenu à élaborer de stratégie de remplacement. Apparemment tout continue comme avant, mais en réalité les États-Unis se désinvestissent lentement de cette région. Au demeurant, les réserves pétrolières du Proche-Orient étant en déclin alors qu’un investissement militaire massif et coûteux ne rapporte qu’à long terme, Washington a tourné son regard dans d’autres directions.

Après avoir envisagé de se concentrer sur les Caraïbes, c’est sur l’Afrique que l’Empire a jeté son dévolu. Il faut faire vite, car en 2013, un quart du pétrole et des matières premières consommés aux États-Unis proviendra du continent noir. Définitivement convaincu par les travaux du think tank israélien Institute for Advanced Strategic & Political Studies (IASPS), Washington a accéléré la création de l’AfriCom. Le véritable pouvoir qui gouverne les États-Unis depuis le coup d’État du 11 septembre 2001 a alors hissé Barack Obama à la Maison-Blanche et le général William E. Ward à l’AfriCom.

On se souvient que le sénateur d’origine kenyanne Barack Obama a travaillé activement à la création de ce dispositif et a entrepris une tournée spéciale en Afrique en août 2006 qui se termina par un débriefing au siège de l’AfriCom à Stuttgart. Il s’était particulièrement occupé des intérêts des firmes pharmaceutiques sur le continent noir et de la préparation de la partition du Soudan [3]. Le général Ward, quand à lui, n’est pas seulement un noir américain, il est aussi l’ancien responsable de l’assistance sécuritaire US à l’Autorité palestinienne, c’est-à-dire le coordinateur de sécurité entre Mahmoud Abbas et Ariel Sharon. Il fut chargé de la mise en œuvre de la « Feuille de route » et du retrait unilatéral des forces israéliennes de Gaza, préalable à la construction du Mur de séparation, à la séparation des Territoires palestiniens en deux (Gaza et la Cisjordanie) et à leur transformation en « bantoustans » distincts.

Le conflit de Côte d’Ivoire, qui oppose Laurent Gbagbo (élu par la majorité des Ivoiriens) à Alessane Ouattara (soutenu par une minorité d’Ivoiriens et par les immigrés burkinabés) amorce le plan de « remodelage de l’Afrique ». Encore faut-il trouver une porte d’entrée pour les troupes impériales, alors que tous les États africains se sont officiellement opposés au déploiement de l’AfriCom sur leur territoire. C’est là que le soulèvement libyen intervient.

La vague de révolte contre l’impérialisme qui agite le monde arabe depuis décembre 2010 a fait tomber le gouvernement de Saad Hariri au Liban, a provoqué la fuite de Zine el-Abbidine Ben Ali hors de Tunisie, la chute d’Hosni Moubarak en Égypte, des troubles au Yémen, à Bahrein et en Arabie saoudite, et des affrontements en Libye. Dans ce pays, le colonel Mouammar Khadafi s’appuie sur les Kadhafa (tribu du Centre) et la majorité des Makarha (tribu de l’Ouest). Il doit faire face à une vaste coalition qui, outre les Warfala (tribu de l’Est), compte aussi bien des monarchistes pro-occidentaux et des intégristes wahhabites que des révolutionnaires communistes ou khomeinistes. Washington a transformé cette insurrection en guerre civile : les mercenaires africains de la société israélienne CST Global sont venus sauver Khadafi [4], tandis que les mercenaires afghans des services secrets saoudiens sont venus appuyer les monarchistes et des groupes islamistes labellisés « Al-Qaeda ».
Outre les combats, la situation provoque une crise humanitaire internationale : en deux semaines, 230 000 immigrés ont fuit le pays (118 000 vers la Tunisie, 107 000 vers l’Égypte, 2 000 vers le Niger, et 4 300 vers l’Algérie).
Cette situation cruelle justifie une nouvelle « guerre humanitaire », selon la terminologie éculée de la communication atlantique.

Le 27 février, les insurgés fondent le Conseil national libyen de transition (CNLT). De son côté, le ministre de la Justice Moustafa Mohamed Aboud al-Djeleil, qui était l’interlocuteur privilégié de l’Empire au sein du gouvernement Kadhafi, se rallie à la révolution et créé un Gouvernement provisoire. Les deux structures fusionnent le 2 mars : l’étiquette CNLT est conservée, mais le Conseil est désormais présidé par Aboud al-Djeleil. En d’autres termes, Washington a réussi à placer son pion à la tête de l’insurrection.

Les premiers débats du CNLT nouvelle formule donnent lieu à de vifs échanges. Les pro-US proposent de faire faire appel à l’ONU pour empêcher les bombardements de l’armée loyaliste, ce que la majorité refuse. Le 5 mars, un diplomate britannique et une escorte de commandos des SAS débarquent par hélicoptère à Benghazi. Ils tentent de rencontrer le CNLT et de le persuader de faire appel au Conseil de sécurité, mais les insurgés refusent toute ingérence étrangère et les expulsent.

Coup de théâtre : Aboud al-Djeleil, qui ne parvient pas à faire évoluer la position du CNLT, le convainc d’instituer un Comité de crise présidé par Mahmoud Djebril. Ce dernier prend position en faveur de la zone d’exclusion aérienne.

Mahmoud Djebril (ministre de la planification) et Ali Essaoui (ambassadeur en Inde) ont rejoint les insurgés et ont été choisis par les Occidentaux pour représenter la Libye de l’après-Khadafi.

Les agences de presse occidentales s’efforcent de présenter Mahmoud Djebril comme « un intellectuel démocrate » qui réfléchissait depuis longtemps à l’évolution du pays et avait rédigé un projet intitulé Vision libyenne. En réalité, il siégeait aux côtés de son ami al-Djeleil dans le gouvernement Khadafi où il était ministre de la Planification. A l’instar de ce qui s’est passé dans les premiers jours des révolutions tunisienne et égyptienne, des cadres du régime tentent de se désolidariser du dictateur pour rester au pouvoir. Ils croient y parvenir en détournant le processus révolutionnaire et en servant les intérêts impériaux. Les voici maintenant qui agitent le drapeau rouge-noir-vert à l’étoile et au croissant du roi Idriss [5], tandis que Mohammed el-Senoussi, le prétendant au trône, déclare depuis Londres aux chaînes de télévisions saoudiennes qu’« Il est prêt à servir Son peuple ».

Le 7 mars, le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui réunit l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar, « demande au Conseil de sécurité de l’ONU de prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils en Libye, dont l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne ». Cette déclaration saugrenue dévie le débat du Conseil de sécurité qui, depuis la résolution 1970 [6], cherchait à faire entendre raison au colonel Khadafi en limitant ses déplacements et en gelant ses avoirs. Le CCG reprend au niveau étatique la proposition émise par l’ambassadeur de Libye à l’ONU, déjà rallié au CNLT.

Prétendument à l’initiative de députés, Mahmoud Djebril se rend à Strasbourg pour informer le Parlement européen de la situation dans son pays. Son transport est organisé par l’armée française. Sous l’impulsion du libéral belge Guy Verhofsdat et de l’écologiste franco-allemand Daniel Cohn-Bendit, le Parlement adopte une résolution appelant à une intervention internationale [7].

Le Premier ministre britannique David Cameron et le président français Nicolas Sarkozy adressent une lettre en sept points au président de l’Union européenne Herman van Rompuy [8]. Ils souhaitent que le Conseil européen extraordinaire reconnaisse le CNLT, soutienne une mise en accusation de Khadafi par le Tribunal pénal international et approuve une intervention militaire internationale. Cependant, leurs demandes sont rejetées [9]. L’Allemagne refuse de s’engager sur un terrain mouvant, tandis que la Bulgarie récuse le CNLT et accuse son président —Aboud al-Djeleil— d’être un criminel impliqué dans les tortures des infirmières bulgares longuement détenues par le régime.

Simultanément, les ministres de la Défense de l’OTAN se réunissent à Bruxelles pour préparer une possible zone d’exclusion aérienne [10].

Le CNTL —que la France a reconnu le 10 mars— remet le 12 mars une lettre au secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Le texte reprend la position saoudienne : il demande de « mettre fin à l’effusion de sang par le biais d’une décision imposant une zone d’exclusion aérienne en Libye et en reconnaissant le Conseil national de transition comme représentant de la Libye ». Immédiatement réunis à huis clos au Caire, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe récusent la délégation officielle libyenne et reconnaissent le CNTL comme nouvel interlocuteur, puis ils satisfont à sa demande et saisissent le Conseil de sécurité des Nations Unies pour établir la « zone de non-survol ».

Cette décision doit être comprise pour ce qu’elle est : les régimes arabes fantoches, mis en place par les États-Unis et Israël font appel à leurs suzerains pour se maintenir. Le Conseil de sécurité peut décréter une zone d’exclusion aérienne, mais il ne peut pas la faire respecter. La mise en œuvre reviendra à l’OTAN. Ce sont donc les forces impériales, déguisées avec des casques bleus, qui cloueront au sol l’aviation libyenne en bombardant ses aéroports et ses installations fixes et mobiles de missiles sol-air, puis éventuellement, en abattant ses appareils en vol.

La Ligue arabe n’a pas indiqué le détail du vote. Sur 22 États membres, seuls 2 ont voté non : l’Algérie, qui craint la présence de l’OTAN sur sa frontière Est, et la Syrie, qui persiste seule contre tous à résister à l’hégémonie états-unienne et au sionisme. Il est probable que le Liban et d’autres se sont abstenus.

Contrairement à ce que laissent entendre les responsables occidentaux, l’Union africaine n’a jamais souhaité une intervention militaire étrangère. Au contraire, elle l’a explicitement rejetée le 10 mars [11]. Et pour cause : il est clair pour chacun de ses membres que le drame libyen est volontairement amplifié pour servir de prétexte au débarquement massif des forces armées états-uniennes en Afrique.

Sauver les monarchies du Golfe

Dans le Golfe, l’Arabie saoudite est le centre du dispositif impérial. Au début du XXe siècle, cet État a été créé par la famille des Saoud avec l’appui des Britanniques, à l’issue de guerres de conquête extrêmement meurtrières. Avec ses réserves pétrolières —les plus importantes du monde—, il est tombé dans l’orbite états-unienne à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’accord du Quincy, conclu entre le roi Ibn Saoud et le président Roosevelt, fait obligation aux Saoud d’approvisionner en pétrole les États-Unis et fait obligation aux États-Unis de protéger la famille régnante (et non le pays).

L’Arabie saoudite n’est pas à proprement parler un État et n’a pas de nom, c’est juste la partie d’Arabie appartenant aux Saoud. Ceux-ci la gèrent dans leur intérêt personnel (et celui des États-Unis) et mènent ostensiblement une vie de débauche bien éloignée de l’austérité wahhabite dont ils se réclament. Le roi Ibn Saoud ayant eu 32 épouses et 53 fils, il a été convenu pour limiter les conflits familiaux que la couronne ne se transmettrait pas de père en fils, mais de frère à frère. Son fils aîné étant mort de maladie, c’est son fils cadet, alors âgé de 51 ans, qui lui succéda en 1953. Puis son troisième fils, alors âgé de 60 ans, en 1964, et ainsi de suite. Le roi actuel est âgé de 87 ans, il a récemment subi de lourdes opérations et n’en a probablement plus pour longtemps à vivre. Son frère Sultan, qui devrait lui succéder, est atteint de la maladie d’Alzheimer.

De tout cela, il résulte un régime impopulaire et fragile, qui a déjà failli s’effondrer en 1979. C’est pourquoi aussi bien Riyad que Washington observent avec crainte les insurrections arabes qui le cernent, au Yémen et au Bahreïn.

L’armée saoudienne est déjà présente au Yémen. Avec l’aide de la CIA, elle espère aider le président Ali Abdullah Saleh à mater la révolte. Reste Bahreïn.

Bahreïn est une petite île de la taille de la Micronésie ou de l’île de Man. Au XVIIIe siècle, elle a été prise à la Perse par les Al-Khalifa (des cousins de la famille régnante au Koweït). La monarchie est donc sunnite alors que la population d’origine est arabe chiite. À la différence des autres monarchie du Golfe, son économie n’est pas centrée sur la rente pétrolière. Il y a cependant une forte immigration (environ 40 % de la population totale), principalement venue d’Iran et d’Inde.

Ian Henderson, tortionnaire au service de Sa Majestée Elizabeth II, a maintenu l’ordre à Bahreïn durant quarante ans.

En 1923, le Bahreïn est tombé dans l’orbite britannique. Londres a déposé l’émir et placé son fils, plus conciliant, sur le trône. Durant les années 50 et 60, nationalistes arabes et communistes tentèrent de libérer le pays. Le Royaume-Uni répondit en dépêchant ses meilleurs spécialistes en répression, dont Ian Henderson, désormais connu comme le « boucher de Bahreïn ». En définitive, le pays retrouva son indépendance en 1971, mais ce fut pour tomber dans l’orbite des États-Unis qui y installèrent leur base militaire navale régionale et y attachèrent la Ve flotte. Les années 80 furent le théâtre de nouveaux troubles, inspirés par l’exemple de la Révolution iranienne. Dans les années 90, l’ensemble des forces d’oppositions s’unirent —à la fois marxistes, nationalistes arabes et khomeinistes— durant une longue intifada.

Alain Bauer, conseiller de sécurité de Nicolas Sarkozy, a été chargé de réorganiser la police de Bahreïn.

Le calme ne revint qu’en 1999 avec la montée sur le trône du roi Ahmad. Despote éclairé, il institua une Assemblée consultative élue et favorisa l’accès des femmes aux postes à responsabilité, ce qui lui concilia son opposition historique, mais lui aliéna les extrémistes de la minorité sunnite sur laquelle repose son régime.

Depuis le 14 février 2011, des manifestations se succèdent dans l’île. Initialement organisées par le Wefaq, le parti khomeiniste, elles dénonçaient la corruption et le système policier. Il s’agissait de réformer la monarchie et non de l’abolir. Cependant, le succès populaire du mouvement et la brutalité de la répression ont conduit à une rapide radicalisation, malgré une timide tentative d’ouverture du prince héritier [12].

Le prince Khalil bin Ahmad bin Muhammad Al Khalifa, ministre des Affaires étrangères du royaume de Bahreïn (au centre) et ses amis de l’American Jewish Committee.

La monarchie a perdu sa légitimité après les révélations du resserrement de ses liens avec le mouvement sioniste. Depuis 2007, les Khalifa ont tissé des liens avec l’American Jewish Committee. Selon l’opposition bahreïnie, ils ont été noués par l’entremise d’Alain Bauer, le conseiller du président français chargé de la refonte du système policier bahreïni.

Le secrétaire US à la Défense, Robert Gates, est venu le 13 mars 2011 à Manama rencontrer le roi de Bahreïn pour lui apporter le soutien des Etats-Unis. Le lendemain, l’armée saoudienne est entrée dans le royaume pour écraser la rébellion.

Désormais, la plupart des manifestants luttent pour le renversement de la monarchie ; ce qui constitue la ligne rouge à ne pas franchir aux yeux des autres monarchies du Golfe et de leur protecteur états-unien. C’est pourquoi le secrétaire US à la Défense, Robert Gates, s’est rendu le 13 mars à Manama. Officiellement, il a invité le roi à prendre en compte les réclamations de son peuple et à trouver une issue paisible au conflit. Bien sûr, ce type de conseil ne ressort pas d’un secrétaire à la Défense, mais d’un secrétaire d’État. En réalité, M. Gates est venu conclure le volet politique d’une opération militaire déjà prête.

Le lendemain 14 mars, les cinq autres monarchies du Conseil de coopération du Golfe ont donné leur accord pour l’activation du « Bouclier de la péninsule », une force d’intervention commune, prévue de longue date pour contenir la possible expansion de la Révolution khomeiniste. Le soir même, 1 000 soldats saoudiens et 500 policiers émiratis sont entrés à Bahreïn.

L’état d’urgence a été décrété pour trois mois. Le peu de libertés qui étaient tolérées ont été suspendues. Le 16 mars à l’aurore, les forces des monarchies coalisées, armées et encadrées par les États-Unis, ont délogé les manifestants des lieux où ils campaient, utilisant des gaz de combat à la place de gaz lacrymogènes, et des tirs à balles réelles. Les autorités reconnaissent plus de 1 000 blessés graves, dont plusieurs centaines par balles, mais uniquement 5 morts, ce qui est un ratio peu crédible.

La Doctrine Obama

Washington a donc tranché. Après avoir tenu un discours lénifiant sur les Droits de l’homme et avoir salué avec un enthousiasme forcé le « printemps arabe », l’administration Obama a choisi la force pour sauver ce qui peut l’être encore.

Comme lorsque les communistes renversèrent la monarchie afghane, c’est le vassal saoudien qui a été chargé par Washington de conduire la contre-révolution. Il a armé une faction de l’opposition libyenne, et a substitué au débat onusien sur des sanctions contre la Libye, le débat sur la création d’une zone d’exclusion aérienne, c’est-à-dire sur l’intervention militaire. Il est intervenu militairement à Bahreïn.

Rien ne distingue la « doctrine Obama » de la « doctrine Brejnev ». En 1968, les chars du Pacte de Varsovie mettaient fin au « printemps de Prague » pour préserver l’Empire soviétique vacillant. En 2011, les blindés saoudiens écrasent le peuple bahreïni pour préserver l’Empire anglo-saxon.

L’opération a été conduite dans le silence assourdissant des médias occidentaux, hypnotisés par les catastrophes naturelles et nucléaires qui frappent le Japon au même moment.

La Révolution française avait dû faire face à l’invasion des monarchies coalisées. La Révolution russe a dû affronter les armées blanches. La Révolution iranienne a dû résister à l’invasion irakienne. La Révolution arabe doit désormais vaincre l’armée saoudienne.

Thierry Meyssan
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