Changement climatique : Des parlementaires encore peu mobilisés

Publié le 20 mars 2011 par Gaya

Il y a quelques temps, j’avais eu l’occasion d’écrire un article pour Sciences Po (et Bruno Latour !) à propos d’une étude sur les parlementaires et le changement climatique. Il vient d’être publié ici mais j’ai l’autorisation de le publier chez moi aussi !

En septembre dernier, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cévipof) a réalisé et publié une étude sur la façon dont la problématique de l’environnement était perçue par les parlementaires. En tout, deux cents députés et sénateurs ont été interrogés entre le 18 novembre 2009 et le 4 mars 2010… en plein Climate Gate bilan plus que mitigé de la conférence de Copenhague. Cette étude commandée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) montre que depuis 2003, date à laquelle un précédent sondage avait eu lieu, les parlementaires réalisent de plus en plus que le changement climatique est une composante à intégrer dans leur politique.

En 2003, l’Ademe cherchait avant tout à savoir comment s’adresser aux parlementaires pour les mobiliser. A ce moment, le changement climatique n’était pas encore très présent dans les médias1. Cette année, Daniel Boy, responsable scientifique de l’étude, ajoute que « les questions qui ont été adressées aux élus avaient d’abord été étalonnée par le grand public ».


Premier constat: la divergence de mobilisation et de sensibilisation des élus par rapport aux citoyens est très importante. En effet, la sensibilité des parlementaires au réchauffement climatique est très faible. Autre élément digne d’intérêt, il existe une différence de point de vue très forte selon la sensibilité politique des parlementaires. Par exemple, 45% des élus de droite privilégient un choix d’activité préservant l’environnement au profit d’une relance forte de l’économie (49 %) contre 75% des élus de gauche.

Parallèlement, Daniel Boy qui réalise aussi des des études chaque année auprès du grand public pour l’Ademe, constate qu’en 2010, « la sensibilité au réchauffement a diminué alors que l’adoption de comportements vertueux augmente ». Pour expliciter cette tendance, il souligne que « les parlementaires sont souvent soumis à une attitude de responsabilité immédiate et se penchent plus facilement sur les questions du nucléaire ou de l’éolien tandis que le grand public est beaucoup plus porté par les économies d’énergie! » Mais cette humeur citoyenne pourrait être reliée à plusieurs types de facteurs. Entre autres, « l’économie économe », qui correspond au fait que les gens font plus attention à leur consommation pour moins payer, ou encore via la théorie de l’engagement2. En effet, à l’aide d’une communication basée sur ce principe et reposant sur le postulat que les comportements passés déterminent les comportements futurs, les citoyens ont alors été mis dans une situation d’acteurs plutôt que de récepteurs3 et amenés à réaliser des actes pour réduire leurs émissions à petite échelle 4.

En ce qui concerne les parlementaires et leur meilleure sensibilité à l’environnement en 2010, cela peut s’expliquer par la combinaison de plusieurs facteurs: la médiatisation accrue des sujets environnementaux, la pression locale exercée par leurs électeurs, les contraintes de la réglementation internationale et la place prise par les organisations environnementales, en particulier la Fondation Nicolas Hulot, dans la campagne présidentielle de 2007. Cela se traduit notamment par une confiance plus forte dans les solutions techniques, par exemple pour maîtriser l’énergie mais aussi par une posture plus proactive sur le sujet.

Malgré tout, les parlementaires restent bien moins sensibles que la population au niveau de la prise de conscience du changement climatique et du caractère urgent de ce problème. Les thèmes liés à la croissance économique gardent une place importante, probablement liée au fait qu’ils impactent immédiatement la société quand le changement climatique reste plus lointain…

Photos CC Flickr :Ma Galialainalele

1Voir un article publié sur Pris(m)e de Tête à ce sujet : 40 ans de discussions à ce sujet pour en arriver là

2Cf Petit Traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, R.V. Joule et J.L.Beauvois

3Voir les travaux de Mickaël DUPRE, Diffusion et engagement : Une alternative aux démarches d’information, communication et sensibilisation : Le cas des comportements pro-environnementaux (économie d’énergie, prévention et tri des déchets)