Baie d’Halong, 24 mars 1993

Par Safran

Nous y sommes, et ce n’est pas plus ensoleillé que dans le film Indochine. Il fait un peu plus chaud qu’à Hanoï, mais le temps est pluvieux, les nuages sont bas et toute la baie est noyée dans une brume grisâtre.


Quatre heures de bateau dans la Baie d’Halong, cet après-midi, avec nos compagnons de voyage : un couple norvégien enrhumé, un Japonais surnommé Honda, un Hollandais aux grandes jambes, et un autre couple français avec lequel nous discutons de littérature et de poésie pendant une grande partie de la promenade.Il faut bien le dire, l’intérêt de cette excursion est très limité, car il se borne à un phénomène géologique : d’énormes rochers, aux formes variées s’élèvent ça et là au milieu de l’eau, certains renferment des grottes. Bof ! Quelques petits bateaux de pêcheurs passent dans le brouillard, et nous essayons de repérer des jonques grâce à leur voile. Pas facile !

En revanche, la route entre Hanoï et la baie - environ 5 heures de voyage pour 120 kilomètres -, est très intéressante car elle traverse une région extrêmement agricole.Partout des rizières où les paysans travaillent inlassablement dans la boue, le dos courbé : repiquage, nettoyage, irrigation, que du fait main.

Le long du chemin, des canards en file indienne, ou d’énormes buffles tenus en laisse par un vieillard, ou chevauchés par un enfant. Partout des cyclistes transportant de lourdes charges à l’équilibre précaire, inconscients du danger que représentent les bus qui les doublent sur l’étroite route. Étroite route, qui se transforme soudain en voie ferrée, sur un pont qui traverse un bras de mer : la circulation des bus est arrêtée dans les deux sens, et il faut alors attendre le passage de la locomotive à vapeur et des wagons de marchandises, avant de reprendre son chemin.

Femme aux dents vitrifiées

Le passage de deux bacs nous permet de confirmer la crainte qu’éprouvent les adultes devant les étrangers. Les enfants, qui n’ont pas connu la lourde chape du communisme, sont plus intrépides et nous entamons avec eux un concours de grimaces qui ne nécessite aucune traduction.Les policiers sont aussi présents le long des routes : ils nous arrêtent sans raison, dans le seul but de s’arrondir les fins de mois. Le chauffeur, qui a l’habitude de ces manœuvres n’a plus qu’à sortir quelques billets pour qu’on nous laisse repartir.