Suffirait-il de “falloir” pour réussir ?

Publié le 24 mars 2011 par Stephanebigeard

Merci à Eric O. (un "patron" sportif) de m'avoir transmis ce très bon article de Cécile Traverse, sur son blog "Fortes têtes" (le monde.fr).
Cette explication de texte démontre bien l'impact de la motivation dans toutes nos actions, et la nécessité de "l'intention" visée qui donne du sens à nos actions...
Bonne lecture à tous, et bonne réflexion...
Article de Cécile Traverse sur son blog "Fortes têtes" (le monde.fr).
Histoires de victoires… Suffirait-il de “falloir” pour réussir?

Voilà à peine cinq minutes que je suis installée devant le tournoi de tennis de Paris Bercy, que les commentateurs expliquent déjà ce qu’il faut faire.
Inlassablement, quelle que soit la manifestation sportive que vous regardez, cette formule « il faut » s’impose avec force.
Devrais-je m’amuser à les compter ?
Cela serait-il vraiment amusant ?
J’en doute !
Ceux qui me connaissent savent qu’il ne s’agit pas de mon expression préférée !
Tout le monde semble savoir mieux que le sportif lui-même ce qu’il doit faire, ce qu’il convient de faire.
Imaginez-vous qu’il n’en soit pas conscient ?
De plus, suffit-il pour autant de savoir ce qu’il faut faire pour être sûr d’y parvenir ?
L’obligation de réaliser une tâche est-elle garante de sa réussite ?

Notre quotidien nous assiège de « falloir » légitimes et incontournables, à moins de courir quelques risques.
Difficile de vivre en société sans établir et suivre un ensemble de règles.
Le monde du sport et ses institutions n’échappent pas à cette nécessité : certaines choses doivent nécessairement être faites et certains comportements obligatoirement adoptés.
Cependant, en matière d’objectifs fixés, la clé est-elle située dans l’obligation de les atteindre ou au cœur du désir d’y parvenir ?
« Vouloir » ne serait-il pas plus sûr que « falloir » ?
Isabelle Inchauspé (auteur du livre "Désirer c’est gagner") précise :
« Savoir pourquoi on désire une victoire est la plus puissante des armes qu’un être humain puisse manier » (2005, p.27).
Beaucoup pensent que le sportif de haut niveau sait nécessairement pourquoi il désire réussir…
Pourtant, ce n’est pas forcément le cas.
Olivier Magne essaie de nous faire partager cette réalité lorsqu’il déclare, au sujet de l’échec de l’Equipe de France de rugby lors de la Coupe du Monde et de leur défaite face aux anglais (7/24) :
« On était heureux d’être là, heureux d’être ensemble. Mais savait-on pourquoi on était là ? » (L’Equipe Magazine, 14/02/04, p.60). Seulement, si tout le monde ou presque semble savoir ce qu’il faut faire, il s’avère plus complexe de préciser comment le faire et de parvenir à susciter, chez l’autre, le désir de le faire !
Vous suffit-il de dire à vos enfants qu’il faut faire leurs devoirs pour qu’ils s’y adonnent, surtout si vous avez le dos tourné ?
De la même manière, dire à un jeune sportif qu’il faut s’étirer et qu’il ne faut pas manger au Mc Do le conduira-t-il nécessairement à adopter le bon comportement ?
Beaucoup des adolescents que j’ai eu le plaisir de côtoyer dans les Centres de Formation ou autres structures, me disaient souvent :
« Mais tu peux me dire pourquoi les croissants et les chocolatines vont m’empêcher de bien jouer ce WE ?» ;
« Il va se passer quoi là dedans (désignant leurs jambes)? ».
Les racines du sens et de la motivation s’entremêlent et apportent une énergie plus facile à recruter malgré les obstacles à surmonter.
« Falloir » crée a contrario, souvent, une obligation peu libératrice.

Ce n’est sûrement pas Pierre Bouteyre, entraîneur d’Alizé Cornet (joueuse de tennis professionnelle) qui dira le contraire.
Il déclare, pour expliquer la moins bonne saison de la joueuse :
« Alizé, c’est une caricature de ce phénomène. Une fois dans le top 15, elle s’est crue dans l’obligation de gagner parce que la fille d’en face était moins bien classée » (L’Equipe, Vendredi 4/09/09, p.8).
Il est vrai que certains parviennent à solliciter leur désir par l’intermédiaire des « il faut » mais ils sont moins nombreux (Agassi dont nous parlions dans une précédente note a vraisemblablement excellé dans ce domaine).
Antoni Girod, le reconnaît. Il avoue que cette formule est « reliée à la notion de nécessité » et insiste sur l’importance de trouver le bon dosage entre le « il faut limitant », extérieur au sportif, et le « il faut dynamisant » accepté par le sportif lui-même (1999, p.56-57).
Ne serions-nous pas là au cœur du problème… Le dosage.
Ne l’aurions-nous pas égaré ?
Certains des aspects sont incontournables pour réussir. Certes…
Mais faire une tâche parce qu’il le faut conduit à sa récitation.
Réaliser une tâche parce que nous le voulons permet à l’individu de la vivre…

Ne serait-ce pas ce que Yannick Noah cherche à nous faire comprendre lorsqu’il déclare :
« Je ne crois pas à l’effort pour l’effort, je crois à l’accomplissement des rêves » (In Destefanis, 2003, p.1).
Certains entraîneurs l’ont d’ailleurs bien compris :

« Ce qui est certain, c’est que dans cette profession, l’inhibition est un problème énorme.
Et quand tu es inhibé, tu es moins créatif, tu évolues de façon moins libre.
Prenez les discours des présidents et des joueurs dans les clubs.
9 fois sur 10, on entend : « ce soir, il faut gagner ».
Et quand tu dis : « il faut » tu es déjà moins créatif, je me demande s’il y a un seul footballeur qui ne sait pas qu’il faut gagner ».
Arsène Wenger (L’Equipe, 29/09/08, p.05)
Destefanis, M. (2003). Un mental en or. Ed. JC Lattès
Girod, A. (1999). PNL et performance sportive. Paris : Amphora.
Inchauspé, I. (2005). Désirer c’est gagner. Paris : Plon.
Article de Cécile Traverse sur son blog "Fortes têtes" (le monde.fr).
Allez, au plaisir de vous lire...