Rango rangaine ?

Par Borokoff

A propos de Rango de Gore Verbinski 2.5 out of 5 stars

Alors qu’il se prend pour un grand acteur et rêve sa vie, Rango, un lézard, est accidentellement projeté hors de son bocal et d’une voiture sur une route en plein désert. Terrorisé, il débarque dans la ville de « Dirt » où il se fait passer pour une légende de l’Ouest et du colt. Promu Sheriff, le lézard imposteur doit enquêter sur la disparition mystérieuse des réserves d’eau de la ville…

Dans la qualité de ses effets spéciaux, le réalisme de l’animation (des animaux notamment), Rango est d’une beauté virtuose. La mise en scène est brillante, confiée au réalisateur de la trilogie Pirate des Caraïbes. Gore Verbinski s’est entouré pour ce projet d’un équipe non pas spécialisée dans l’animation mais le cinéma en prises de vues réelles. Pour multiplier les nuances des expressions de ses personnages, Verbinski s’est servi de la technique de l’Emotion capture. Filmés en HD, les comédiens doublant les personnages (Johnny Depp alias Rango en tête) ont d’abord joué en costumes et dans de vrais décors avant que le réalisateur ne se serve de ces scènes pour créer les mimiques de ses personnages. Le travail d’animation et de fabrication des images est l’oeuvre des studios ILM (Industrial Light & Magic, fondés par George Lucas). Et le dessin-animé dépasse à ce point les espérances formelles qu’il semble faire rentrer le film d’animation dans une nouvelle ère capable de remettre en question l’hégémonie des studios Pixar, déjà mise à mal par le récent Fantastic Mr Fox (auquel Rango fait un clin d’œil avec l’histoire des dédales souterrains).

Mais de quoi alors souffre Rango, hommage appuyé aux westerns spaghettis de Sergio Leone, aux films de Peckinpah, de John Ford, aux personnages de Clint Eastwood ou de Lee Van Cleef ? De ses longueurs. Des scènes comme la double traversée de la route de Rango (au début et à la fin) ou la poursuite des trois prétendus voleurs d’eau dans le désert délayent l’intrigue, même si rattrapées ensuite par des courses-poursuites épiques brillament mises en scène.

Rango ne manque pas d’imagination. Au contraire, le début est très évocateur, longue rêverie d’un lézard délirant personnifiant un acteur raté qui se serait construit toute une mythologie héroïque. Le monologue absurde et drôle de Rango coïncide avec son destin d’errant, de « looser » dérivant un peu à la manière de Dead Man, le côté chamanisme en moins. La bande de hiboux déguisés en joueurs de banjos mexicains et qui suit Rango n’arrête pas d’ailleurs de répéter que le lézard va mal finir… Mais le scénario s’essouffle ensuite, l’histoire devient un peu poussive, l’intrigue se dilue dans des digressions trop nombreuses.

Rango abonde de bonnes idées, de trouvailles visuelles prodigieuses comme cette Calamity Jane lézard victime de blocages chroniques de tout son corps. Mais outre ses longueurs et un scénario un peu laborieux, Rango souffre d’un autre problème. Le statut à lui donner. Car si le dessin animé s’adresse bien dans son univers visuel et comique à des enfants, ses dialogues sont quant à eux très écrits et truffés de métaphores ou de références littéraires (Don Quichotte ou Shakespeare) qu’un enfant ne peut comprendre. Posant la question de savoir à qui s’adresse véritablement Rango. Le personnage excentrique et haut en couleurs de Rango est bien dans la lignée de ceux qu’aime à jouer Johnny Depp, mais ses dialogues sont plus destinés à des adultes.

Il n’y a pas de « message » particulier ni de morale dans Rango. C’est un divertissement où il est question du problème de l’eau de plus en plus rare sur terre. Mais si l’on sent le plaisir manifeste qu’ont eu le réalisateur et les acteurs à faire le film et les voix des animaux, c’est paradoxalement l’ennui qui submerge peu à peu le spectateur…

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