Sur l’écran de mes nuits blanches, j’écris ton nom… Humanité.

Publié le 25 mars 2011 par Mister Gdec

Trouvée dans les tribunes de l’Humanité du 23 mars 2011, cette réaction qui fait écho plus formel à mon billet précédent… Comme j’aimerais qu’elle émane de plusieurs partis politiques démocrates confondus en un même élan de sauvegarde de ce qui peut encore l’être de notre humanité commune, qui dépasse la seule gauche…

COMMENT FAIRE ÉCHEC AUX INCENDIAIRES, SANS ATTENDRE LA PRÉSIDENTIELLE ?

Ne les laissons pas jouer avec la peur de l’étranger et les amalgames

PAR BERNADETTE HÉTIER, JEAN-CLAUDE DULIEU, GIANFRANCO FATTORINI, RENÉE LE MIGNOT, MEMBRES DU COLLÈGE DE LA PRÉSIDENCE DU MRAP.

Le 8 mars dernier, la députée UMP de Seine-et-Marne, Chantal Brunel, suggérait de « remettre dans les bateaux » les immigrés « qui viendraient de la Méditerranée ». Ces propos font écho à la volonté de Marine Le Pen de « repousser dans les eaux internationales les migrants qui voudraient entrer en Europe ». Ces appels à « non-assistance à personnes en danger », qui pourraient presque s’apparenter à un appel au meurtre, constituent le prolongement immédiat des politiques de l’Union européenne et de ses pays membres dont la France. Ces derniers ont, de longue date, délégué aux pays du Sud méditerranéen et d’Afrique subsaharienne la mission de gendarmes des frontières du Nord, en échange d’accords impératifs de réadmission, comprenant de chiches aides au développement.

De tels propos s’inscrivent dans le climat délétère de l’actuelle course-poursuite entre ceux qui nous gouvernent et l’extrême droite, avec l’oeil fixé sur la ligne d’arrivée de l’élection présidentielle de 2012. « On doit rassurer les Français », ajoute Chantal Brunel. Quelle hypocrisie de la part de ceux qui utilisent la peur comme arme électorale ! Dans une recherche sans limites de boucs émissaires, visant à faire oublier les vrais problèmes sociaux et économiques qui préoccupent les Français, étrangers, sanspapiers, migrants, Roms, gens du voyage, chômeurs, jeunes, fonctionnaires, magistrats, musulmans ou supposés tels sont livrés tour à tour à la vindicte publique. Un vent mauvais aux relents vichystes souffle sur la France : racisme, haine et peurs sont distillés comme un poison sournois.

En premier lieu, peur des révolutions arabes en cours au sud de la Méditerranée et dans les pays du Golfe. Ces peuples qui se soulèvent dans des mouvements d’ampleur historique – à partir d’exigences démocratiques d’égalité, de liberté, de justice – doivent susciter non la peur, mais l’espoir. Pour les citoyens de France, ils sont en réalité porteurs de la perspective d’un autre monde possible, construit par les peuples pour les peuples. Il s’agit là d’un cinglant démenti au spectre brandi de la « guerre des civilisations », laissant croire qu’il n’y aurait pas d’autres choix qu’un libéralisme sauvage écrasant les peuples ou le fanatisme religieux.

En second lieu, peur d’une « invasion massive de réfugiés », reprise, dans une concurrence odieuse UMP et FN, en écho aux propos de Silvio Berlusconi appelant à faire face à un « exode biblique vers l’Europe » de migrants du Sud.

Contre ces prophètes de malheur, c’est au contraire à une « intervention solidaire de l’Union européenne en Méditerranée » (Appel Mare Nostrum du 3 mars 2011) qu’on a appelé 95 organisations de défense des droits humains (dont le Mrap), pour que notre continent assure son devoir fondamental d’aide aux populations menacées par une catastrophe humanitaire.

Les démocrates français doivent être solidaires des forces progressistes arabes car leurs aspirations sont les nôtres. Chômage, inflation, autoritarisme, sacrifices demandés aux plus pauvres pour payer la crise … Malgré des histoires et des situations différentes, les problèmes auxquels sont confrontés les peuples du Maghreb et du Machrek sont de même nature que ceux rencontrés en France et en Europe. N’oublions pas qu’il y a peu de temps encore, des millions de Français sont descendus dans la rue contre la politique sociale de Nicolas Sarkozy.

Pour mieux semer le trouble chez les Français, après plusieurs autres études d’opinion, un sondage Harris en ligne accrédite maintenant la peur d’un nouveau et pire 21 avril 2002, en nous annonçant Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle 2012. Comme, d’ailleurs, avaient été pronostiqués la victoire de Lionel Jospin en avril 2002, ou encore le coude-à-coude Jean-Marie Le Pen- François Bayrou en 2007 ! Mais, il importe de ne pas oublier qu’au-delà de ces outils – qui se prêtent si facilement aux manipulations d’opinion – le danger extrême droite est bien réel en France et en Europe et pas seulement pour les prochaines élections présidentielles. En effet, comme pour mieux lui ouvrir la voie, le racisme et une xénophobie assumée se banalisent au sommet de l’État. Le président de la République, ses ministres, le parti qui les soutient franchissent toujours plus les garde-fous qui séparaient traditionnellement la droite républicaine de l’extrême droite xénophobe.

Ne nous laissons pas berner par l’amalgame « insécurité-immigration » ou par le « projet social » qu’affichent tant Marine Le Pen que Nicolas Sarkozy : il s’agit essentiellement – pour les familles françaises et immigrées les plus démunies –, de chômage, de précarité, de casse de l’école, des services publics, de fermeture des hôpitaux, de l’impossibilité de se soigner, de se loger. S’y ajoutent les discriminations racistes qui renforcent la difficulté pour les jeunes de se former, de trouver un emploi, etc.

C’est d’une politique sociale et économique – qui respecte les droits de toutes et tous – dont les citoyens ont besoin. C’est parce qu’ils refusent de répondre à ces aspirations que l’UMP comme le FN brandissent la peur, le rejet de l’autre, la stratégie du bouc émissaire comme arme de gouvernement. Arrêtez de jouer les apprentis sorciers ! L’histoire nous a enseigné les conséquences désastreuses de cette stratégie.

Nous en appelons à la vigilance démocratique, à la résistance citoyenne et aux mobilisations unitaires pour faire échec à ces incendiaires, sans attendre les présidentielles.