Des femmes et des barques

Publié le 26 mars 2011 par Malesherbes

Lundi 14 mars, Marine Le Pen s’est rendue à Lampedusa. En réponse à Daniel Cohn-Bendit qui lui avait demandé ce qu'elle dirait aux réfugiés, elle avait répondu: « Je dirai que si je n'écoutais que mon cœur, je me jetterais à l'eau pour aller les sauver, mais nous nous noierions tous, parce que ma barque est trop fragile, mon peuple est en train de s'appauvrir ».  Elle a peut-être été inspirée par une édifiante histoire éventuellement contée par papa Jean-Marie, nostalgique de cette période tragique : lorsqu’en août 1942, la Suisse a fermé ses frontières aux réfugiés, Heinrich Rothmund, chef de la police fédérale, avait déclaré : « Das Boot ist voll (la barque est pleine) ».

J’ai entendu l’autre jour Thierry Rocher, lors de la Revue de Presse du Théâtre des Deux-Ȃnes, louer la compassion de Chantal Brunel qui s’était écriée : « Après tout, remettons-les dans les bateaux ! ». Il s’amusait à soutenir qu’elle eut été critiquable si elle avait dit « remettons-les à l’eau ! » mais que la formule prononcée témoignait d’un grand sens de l’humain.

Le nom de ce billet est calqué sur le titre d’un film français de 2009, Des hommes et des dieux. Ce film, qui retrace les derniers jours des moines de Tibérhine, nous montre ces religieux pleinement conscients des risques encourus et prêts au sacrifice de leur vie. S’ils décident de ne pas quitter leur monastère, c’est parce qu’ils se refusent à abandonner leurs voisins musulmans qu’ils aident et soignent de leur mieux. Ce film a déjà rassemblé plus de deux millions de spectateurs.

Je suis frappé de constater que l’on trouve simultanément en France des personnes sensibles au message de fraternité et d’abnégation de ce film et des millions d’électeurs que ne rebutent ni le discours xénophobe du Front national, ni les propos consternants d’une Chantal Brunel ou d’un Claude Guéant. On me fera observer que ce ne sont pas les mêmes. Je crains hélas que l'on puisse trouver des individus admirateurs du film mais, dans le même temps, incapables de faire le moindre effort pour accueillir des malheureux désespérés.