Ainsi bat l’amour !

Par Borokoff

A propos de Si tu meurs, je te tue de Hiner Saleem 2.5 out of 5 stars

A Paris, Philippe, récemment sorti de prison, fait la rencontre d’Avdal, un Kurde venu en France pour venger sa mère et tuer un Irakien. Mais alors qu’il vient de raconter à Philippe qu’il attend l’arrivée imminente de sa fiancée, Siba, Avdal meurt subitement d’une crise cardiaque. Philippe cherche alors désespérément à se mettre en contact avec Siba…

Malgré quelques très bons passages comiques, Si tu meurs, je te tue laisse un goût d’inachevé. Si l’on reconnait le style tantôt style loufoque tantôt absurde d’Hiner Saleem, la farce cette fois n’a pas la même puissance ni le même pouvoir d’évocation que Vodka Lemon. Encore une fois, le cinéaste irakien mais avant tout kurde (le Kurdistan n’étant pas un pays mais un territoire divisé entre plusieurs pays) se sert de la comédie pour mieux aborder des choses tragiques.

Derrière la dérision et l’humour, Si tu meurs, je te tue évoque la diaspora des Kurdes, peuple persécuté par les Turcs depuis 1923 (Création de la République Turque sous Kemal). Les Turcs ont toujours refusé aux Kurdes la création d’une république indépendante voire même autonome (Traité de Lausanne, 1923).

« Les Kurdes ne meurent jamais de mort naturelle » prévient un vendeur de sandwiches « grecs » devant un Philippe médusé. La prestation de Jonathan Zaccaï (Philippe) constitue l’un des points forts du film. C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve cette bouille sympathique et ce regard bleu profond, un brin mélancolique du cinéma français. La prestation de Zaccaï mérite que l’on s’y penche d’un peu plus près. Car avec son absence quasi-totale de dialogues (et donc de parole), l’acteur de Vent mauvais (2007), le personnage de Philippe, qui semble tout le temps se demander ce qui lui arrive voire ce qu’il est en train de faire, semble avoir puisé dans le jeu expressionniste et les mimiques du cinéma muet pour nous faire rire. Et le résultat est plutôt réussi, comme dans cette scène où Philippe et Avdal n’arrêtent pas de se retourner et de se regarder avant de s’endormir.

Moins probant en revanche est l’humour déployé pour dépeindre la bande des 7 « pieds-nickelés » kurdes censés protéger Siba (Golishifteh Farahami) et l’aider dans ses démarches. Le problème ne vient pas des clichés dont le cinéaste irakien se sert pour décrire la communauté kurde (la religion musulmane justifie la misogynie malgré une ouverture « progressiste »), mais l’humour et les blagues ont un air de déjà vu. Le personnage de Mihyedin (Özz Nüjen) a un faux-air de Patrick Abitbol (Gilbert Melki) dans La vérité si je mens. Ce n’est que l’on ne rit pas parfois de certaines scènes (celle où Mihyedin propose à Siba une mandarine est drôle), mais les blagues sont un peu répétitives (celle du parti kurde démocrate-progressiste notamment) voire obsolètes (scène ou les 7 Kurdes se demandent qui a le flingue). Si Saleem critique en creux le traditionalisme des musulmans kurdes (le personnage de Siba représentant au contraire une ouverture des femmes à la modernité), il le fait de manière un peu maladroite.

Alors, entre l’originalité, la profondeur du jeu comique de Zaccaï et l’humour un peu ringard de la bande des Kurdes, Si tu meurs, je te tue ressemble à une comédie un peu inégale voire déséquilibrée. Malgré des passages où l’on rit vraiment…

www.youtube.com/watch?v=Cdi_BycsoOM