Pour Bourguiba, sans bourguibistes nostalgiques, loin des stratégies électoralistes.

Publié le 02 avril 2011 par Naceur Ben Cheikh

Entendons nous bien. Je suis pour Bourguiba mais je ne suis point « bourguibiste ».

Pour moi, au-delà du Leader et Homme Politique que Le Président  Habib Bourguiba a été, il y a à considérer un mode de penser créateur et fondamentalement révolutionnaire avec lequel Bourguiba, en tant qu’ »intellectuel organique », avait  réussi à transformer la pensée réformiste, spécifiquement tunisienne, en « praxis » politique moderne, productrice d’Histoire.

D’aucuns l’appelleront « pragmatisme » ou bien l’occulteront sous la signification d’une stratégie de lutte de libération, connue sous l’appellation de « Politique des étapes ». D’autres iront même jusqu’à transformer cette pensée active en « Extrémisme du Milieu » qui  voulant faire l’économie de l’effort d’une pensée plastique, toute de souplesse et de nuances, réduira ce mode de penser en une « morale de la modération » qui n’a plus rien de véritablement politique. Sauf qu’elle a permis l’administration, rigide et vigilante, du Parti Destour de Bourguiba, en le prenant pour celui de Staline. C’était là l’une des formes  prises par la trahison  des clercs qui avaient assiégé le  vieux Bourguiba en vue de s’assurer, chacun pour son propre compte, sa succession à la tête de l’Etat. Toutes ce formes de trahison  avaient pour motivation les « Ambitions  nationales » de ces clercs  qui s’étaient tous, le moment venu, contenté de reconnaitre leurs limites, face au fait accompli du putsch médical de Ben Ali.

Le Président Bourguiba est devenu, désormais, une figure emblématique de notre histoire. Le Parti Destourien, fondé à Ksar Helal en 1934, avait déjà perdu sa vocation libératrice, trente ans après, en devenant Parti de pouvoir (PSD) qui a servi comme simple mobilisateur pour des politiques économiques idéologiquement opposées pour être définitivement asservi à la vocation mafieuse du RCD qui vient de connaitre la fin humiliante que l’on sait.

Pour Bourguiba donc,  car il mérite amplement l’hommage que l’on se propose de lui rendre lors de ce rassemblement organisé à sa mémoire  le 6 Avril 20011. Mais son œuvre ne peut être synthétisée dans un quelconque parti politique…Que ce dernier soit « destourien », « bourguibien », de « centre gauche » ou de « centre droit ». Son œuvre  qu’il avait qualifiée de « solide et qui tiendra après lui » n’est autre que la jeunesse tunisienne qui vient  de mettre fin, à travers une très belle révolution courageuse et citoyenne à un régime qui a cru pouvoir s’approprier l’Etat moderne que le Peuple tunisien a  construit, sous la conduite clairvoyante du Président fondateur.

Pour Bourguiba, mais sans les bourguibistes nostalgiques et sans les calculs sordides de récupération, en son nom, des « troupes » du RCD, abandonnés à eux-mêmes et à une vindicte « populaire »  qui ne peut que nuire à la crédibilité de notre démocratie naissante.

A mes yeux, et même si je resterais  seul à le croire, je continuerai à le dire, le mode de penser, inauguré par Bourguiba, est producteur d’histoire et la Tunisie mérite que sa jeunesse redécouvre, réinterprète et étudie en profondeur tous les aspects d’un patrimoine intellectuel richement complexe, bien au-delà de ses réductions médiatiques dégradantes en « Taoujihat Arraïs ». Ces extraits quotidiens de discours, dégagés de leurs contextes réflexifs et qui n’ont réussi qu’à rebuter la jeunesse en lui donnant de Bourguiba l’image « d’Ancien Combattant » « fusse-il  Suprême »,  selon la formule bien méchante de Jean Daniel.[1]


[1] Album édité par Jeune Afrique et comprenant des photos historiques de Bourguiba et présentées par Jean Daniel. (Débuts des années 80)