Icare suédois

Par Borokoff

A propos d’Easy Money de Daniel Espinosa 2 out of 5 stars

A Stockholm, JW est un étudiant en commerce fauché mais ambitieux. Fasciné par le milieu de la mode et de la Jet set qu’il fréquente assidument, Jw travaille au noir pour une compagnie de taxi aux activités annexes plus que louches. En parallèle, Jorge, un dealer en cavale, est poursuivi par Mrado, un tueur à gages serbe payé pour lui faire la peau. Lorsque JW sauve un jour la vie de Jorge, il a déjà mis un pied dans le crime organisé. Une spirale infernale…

Inspiré par le premier tome éponyme d’une trilogie écrite par le romancier (et ancien avocat spécialisé) Jens Lapidus, Easy Money décrit le milieu du grand banditisme et des narcotrafiquants en Suède, un business lucratif partagé entre plusieurs clans qui vont se faire la guerre : Serbes, Albanais, Américains du Sud et Turcs.

L’originalité du récit, outre qu’Easy Money est filmé uniquement du point de vue des bandits, c’est d’introduire un personnage novice dans le milieu de la pègre, un étudiant du Nord de la Suède qui ne connait rien aux règles du milieu. Attiré par l’argent mais surtout une forme de pouvoir qu’il procure, JW ne rêve que de briller dans les cercles mondains, d’écraser de sa superbe les milieux aristocratiques qu’il fréquente mais dont il n’est pas issu La meilleure partie du film est dans cette peinture d’un jeune homme ambitieux et revanchard mais qui cache ses origines sociales modestes dans des poses très étudiées (jusqu’à la coupe de cheveux) et un style « bling-bling ». A mi-chemin entre Bel-Ami et Charles Grandet, JW est un personnage froid et calculateur, un jeune homme cynique et intelligent mais qui a oublié une chose fondamentale : son inexpérience voire son ignorance du fonctionnement de la pègre. Lui qui rêve vaniteusement de trôner et de puissance financière comprend peu à peu qu’il a été manipulé et qu’il est de plus en plus isolé. Jorge, avec qui il a tissé des liens affectifs, lui a fait entendre que c’est « chacun pour soi dans ce milieu » mais surtout qu’on ne le quitte pas comme cela du jour au lendemain, obligeant le jeune homme à jouer un double jeu qui le dépasse bientôt et l’aliène. N’est-ce pas trop tard et sa vie qu’il risque désormais chaque jour dans cet enfer ?

Alors que retenir de ce polar nerveux dont une suite est déjà au programme (à croire que c’est une mode en Suède après la trilogie Millenium) ? D’abord, qu’il y a beaucoup trop de longueurs, d’histoires parallèles sur la vie privée des protagonistes qui alourdissent inutilement le récit. Par exemple, les passages sur la vie privée de Mrado, avec sa fille ou quand il raconte à son pote serbe que son père le tabassait régulièrement enfant, paraissent superflus voire incongrus comme cette histoire de la sœur mystérieusement disparue de JW quatre ans plus tôt. Sans doute ces passages ont-ils leur place dans le roman, mais on ne voit pas ce qu’ils apportent ici au récit. De même, les épisodes d’engueulades de Jorge avec sa sœur sont un peu parasites. Le réalisateur, à chaque fois, insiste pour nous faire bien comprendre que si l’on ne peut pas justifier les crimes de ces bandits, on peut néanmoins chercher dans leur jeunesse une tentative d’explication des (mauvais) choix qu’ils ont fait ensuite. Mais l’intention n’est-elle pas maladroite, le spectateur pouvant croire que les crimes de ces hommes soient légitimés par la seule enfance tragique qu’ils ont eue ?

Autre inconvénient, c’est que si l’histoire se passe en Suède, elle pourrait se passer n’importe où. A part le personnage de grand blond élancé de JW, rien dans le film ne le rattache à un style scandinave. JW est joué par un très bon Joel Kinnaman mais pour le reste, Easy Money ressemble à beaucoup d’autres thrillers. Noir, « réaliste », il souffre d’un mal plus profond. C’est qu’au-delà de ses longueurs, il est totalement prévisible…

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