Yémen: Washington remercie Saleh

Publié le 04 avril 2011 par Jcharmelot

Washington a fait savoir a son allié le président du Yémen, Ali Abdallah Saleh, qu’il était temps de partir. Des sources anonymes ont laissé  entendre au New York Times que l’administration de Barak Obama ne voyait plus en lui l’homme qui pouvait gérer la situation dans ce pays pauvre et instable de la péninsule arabique. L’ambassadeur des Etats-Unis à Sanaa, Gerald Feierstein, le lui avait certainement expliqué dans les entretiens qu’il a pu avoir avec lui. Mais sans doute sur un ton trop diplomatique. L’article du NYT est une manière moins polie de lui montrer la porte. Il précise que le principe de son départ n’est plus en discussion et qu’il faut régler les détails de quand et comment. Et, peut être, vers « où »? Cette fuite officielle au prestigieux quotidien est une indication claire de l’impatience de Washington. Et le message va être entendu à Sanaa. Plus nettement encore que ne le sont les appels des milliers de manifestants qui depuis des semaines campent dans le centre de la capitale yéménite pour exiger le départ du chef de l’Etat qui régne depuis 32 ans. Depuis plusieurs jours déjà un plan de sortie de crise a été présenté par l’opposition. Il prévoit le transfert des prérogatives du président entre les mains du vice-président, Abdrabouh Mansour Hadi, et l’organisation d’une transition avec, avant la fin de l’année, des élections générales et la désignation d’un nouveau chef de l’Etat. Le président Saleh a fait la sourde oreille et n’a pas encore répondu à cette offre. Il sent toutefois la pression monter contre lui. Il a tenté de replacer le débat sur sa succession dans le cadre le plus important pour Washington, la lutte contre le terrorisme. L’attaque d’une usine d’armements dans le sud du pays la semaine dernière par un commando soupçonné d’appartenir à Al Qaïda est venu à pic pour rappeler à ceux qui en avaient besoin que le Yémen est devenu le refuge des émules d’Oussama ben Laden. Au lendemain de ce coup de force, plus d’une centaine d’habitants de la région venus piller les décombres de cette fabrique ont été tués dans l’explosion de munitions qui y étaient entreposées. Le président Saleh a ensuite rappelé que sans lui son pays serait livré au chaos. Sans doute dans les corridors du pouvoir à Washingtion et à Ryad a-t-on estimé que c’est avec lui que le terriroire rugueux où vivent 24 millions de yéménites allait sombrer dans la tourmente. Pour que le message de Washington soit suivi d’effets, les meilleurs amis arabes des Etats-Unis, les monarchies du Golfe se sont réunies dans la nuit du 3 au 4 avril pour annoncer qu’elles étaient prêtes à lancer une médiation au Yémen entre le pouvoir et l’opposition. C’est à ces Etats, avec en premier lieu l’Arabie saoudite, que va revenir la tâche de trouver les mécanismes les plus appropriés et sans doute les enouragements financiers pour mettre en oeuvre la transition. Tout se met donc en place pour un nouveau changement de régime dans le monde arabe. L’opposition qui est formée d’un assemblage de partis autorisés, de formations non-officielles, de mouvements nés récemment sur la vague de contestation des jeunes, a souligné dans son plan la nécessité de placer tous les organismes de sécurité sous l’autorité du ministre de la Défense, et de mettre sur pied un comité militaire qui garantira la stabilité du pays pendant la période de transition. Sans doute verra-t-on réapparaitre rapidement l’officier qui s’était, à la fin du mois de mars, désolidarisé du président Saleh, le général Mohsen Ali al Ahmar. Il a la confiance des Saoudiens, ce qui n’est pas négligeable, même si les experts du Pentagone redoutent son affiliations avec des groupes religieux qui ont soutenu l’implantation au Yémen de cellules d’Al Qaïda. Le processus au Yémen suit bien le modèle mis en oeuvre en Tunisie et en Egypte: dans un pays où la transition du pouvoir est problématique, la mobilisation de citoyens en colère et la répression du régime en place permettent à des militaires de pousser un président trop embarrassant vers la sortie et d’installer au commande une équipe dont ils gardent le contrôle.   

New York Times