Murmure à la lune - Kim Hyang-yi

Par Emmyne

Song-Hwa est une petite fille solitaire de onze ans. Elle n'a jamais connu ses parents et vit seule avec sa grand-mère chamanesse dans un village au bord de la rivière Imjin. non loin de la frontière avec la Corée du Nord. Dans l'innocence de son coeur. Song-Hwa confie à la lune ses chagrins et ses espoirs secrets.

- Editions Chan-Ok (Père Castor - Flammarion)

La collection Matins Calmes des éditions Chan-Ok, label fondé en 2006 spécialisée en littérature jeunesse coréenne, s'adresse aux jeunes lecteurs à partir de 10 ans. La collection propose des romans réalistes sur les thèmes de l'amitié, de l'identité, de la filiation sur un fond social et historique.

Bien que ce roman ne suive pas un rythme frénétique au suspense insoutenable, il ne faut pas se fier au titre. Le récit n'est ni mélancolique, ni onirique. L'histoire y est à la fois dure et délicate; difficultés de la vie coréenne, raffinement et pureté des évocations aux émotions, à la nature.

Cette atmosphère si particulière et l'esprit caractéristique de ce roman m'ont justement rappelé les manhwa de Kim Dong-Hwa ( ici et ici ). La sensibilité aux paysages intimement liés aux élans de l'âme et du coeur, aux lumières, aux couleurs, aux parfums, enveloppe le récit qui, pour autant, ne peut être qualifié de bucolique.

Il s'agit d'un récit d'enfance, d'un récit initiatique, autant pour la jeune héroïne que pour son lecteur. Quatorze chapitre déclinent des moments significatifs qui s'enchaînent, les secrets et les chagrins enfantins mais aussi les souffrances des familles dans ce pays divisé par le 38ème parallèle, dévoilant à chaque page un peu plus la vie quotidienne de la population rurale du Sud, les traditions, les histoires personnelles. L'auteur, Kim Hyang-yi, sans être cruelle et signant tout de même un épilogue positif, n'épargne pas son lectorat. La société coréenne est une société dure marquée par une histoire douloureuse, entre invasion japonaise et guerre politique, qui engendre les drames familiaux, l'enfance n'y est pas protégée, les femmes non plus. Malgré la fraîcheur des scènes décrites sous un regard d'enfant, ce roman raconte les conséquences de la partition Nord-Sud de la Corée, partition synonyme de séparation et disparition ainsi que sa culture entre croyances ancestrales et modernité. Il s'attarde sur les coutumes et les fêtes, sur les rites chamaniques et les réactions divisées de la population face à ces pratiques.

" Le son des gongs ressemblaient tour à tour au martèlement de l'averse sur un toit de tôle, au murmure d'une brise printanière sur un champ de blé, au clapotis d'une vague à la crinière ébouriffées, ou encore à la caresse mélancolique du vent sur une forêt de bambous. Il rendait à la fois triste et joyeux. "

" Song-hwa se coucha à plat ventre par terre. Elle avait déjà acheté des feuilles de papier rose pour écrire à Yeong-bun. Elle commença  : Chère Yeong-bun, tu me manques. Puis elle effaça tout. Le mot manques était loin d'exprimer toute l'affection qu'elle éprouvait pour son amie. Elle recommença : Ma très chère Yeong-bun. Encore une fois, elle gomma tout. Trop banal. Elle se creusa la cervelle pour trouver les mots appropriés. Peine perdue. Même son écriture ne lui plaisait pas. Elle effaçait tout et recommençait sans cesse. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il était aussi difficile de décrire ses sentiments avec des mots. [...]. La nuit était bien avancée, et Song-hwa n'avait toujours pas terminé sa lettre. Le papier qui servait de vitre à la porte bruissait sous les rafales du vent d'hiver. "

En fin d'ouvrage, quelques pages de repères chronologiques précisent le contexte historique tout en se référant au parcours des personnages, permettant ainsi de mieux les situer et les comprendre par rapport à l'histoire tourmentée de la Corée.

- Traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel -

- Illustration de couverture de ce joli livre par Charlotte Gastaut -

- Le billet de Lael, celui de Miss Hérisson -

*