Sucker Punch de Zack Snyder

Par Geouf

Résumé: Enfermée à l’asile par un beau-père abusif convoitant l’héritage que sa mère lui a légué, Babydoll est promise à une lobotomie dans cinq jours. Seul espoir pour elle : s’évader avant le moment fatidique. S’évadant dans un monde de rêves, elle entraîne avec elle 4 autres jeunes femmes afin de collecter des objets qui leur permettront de s’échapper…

A la fois considéré comme génial par une horde de fans hystériques et comme un bourrin sans finesse par une autre frange cinéphile, le cinéma de Zack Snyder a au moins le mérite de ne pas laisser indifférent. Et ce n’est pas avec Sucker Punch qu’il risque de rassembler les foules, tant son dernier film s’avère radical. Pour la première fois de sa carrière, le réalisateur de 300 s’attaque à un sujet original, sur un scénario qu’il a écrit lui-même. En résulte un gros fourre-tout bordélique totalement représentatif de la personnalité de son auteur.

Sucker Punch bouffe en effet à tous les râteliers, que ce soit la japanime, l’héroic fantasy, le jeu vidéo, le jeu de rôle, les films de guerre, le tout sans aucun souci de cohérence, que ce soit stylistique ou scénaristique. L’idée de la jeune fille se protégeant d’une réalité trop dure à supporter en s’évadant dans un monde fantasmatique n’est pas mauvaise en soi (même si loin d’être nouvelle), mais Snyder ne prend même pas le soin de rendre cette idée crédible, entre autres parce que le film manque totalement de cohérence stylistique et scénaristique. En effet, Zack Snyder devait apprendre que raconter une histoire dans un monde imaginé par l’héroïne ne dispense pas de rester cohérent par rapport à l’époque à laquelle se situe l’action. Voir des combattants de la première guerre mondiale (comme l’attestent les tranchées) affronter des soldats nazis dans des zeppelins de la seconde guerre mondiale est déjà assez gênant (mais pardonnable), mais voir des filles des 60’s imaginer manier un arsenal du XXIe siècle est déjà beaucoup plus incongru.

Beaucoup plus gênant, comme tous les opus de Snyder (mis à part L’Armée des Morts), Sucker Punch peine à véhiculer une quelconque émotion. Les images sont léchées, l’action bien découpée (même si on note toujours la présence des insupportables ralentis), mais les personnages ne sont que des pantins sans âmes dont on se contrefiche du sort (la preuve en est que le sort réservé à Babydoll en fin de film ne crée aucune sorte d’émotion). Là où John Carpenter arrivait à créer un minimum d’empathie envers les pensionnaires de son asile dans The Ward (duquel Sucker Punch a l’air de s’être beaucoup inspiré),  la mort de certains personnages dans le film de Snyder passe comme une lettre à la poste, tant on ne sait rien sur eux. L’interprétation va du correct (Abbie Cornish, définitivement le point fort du film) au pathétique (Carla Gugino avec son ridicule accent polonais), mais les dialogues risibles n’aident pas non plus les acteurs à briller (la mort de Rocket est un grand moment de comique involontaire).

En ce qui concerne l’action, c’est vrai qu’on est servi. Les effets spéciaux sont réussis, et le réalisateur emballe quelques belles séquences. Mais une fois encore, malgré leurs cadres variés, les scènes d’action donnent une impression de répétition fastidieuse, et les combats qui devraient être jouissifs (des filles avec des flingues contre des robots ninjas ! et des orcs ! et un dragon ! et des soldats zombies !) ne provoquent en fait qu’un ennui de plus en plus grand. A tel point qu’on en vient à prier pour qu’elles chopent leurs 5 objets rapidement, sans passer par le monde des rêves, histoire que tout ceci se termine au plus vite. A vrai dire, on a plus l’impression d’assister à un collage de saynètes successives sans lien entre elles, voire à une projection d’un blu ray de démonstration pour home cinéma qu’à un film cohérent. Mais il est vrai que raconter une histoire de façon fluide et logique n’a jamais été le fort de Snyder, comme en témoigne le calamiteux Gardiens de Ga’Hoole.

Mais là où Snyder fait vraiment très fort, c’est dans son final, où il invente ni plus ni moins que le twist invisible ! Par invisible, j’entends un twist tellement mal amené et nébuleux que la plupart des spectateurs passent totalement à côté et prennent le film au premier degré. Le film est un tel gâchis scénaristique, que malgré des dialogues lourdement explicatifs (censés pointer le spectateur dans la bonne direction pour interpréter le film), on peut ressortir de la séance sans avoir même eu l’idée qu’il pouvait y avoir un twist et un sens caché au film ! Pour ce qui est de la teneur du twist en question, je vous renvoie à Identity, The Ward, Shutter Island et Brazil, desquels le film de Snyder mixe bêtement et sans finesse les dernières images. Mais c’est sûr que Zack Snyder n’est ni Scorsese ni Gilliam…

Bordélique, long, et pompeux, Sucker Punch se rêve un spectacle intelligent provoquant la réflexion, mais n’est au final que d’une stupidité crasse. Un spectacle bourrin et bruyant mais même pas jouissif, ne laissant au final qu’une impression de vide. Et dire que c’est à ce mec qu’on a confié la résurrection de Superman…

Note: 2/10

USA, 2011
Réalisation: Zack Snyder
Scénario: Zack Snyder, Steve Shibuya
Avec: Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone, Vanessa Hudgens, Jamie Chung, Carla Gugino, Oscar Isaac, John Hamm, Scott Glenn

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