Anciens combattants , mémoire et liens avec la nation

Publié le 08 avril 2011 par Anttrn1

B. LE PROGRAMME N° 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT » : ENTRE RÉFORME ET CONTRAINTES

Le principal programme de la mission qui regroupe plus des 9/10e des dotations connaît en 2011 quelques changements tout en préservant le nécessaire maintien de la qualité des prestations offertes aux pensionnés.

La grande masse des crédits, 97,1 %, est constituée de dépenses d'intervention. Cette spécificité explique que l'essentiel de l'évolution du programme est fonction de l'évolution des droits des bénéficiaires, obéissant elle-même à des critères démographiques.

Évolution des crédits du programme 169

(en millions d'euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2010

retraitée5(*)

PLF 2011

Évolution

LFI 2010

retraitée

PLF 2011

Évolution

Action 1 - « Administration de la dette viagère »

2 587,0

2 502,0

-3,3 %

2 587,0

2 502,0

-3,3 %

Action 2 - « Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité »

213,7

198,7

- 7 %

213,7

198,7

- 7 %

Action 3 - « Solidarité »

334,6

345,9

+ 3,4 %

334,6

345,9

+ 3,4 %

Action 5 - « Soutien »

33,0

13,0

- 60,6 %

33,0

13,0

- 60,6 %

Action 6 - « Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français »

10,0

10,0

0 %

10,0

10,0

0 %

Total

3 178 ,3

3 069,6

- 3,4 %

3 178,3

3 069,6

- 3,4 %

Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

1. Un objectif : les engagements contractés à l'égard des populations combattantes
a) Des chiffres qui reflètent la prise en compte d'une régression démographique de la population des anciens combattants

L'un des principaux traits de ce budget est la constance de la diminution des budgets alloués aux deux premières actions « Administration de la dette viagère » et « Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité ». Cette diminution tient compte de la réalité de l'évolution de la population des ressortissants.

En cinq ans les effectifs pensionnés ont ainsi diminué régulièrement, passant, de 2006 à la prévision pour 2011, de 380 034 à 304 772 pour les bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité et des victimes de guerre (PMI) et de 1 499 211 à 1 278 201 pour le nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant. Entre 2010 et 2011, le nombre de bénéficiaires de la PMI baisse de 16 000 et celui des bénéficiaires de la retraite du combattant de 60 000.

La consommation des crédits suit cette tendance mais à un moindre rythme, car elle prend en compte diverses majorations, entre autres, celle de la valeur du point d'indice PMI.

Les principales catégories de bénéficiaires sont inéluctablement appelées à voir leurs effectifs décroître, alors que les nouvelles entrées ne compensent pas les sorties.

Concernant la principale action de ce programme, l'action 1 « Administration de la dette viagère », votre rapporteur spécial souligne que, dans un contexte budgétaire difficile, l'effort constant d'amélioration du ratio entre le budget des prestations et le nombre de pensionnés n'a pas cessé de croître ces dernières années. Ainsi, ce ratio est-il passé de 5 319 euros en 2006 à 5 468 euros pour la LFI 2011 en ce qui concerne la PMI. Dans le même temps le ratio de la retraite du combattant passait de 447 euros à 606 euros.

Votre rapporteur spécial rappelle que lors des trois derniers exercices budgétaires les rythmes de diminution des crédits ont toujours été inférieurs à ceux des effectifs concernés. Ceci s'explique principalement par la modification des règles de calcul de la PMI et de la retraite du combattant par la loi de finances de 2005. Le point d'indice est, depuis, révisé proportionnellement à l'évolution de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État. Ainsi, en 2011 l'application de ce « rapport constant » aura un coût de 4,47 millions d'euros pour les PMI et de 2,06 millions pour la retraite du combattant.

L'action 2 « Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité », qui représente 6,5 % des crédits du programme et concentre les crédits destinés aux soins médicaux gratuits et à l'appareillage, connaît une diminution de 15,05 millions d'euros de ses crédits en AE et CP soit une baisse de 7,1 % entre 2010 et 2011.

Votre rapporteur spécial rappelle que, certes une partie de cette baisse des crédits est liée à la diminution de la population concernée, mais qu'une fraction essentielle de la diminution de 9,73 millions d'euros de la sous-action « soins médicaux gratuits et appareillage » est due, à hauteur de 6,1 millions, à la non reconduction d'une avance pour transfert d'activité faite en 2010 à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS).

Votre rapporteur spécial tient par ailleurs à souligner que les droits des anciens combattants sont étroitement liés à l'obtention de la carte du combattant. Un certain nombre de dysfonctionnements sont apparus durant l'année 2010, sans lien direct avec la réforme engagée de la DSPRS, qui pénalisent les prétendants à l'obtention de la carte. En effet, une procédure nouvelle, d'informatisation du traitement des cartes a été mise en place avec le logiciel KAPTA. Celui-ci a connu quelques difficultés, qui sont en passe d'être surmontées selon les autorités responsables. Cependant, ces difficultés ont été renforcées par la suppression des commissions départementales de la carte du combattant, remplacées par deux commissions nationales regroupant la délivrance des différents titres. Ce passage s'est accompagné de la constitution d'un stock de demandes ayant accumulé un retard de traitement.

Tout ceci a participé à un engorgement qui a été relevé par votre rapporteur spécial. Il tient donc à attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de concentrer des moyens forts pour mettre un terme à cette situation pénalisante qui suscite une incompréhension croissante au sein du monde combattant.

b) Le difficile respect des engagements pris dans un contexte budgétaire contraint

C'est dans ce contexte budgétairement contraint que s'exprime la forte revendication du monde combattant de voir respecté l'engagement du Président de la République de porter l'indice applicable à la retraite du combattant à 48 points en 2012.

Le projet de loi de finances ne fait qu'étendre en année pleine en 2011 la revalorisation de deux points, à 43 points, votée dans le cadre de la loi de finances pour 2010. Cette mesure génère à elle seule un coût évalué à 27,91 millions d'euros l'an prochain.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, plusieurs amendements tendant à augmenter l'indice ont été déposés conduisant le Gouvernement à présenter lui-même un amendement. Cet amendement gouvernemental, auquel la commission des finances de l'Assemblée nationale a donné un avis favorable, permettrait de porter l'indice à 44 points et de s'approcher ainsi un peu plus rapidement de la cible des 48 points.

Selon les données fournies à votre rapporteur spécial, ce nouvel effort serait d'un peu plus de 4,6 millions d'euros pour 2011 pour une mesure applicable au 1er juillet. Selon les éléments de calcul fournis par le ministère, la valeur d'un point nouveau en 2011 est de 18,4 millions. Le versement de la retraite se fait de façon semestrielle à la date anniversaire du pensionné et six mois plus tard. De ce fait le besoin de financement, avancé par le Gouvernement, serait, en 2011, d'un quart de point.

Cette mesure, qui représente 0,6 % des crédits de paiement de la retraite du combattant, semble raisonnablement finançable pour l'exercice 2011. Il est toutefois à noter que ce nouvel engagement se répercutera de façon démultipliée sur les exercices 2012 et 2013 et donc sur la programmation pluriannuelle.

2. 2011 : de la dernière étape de la réforme de la DSPRS à la consécration de l'ONAC
a) Une année qui marque la disparition de la DSPRS

L'année 2011 sera une étape décisive dans la mise en oeuvre de la réforme de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion professionnelle (DSPRS). Elle marque, en effet, la dernière année d'une réforme engagée en 2007. Votre rapporteur spécial ne reviendra pas sur les modalités de cette réforme qu'il a déjà eu l'occasion d'aborder avec sa collègue, Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, dans un récent rapport d'information6(*).

Il souhaite cependant rappeler que quinze directions déconcentrées et services vont disparaître tout au long de l'année prochaine avant que l'administration centrale de la DSPRS ne disparaisse à son tour le 31 décembre 2011. En termes budgétaires, cette réorganisation se traduit pour l'essentiel par la forte baisse, de 60,6 % des crédits de l'action 5 « Soutien » qui, entre 2010 et 2011, perd plus de 20 millions d'euros essentiellement en dépenses de personnel (soit 17,9 millions).

Ainsi, le projet annuel de performance du PLF 2011 laisse-t-il apparaître une réduction de 510 ETPT pour cette action. Il convient de préciser que sur ce chiffre, 162 ETPT nets ont été supprimés, le différentiel correspondant à des transferts au sein de la mission et hors mission, ainsi qu'au bénéfice des opérateurs que sont l'ONAC et la CNMSS.

L'économie réelle pour le budget de l'État doit donc être relativisée, le gain net lié à la réforme de la DSPRS en 2011 étant légèrement supérieur à 5,9 millions d'euros auxquels il convient d'ajouter 5,1 millions au titre du versement au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Le reste de la diminution des crédits correspond à des transferts d'effectifs et de crédits.

b) La consécration de l'ONAC dans son rôle pivot

La volonté des animateurs de la réforme de la DSPRS a toujours été de garantir une réforme à droit constant et à niveau de prestations comparable, ce qui explique en partie les économies limitées engendrées en 2011 par la disparition des services de la DSPRS. Dans le cadre de cette réforme un acteur est renforcé et consacré : l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC).

L'ONAC voit en premier lieu la dotation d'action sociale de 19,6 millions d'euros, qui lui est versée pour remplir sa mission de solidarité, reconduite à l'identique de celle de 2010. Cette dotation comporte en particulier l'enveloppe de 5 millions, également reconduite, bénéficiant aux conjoints survivants particulièrement des veuves d'anciens combattants.

L'ONAC voit surtout la traduction budgétaire de ses nouvelles missions à travers l'augmentation de sa subvention pour charges de service public majorée de plus de 4,7 millions d'euros. Il s'agit pour l'essentiel d'une augmentation de 4,21 millions de la subvention liée à la mise en oeuvre de la deuxième étape du transfert d'activités de la DSPRS (dont 3,17 millions au titre des rémunérations et charges sociales des 64 ETPT des services d'Afrique du Nord).

Au titre des charges de service public, le budget alloué à l'ONAC passe de 53,1 millions d'euros à 57,8 millions tant en AE qu'en CP.

Votre rapporteur spécial rappelle par ailleurs que par référé n° 52449 du 25 juillet 2008, la Cour des comptes a invité l'ONAC et sa tutelle à encadrer le développement des missions de l'établissement public, à faire évoluer ses modes de gouvernance pour les rendre plus opérationnels et à renforcer les contrôles internes de l'activité et de la performance au sein de l'office. Il conviendra de veiller à ce que toutes ces orientations, qui ont été prises en compte dans le contrat d'objectifs et de moyens 2009-2013 approuvé par le conseil d'administration de l'ONAC signé en janvier 2009, soient mises en oeuvre.

3. La réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

Le projet de loi de finances pour 2011 prend en considération toutes les conséquences du vote de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Les victimes civiles et militaires des essais peuvent déposer des dossiers de demande d'indemnisation instruits par un comité d'indemnisation dont le poids budgétaire est assuré par la mission « Défense ».

Afin de faire face à l'afflux de demandes, dont l'évaluation est encore à ce stade difficile comme l'avait indiqué la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées lors de la discussion du projet de loi, il a été décidé de reconduire le montant de la provision votée en 2010, soit 10 millions d'euros. Votre rapporteur spécial tout en reconnaissant la nécessaire mise en place de provisions, souhaite que cette logique laisse rapidement place à une vision analytique plus avancée.

4. Des dossiers qui restent en attente de réponses

Parmi les dossiers aux conséquences budgétaires non négligeables, l'un a acquis une importance toute particulière ces dernières années à la suite de l'adoption de la loi n° 1999-882 du 18 octobre 1999 visant à substituer à l'expression « opérations effectuées en Afrique du Nord » les expressions « guerre d'Algérie » ou « combats en Tunisie et au Maroc » dans plusieurs dispositions du Code des Pensions Civiles et Militaires de Retraite : il s'agit de l'octroi du bénéfice de la « campagne double » aux anciens combattants d'Afrique du Nord, seule la campagne simple étant jusqu'alors accordée pour les opérations qui se sont déroulées entre 1952 et 1962.

Pour mémoire, le Conseil d'État, saisi par le ministre délégué aux anciens combattants de questions relatives aux contraintes juridiques auxquelles seraient soumises des dispositions tendant à attribuer le bénéfice de la « campagne double » pour les services accomplis en Afrique du Nord, avait rendu un avis le 30 novembre 2006.

Cet avis précisait que le bénéfice de la bonification dite de « campagne double », prévue au A de l'article R. 14 du Code des Pensions Civiles et Militaires de Retraite, doit, être attribué à ceux des ressortissants de ce code qui ont participé à des opérations de guerre, c'est-à-dire qui ont été exposés à des situations de combat.

Le Conseil d'État jugeait qu'il appartenait au ministre chargé des anciens combattants et au ministre du budget de définir les circonstances de temps et de lieu permettant d'identifier les situations de combat ouvrant droit au bénéfice de cette bonification.

Le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants s'était alors engagé pour que soit préparé et publié un décret ouvrant le droit à la « campagne double » selon les critères retenus par le Conseil d'État. C'est ainsi qu'a été pris le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord.

L'article 3 du décret limite la possibilité de révision des retraites liquidées aux seules retraites liquidées à partir du 19 octobre 1999 soit le lendemain de l'entrée en vigueur de la loi du 18 octobre 1999 précitée. Lors de son audition à l'Assemblée nationale7(*), le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, tout en rappelant que le pouvoir règlementaire avait été au maximum de ce que la loi permettait, a fait savoir qu'il était favorable à ce qu'un point soit fait en 2011 sur les modalités d'application du décret et les éventuelles difficultés soulevées par celui-ci.

Le coût induit du décret devrait être globalement, sur les dix années à venir, de près de 0,6 million d'euros pour les pensionnés de l'État.