INTERVIEW - Catherine Corsini : femme libre sans étiquette

Par Celinecinema


Sept longs métrages, beaucoup de passion, des femmes… Le cinéma de Catherine Corsini est viscéral, émotionnel, brut. Le plus souvent, elle met en scène des figures féminines en plein tourment, aux certitudes qui éclatent, aux cœurs et corps qui se (re)découvrent.
Son dernier film, Partir, disponible en DVD, est un instantané bouleversant de vie, un cri pour la liberté- d’aimer, surtout. Alors qu’elle prépare son nouveau film (Trois Mondes) qui réunira Clotilde Hesme, Raphaël Personnaz et Arta Dobroshi, elle a accepté de répondre, pour Celine Cinema, à quelques questions.

Pourquoi la passion amoureuse vous intéresse-t-elle tant ?
L'amour a bouleversé ma vie plusieurs fois, j'avais envie d'en parler, de transmettre les émotions que j'avais connues. Et puis les grands films que j'aime traitent de l'amour.
Dans Partir, le personnage féminin abandonne ses chaînes : elle s’oppose aux enfants, tourne le dos au confort, cherche un travail. Pourquoi ce choix ? Diriez-vous que le personnage joué par Kristin Scott Thomas est égoïste, ou finalement très courageux ?
Je la trouve courageuse d'oser vivre sa passion amoureuse en dépit de tous et de tout. Elle ne tourne pas le dos à ses enfants c'est eux qui ont du mal à supporter son indépendance et à regarder son désir. Les enfants sont souvent très réactionnaires. Ils ont du mal à voir leurs parents comme des êtres sexués.
Diriez-vous que Partir est féministe, dans le sens où il raconte le combat d’une femme, contre l’ordre établi et ses propres barrières … ?
C'est un film qu'on traite de féministe et que les féministes détestent car elles disent que la femme ne s'émancipe pas, que je la condamne. C'est vrai je ne suis pas assez féministe.
Je suis malgré moi encore engluée dans des réflexes masculins, proches des femmes mais aussi prêtes à les faire souffrir.

"J'aime les grandes héroïnes, les femmes qui se battent bien sûr...
"
Et que pensez-vous de la place de la femme dans la société ?
La place de la femme dans la société française est encore un sujet d’actualité : elle n'a toujours pas les mêmes droits. Le chemin n'est pas fini. Notre société est très machiste et le monde du cinéma aussi. Il y a peu de temps des femmes ont encore signé un manifeste pour l'égalité des droits.
Et le mari là dedans ? Bizarrement, on ne peut pas lui en vouloir … Comment conceviez-vous son personnage ?
Vous trouvez qu'on peut admettre qu'il viole quasiment sa femme ?
Le mari me touche au début- j'ai de la compréhension comme on se doit de comprendre tous les êtres humains- mais dans son impuissance il devient odieux et passe les bornes.
Partir est un film qui marque les esprits, qui choque. Ce que l’on entend le plus souvent, c’est qu’il va trop loin, que le personnage va trop loin, que c’est une vision fantasmée de l’amour… Que répondez-vous à cela ?
Je ne pense pas que le personnage aille trop loin. Nom de dieu, beaucoup d'hommes agissent comme ça et on n'en fait pas tant de foin ! On accepte sans les traiter de monstres, non?

Vous-même, quel personnage de femme vous a récemment bouleversé au cinéma ?
Toutes ces femmes de Gloria, à Wanda... les héroïnes de Frozen River. Des femmes humaines et bouleversantes qui doivent se débrouiller dans un monde hostile.
Un mot sur votre prochain projet ? Un film « d’hommes » peut-être ?
Un film d'hommes ? Pourquoi cette question ? Qu’est-ce que ça veut dire un film de femmes ? Truffaut quand il fait "La femme d'à côté" on dit un film de Truffaut... Bergman pareil... Pourquoi une femme qui fait un film ou il y a une femme en rôle principal on dit un film de femmes ? Je déteste cette étiquette. Je trouve ça pour le coup, macho de nous étiqueter... Je suis cinéaste, je fais des films, ma sensibilité me porte à raconter des histoires où les femmes sont centrales.
Le film est disponible en DVD depuis février en France, fin mars au Québec.
Lire la critique de Partir.
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