Et si Borloo rendait service à Sarkozy...

Publié le 11 avril 2011 par Letombe

Serait-ce un tsunami politique ? Le coup de grâce contre une Sarkofrance déjà affaiblie ? Non. Rien de tout cela. Juste un ancien ministre fidèle qui, déçu de ne pas avoir eu le leadership gouvernemental qu'il espérait en novembre dernier, a décidé de bouder et reprendre son autonomie.
Jean-Louis Borloo, président du Parti Radical, a confirmé jeudi soir, devant Arlette Chabot dans l'émission A VOUS DE JUGER qu'il quittait l'UMP avec sa formation « radicale ». Il veut créer une confédération centriste, avec le Nouveau Centre d'Hervé Morin, le quarteron de débauchés de la Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel, et quelques personnalités récupérées ici ou là (Thierry Breton, Fadela Amara, Rama Yade). Le lendemain, même le ministre Maurice Leroy (Nouveau Centre) s'affichait tout sourire auprès de Borloo.
1. Premier constat, les Français s'en fichent. L'émission a été peu regardée, malgré le suspense incroyable qu'elle a suscité parmi les éditorialistes politiques : à peine 10% des téléspectateurs ont regardé l'affaire. C'est moins que les précédentes émissions avec Martine Aubry (en octobre) ou Marine Le Pen (en janvier). Bref, Borloo, ce jeudi, n'a pas attiré les foules.
2. La crédibilité d'une candidature Borloo prête à sourire. Jeudi soir, il a déclaré qu'il voulait incarner « l'aile sociale, humaniste de la majorité.» L'homme a tout couvert. Ministre sous Chirac, puis sous Sarkozy. Il n'a rien dit, jusqu'à l'automne 2010. Rien sur les rafles de sans-papiers, la chasse aux Roms, le discours de Grenoble, le bouclier fiscal à 50, les courbettes devant Poutine ou Hu Jintao, la diplomatie « atomique », les sanctions contre les chômeurs refusant deux offres « raisonnables » d'emploi, la déstabilisation de la justice, la réforme des retraites, la relance des autoroutes, l'abandon de la taxe carbone, les concessions accordées aux producteurs d'OGM, l'obstruction anti-écolo des eurodéputés UMP au Parlement européen. Borloo était le « faux gentil » de Sarkofrance, le sarkozyste idéal jusqu'en ... novembre dernier ! Il ne tint jamais tête au Monarque, il a toujours l'enthousiasme facile.
L'unique fait d'arme du nouveau leader centriste fut d'avoir réussi, début mars,  à convaincre 70 députés UMP et Nouveau Centre de voter contre la déchéance de nationalité pour les Français récemment naturalisés et auteurs de crimes contre des représentants de l'ordre public. Le gouvernement retira la disposition pour éviter l'affront. Quelle victoire ! Mardi dernier, Jean-Louis Borloo s'affichait encore tranquillement aux côtés de Nicolas Sarkozy pour inaugurer le grand canal Seine-Nord Europe. 
3. Même sur son périmètre ministériel en Sarkofrance, l'Ecologie, Jean-Louis Borloo n'a pas brillé. Borloo a été converti à l'écologie en juin 2007, quand Sarkozy lui imposa de reprendre le grand ministère du développement durable laissé vacant par un Alain Juppé défait aux élections législatives. Au mois d'octobre suivant, Borloo lançait le fameux Grenelle de l'Environnement, un machin qui rassemblait les pires pollueurs du moment avec quelques écologistes « humanitaires » qui pensaient bien faire. Borloo a plus tard déjugé sa timide secrétaire d'Etat Kociusko-Morizet quand il fallut passer à l'action législative.
Deux ans plus tard, le fiasco du sommet de Copenhague, mal préparé, fut incroyable. Borloo promettait, à tort, des centaines de milliards de dollars pour les pays les plus fragiles face au réchauffement climatique. Au final, l'Europe accorda ... ... 7 milliards d'euros sur 3 ans. Au printemps 2010, il faisait voter un amas administratif qualifié de « Grenelle 2 », une loi fourre-tout sans engagement de plusieurs centaine d'articles. Comme Sarkozy, il confond vite annonces et résultats... comme son ancien patron. Rappelez-vous la maison à 100.000 euros, « un échec cinglant » remarquait le Figaro dès 2008.
4. Nicolas Sarkozy sera officiellement agacé. La stratégie Borloo contredit la sienne. Il veut être le candidat unique de la droite républicaine au premier tour de la prochaine présidentielle. Et qu'importe s'il a déplacé son curseur politique vers l'extrême droite. Le trio Sarkozy/Guéant/Buisson fait des ravages. Mais on peut se demander si l'initiative Borloo ne sert pas la candidature Sarkozy. Certes, vendredi, différents ténors de l'UMP se sont exprimés pour critiquer Borloo. François Fillon, en déplacement ce vendredi, a joué l'inquiétude : « L'unité, ça n'est pas une faculté. L'unité, ça n'est pas une option parmi d'autres. L'unité, c'est une nécessité vitale.» Et d'ajouter : « Je dis à Jean-Louis Borloo et aux radicaux qui voudraient le suivre, aux centristes qui hésitent, que je me reconnais moi aussi dans plusieurs des valeurs qu'ils défendent, mais que personne n'a intérêt à découper la majorité en tranches.» Valérie Pécresse a complété : « l'un de nous (...) s'isole
4. Jean-Louis Borloo aura quelques difficultés à rassembler troupes et moyens. Nombre d'élus UMP (auto)qualifiés centristes rechignent à quitter l'UMP. Ils craignent pour leur réélection en 2012. « Nous sommes plusieurs, à l'intérieur de la majorité présidentielle, à incarner une offre politique représentant les idées humanistes, sociales, écologiques et républicaines », a expliqué l'inexistant  Marc-Philippe Daubresse, secrétaire général adjoint de l'UMP, dans un communiqué vendredi. « Jean-Louis Borloo a fait le choix de les porter à l'extérieur de l'UMP, tout en confirmant clairement son appartenance à la majorité présidentielle.» Pierre Méhaignerie, centriste historique de l'UMP, n'a pas apprécié cette prise d'autonomie de Borloo. L'homme n'a pas envie d'avoir un candidat contre lui aux prochaines élections.
Et le Parti Radical lui-même bénéficie de généreuses dotations confraternelles de l'UMP... 
Mais au final, la candidature Borloo n'est-elle pas une excellente nouvelle pour Nicolas Sarkozy ? L'électorat centriste se trouve sérieusement disputé : l'écolo-centriste Nicolas Hulot confirmera sa candidature la semaine prochaine; le socialo-centriste DSK fait patienter ses fans et supporteurs jusqu'à l'automne; le centriste solitaire François Bayrou n'a pas dit son dernier mot. Au final, le risque de l'émiettement est réel. Et à qui profite le crime ? A Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen.

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