Ballades pour John Henry de Colson Whitehead

Par Sylvie
ETATS-UNIS-2005



Editions Gallimard "Du monde entier"

Colson Whitehead, né en 1969, auteur de trois romans, apparaît comme le prodige de la littérature afro-américaine. On a reparlé de lui en janvier avec Apex, l'histoire d'un consultant qui a inventé un sparadrap révolutionnaire qui change de couleur avec la peau !
Avec des intrigues très originales, Whitehead se fait le critique acerbe et humoristique de la société de consommation américaine.
Ballades pour John Henry fait référence à une figure très connue de la culture populaire noire américaine, John Henry, un ex esclave noir devenu foreur sur les chantiers de chemins de fer de Virginie dans les années 1850 et qui défia un marteau piqueur à la main. Il gagna le duel mais mourut d'épuisement...Depuis, le folklore américain lui rend hommage sous forme de récits, de chansons et de...timbres.
A partir de cette légende, Whitehead construit une intrigue originale où il imagine qu'un petit village de Virginie, Talcott, où John Henry est mort d'épuisement, organise un Festival en son honneur et que la Poste entame un concours de philatélie sur les héros populaires nationaux.
C'est alors que toute la clique des journalistes
new-yorkais est invitée pour faire la promotion de cet événement commercial censé redorer le blason de la petite ville provinciale. Mais ces journalistes prétentieux sont surtout des pique-assiettes qui vont à toutes les promos (livres, vêtements...) pour se sustenter copieusement et gagner des fringues chicos !!! L'un d'eux, James Sutter, décide, tout comme John Henry, de faire un pari : assister à une promo tous les soirs pendant un an sans craquer ! Pari sur lequel misent ses coéquipiers qui font partie de la "liste" de pique-assiettes.
Mais l'entreprise touristico-médiatique va tourner au drame...
Autour des personnages burlesques des journalistes, tourne toute une faune passionnée par le mythe John Henry. Un philatéliste, des chanteurs, un collectionneur fou de figurines, un uinversitaire...Les chapitres font alterner la préparation de la fête par les journalistes, la vie de John Henry et des courts chapitres sur l'histoire d'individus passionnés par John Henry.
Sur 600 pages, Whitehead parvient à retracer toute une partie de l'histoire populaire des Etats-Unis en dénonçant son exploitation par les médias et la société de consommation. Je pense toutefois que ce roman aurait gagné en force avec plus de concision.
Il reste une intrigue originale qui fustige les dérives de la société américaine. Whitehead se distingue assurément des autres jeunes représentants de la littérature américaine (Franzen, Moody, Lethem..). Il oublie le microcosme familial et ses déboires pour se concentrer sur la société dans son ensemble. On reconnaît cependant une "marque de fabrique" commune à ce groupe d'écrivains : un goût pour l'ironie mordante et l'humour noir.
Décidément, la littératre américaine a le vent en poupe...