suspect

Publié le 16 avril 2011 par Hoplite

Renaud Camus est un homme courageux. C’est-à-dire suspect.

J’ai suivi ce matin l’émission de Finkielkraut, Répliques, discussion courtoise entre le propret Manuel Valls et Camus. Valls est sans doute un des liberaux-libertaires les moins bornés, les plus lucides, sur le monde tel qu’il va et, qui plus est, candidat à la présidence de la république (c'est dire...). On se souvient de ce court extrait vidéo le montrant traversant un marché dans sa circonscription (en banlieue parisienne), quasi-exclusivement peuplé d’africains, et disant à un adjoint de « mettre quelques blancs, quelques whites, quelques blancos ! » Histoire sans doute de montrer que la diversité chère à nos modernes ne se résume pas au marché de Bamako ou de Ouarzazate. Ce croyant en la religion du Progrès™, publie un livre parlant de « sécurité » semble-t-il. Et de fait, dans ce camp du Bien peuplé d’autruches progressistes et de blattes gestapistes, reconnaissons lui le mérite de sortir –parfois- la tête du sable.

Renaud Camus, président du Parti de l’In-nocence, également candidat à la magistrature suprême a pu développer –a minima- quelques convictions sur la décivilisation moderne faite de faillite scolaire, de contre-colonisation du continent européen par des peuples extra-européens, fait longtemps nié par la clique des vigilants de l’Immonde (comme disait le Général), de l’INED ou de Télérama (parmi d’autres) et aujourd’hui reconnue à demi-mot mais pour dire ipso facto qu’il est trop tard et qu’il n’ya pas, de toutes façons, d’alternatives sérieuses, hormis la crispation chafouine à petite moustache et pas de l’oie. Mais aussi de violence ordinaire, de déculturation des élites et de barbarie ambiante, bref d’oubli de toute civilité, de toute common decency, au profit du règne sans partage de la vulgarité marchande et de la transgression ordinaire et citoyenne étiquetée rebelle et vendue par les cuistres des Inrocks (persuadés d’incarner la nouvelle résistance à brassard FFI versus la terrible réaction cléricale, militariste et patriarcale en feldgrau…ha ha ! ils n’ont pas lu Marx et Murray, les poulets, zont pas compris –ou affectent de ne pas voir- que l’hubris marchande du Même/OneWorld est consubstantielle à l’hégémonie bourgeoise et qu’il n’ya de débat aujourd’hui qu’entre modernes anti-racistes en carton et modernes résistants en peau de lapin).

Un moment révélateur, vers la fin de l’émission lorsque le pauvre Valls (pauvre car empêtré dans ses contradictions irréductibles de progressiste qui ouvre un œil, on a presque de la peine pour lui à le voir réciter son credo métisseur) s’emporte sur cette idée de nocence et de civilité caractéristique de notre civilisation telle que vue par RC. Concept évidement suspect voire négationniste voire Faurissonien car conservateur et donc hérétique aux yeux des lemmings festifs échassés qui nous entourent. Et de déblatérer sur cette pitrerie de « vivre-ensemble », qu’il serait urgent de promouvoir afin d’«éviter la guerre civile » ! (comme pompier pyromane, on fait difficilement mieux) ha ha ha! mdr. Comme si ce genre de machin pouvait se décréter d’en haut et s’imposer partout. Comme si on parlait de taux d’imposition marginalou de verbalisation du port de bâche ! Comme si payer des baby-foot à des mecs qui te crachent à la gueule, ou recruter des médiateurs de kartché (en général des repris de justice, la logique même des kapos dans les camps) allait transformer des enculés en brebis! Valls, en pacifiste anti-raciste exemplaire aux fesses propres qu’il se veut, oublie que nombre de peuples qui colonisent, années après années, ce continent n’ont peut-être simplement pas le désir de vivre-ensemble avec des européens à face de Valls si étrangers à eux-mêmes et si matraqués d’ethno-masochisme ! Que, peut-être, ils lui pissent à la raie au vivre-ensemble! Comme disait Freund, Valls et ses pareils pourront dire ce qu’ils veulent et faire montre des meilleurs sentiments à l’égard des néo-européens, rien ne dit que ceux-ci ne le considèreront pas un jour comme un ennemi. Et ne viendront pas un soir chez lui lui faire la peau à coup de machettes citoyennes et festives!

« C’est l’ennemi qui vous désigne ! », bordel, combien de fois faudra-t-il le répéter!  Combien d’ennemis parmi les 350 000 migrants annuels qui s’installent dans ce pays depuis plusieurs décennies ? Et parmi les 300 000, 400 000 ou 500 000 clandestins ? Toujours la même impolitique compassionnelle de nains confits dans des valeurs pseudo-universelles et qui font rire le reste du monde qui, lui, ne méconnaît pas ce présupposé simple et fondateur du politique : l’antagonisme ami-ennemi.

« Freund rapporte ailleurs le commentaire critique fait par Raymond Aron (son directeur de thèse), lors de la réception qui suivit la soutenance, à propos de la réaction de Jean Hyppolite (un des maîtres de Freund qui avait refusé de diriger sa thèse au motif précisément que Freund faisait de cette relation ami-ennemi un des trois fondements du politique et qui avait ajouté que, si Freund avait raison, il ne lui restait plus qu’à se suicider…), auquel il avait déclaré : « Votre position est dramatique et typique de nombreux professeurs. Vous préférez vous anéantir plutôt que de reconnaître que la politique réelle obéit à des règles qui ne correspondent pas à vos normes idéales ! » (Taguieff, Julien Freund)

Autre point-clef mentionné par RC mais non relevé par Valls, le fait que les sociétés multi-culturelles et/ou multi-ethniques soit, contrairement au logos progressiste arc-en-ciel/oneworld/unitedcolors, les plus violentes qui soient ! Tout simplement parce que les hommes ne partageant pas les mêmes valeurs civilisationnelles ne peuvent vivrent en paix sur le même territoire, comme le rappelle Aristote-le-crispé dans son Livre Politique, à propos des tyrans de Syracuse…Mais le petit Valls, dans son for intérieur et son marché de merde colonisé par les blacks et les maghrébins et que les européens de souche ont fui, le sait au fond très bien. Pourquoi, alors, soutient-il précisément l’inverse de ce qu’il voit ? La double-pensée totalitaire… ie reconnaître la réalité est trop risqué politiquement pour sa petite carrière de bureaucrate du politiquement correct ou coûteux socialement (on passe de 843 amis sur FB à 2 en 4 jours)…mieux vaut adouber le discours politiquement correct et jouer du djembé, même s’il constitue la négation de ce que l’on pense. A rapprocher du double bind d’Asimov ou de Michéa : deux propositions contradictoires mais soutenues dans le même discours : « Je veux plus de diversité à paillettes et plus de sécurité à tonfa» ou bien « plus d’immigration et plus de vivre-ensemble ! » ouais, ok...

Enfin, il y a en filigrane dans le discours de Valls, la même antienne des modernes qui est : il faut que ça change, on ne peut pas ne pas changer ! (pourquoi? passque!) La même hubris progressiste parfaitement saisie par le jeune Marx :

« La bourgeoisie...partout ou elle a conquis le pouvoir, a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité naïve dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange ; elle a substituée aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. La bourgeoisie a dépouillée de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque là pour vénérables et qu'on considérait avec un sain respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré un voile de sentimentalité qui recouvrait les situations de famille et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent...[...] La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les conditions de la production, c'est-à-dire tous les rapports sociaux ; Tous les rapports sociaux, traditionnels et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés, enfin, d'envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations ; Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale, Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore tous les jours.» (Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1848)

Marx s’en réjouissait car cela était susceptible d’accélérer l’avènement de sa dictature du prolétariat (et en ce sens, sous-estimait-il la capacité remarquable, la résilience,  du Capital à surmonter tous les obstacles que dressent sur sa route hommes et cultures différenciés) mais sa critique de l’ordre marchand planétaire reste valide.

Kolakowski, lorsque il évoquait cette « puissante internationale qui n’existera jamais » (Comment être socialiste- conservateur- libéral), montrait l’impossibilité de toute posture conservatrice car hérétique au bougisme ambiant. Orwell, tout socialiste authentique qu’il fut (rien à voir avec nos Dray (juju la tocante) et le réjoui Hollande –je n’évoque pas le milliardaire DSK et sa grosse pouffe enfouraillée par charité chrétienne) avait compris que toute critique sociale doit comporter le souci d’une certaine conservation de conditions d’existence, de travail, de bien-être, de socialité, de civilité ordinaire, ce qu’il appelait common decency.

« Un jour, dans un tramway de Varsovie, Leszek Kolakowski entendit l'injonction suivante : « Avancez vers l'arrière, s'il vous plait ! » Quelque temps plus tard, en 1978 exactement, il proposa d'en faire « le mot d'ordre d'une puissante internationale qui n'existera jamais », dans un credo publié sous le titre : Comment être socialiste- conservateur- libéral. Il fallait un certain toupet pour retourner ainsi la disjonction en conjonction et mettre un trait d'union entre les trois grandes doctrines politiques de l'âge moderne. Et ce qui inspira à Kolakowski cet audacieux accouplement, c'est l'expérience du XXième siècle. Le conservateur, c'est l'homme qui accueille le donné comme une grâce et non comme un poids, qui a peur pour ce qui existe et qu'émeut toujours la patine du temps sur les êtres, les objets ou les paysages. Or, en exacerbant la passion révolutionnaire, le XXième siècle a fait du changement le mode privilégié de l'action politique au point d'oublier que toute innovation n'était pas nécessairement un bond en avant et que, quand bien même elle bondirait, « Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais dans la vie des hommes, d'améliorations qui ne soient payées de détériorations et de maux ». Sensibles à ces maux, incapable de tourner la page, le conservateur voit des mondes finir là où d'autres voient s'accomplir la fin de l'histoire. A l'optimisme démocratique de la révolution, il oppose son amour mélancolique du déjà-là et des vieilles traditions chancelantes. Il vit sous le regard des morts, il plaide pour la fidélité, il est celui qui regrette la lenteur quand tout s'accélère et qui trouve constamment trop cher le prix à payer pour ce qu'on appelle le progrès. Le conservateur refuse, en second lieu, d'accorder à la raison une confiance sans réserve. Les Lumières terrassant la superstition : cette intrigue lui parait trop sommaire pour rendre compte des phénomènes humains. Tout ce qui n'est pas rationnellement explicable ne relève pas nécessairement de la bêtise ou de l'obscurantisme. Le conservateur, autrement dit, perçoit comme une menace l'approche technicienne du monde symbolique. « Il croit fermement, écrit Kolakowski, que nous ne savons pas si diverses formes traditionnelles de la vie sociale -comme les rituels familiaux, la nation, les communautés religieuses- sont nécessaires pour rendre la vie ne société tolérable ou même possible. Cependant, il n'y a pas de raison de croire que, en détruisant ces formes, nous augmentons nos chances de bonheur, de paix, de sécurité et de liberté. Nous ne pouvons pas savoir de manière certaine ce qui se passerait si, par exemple, la famille monogamique était supprimée, ou bien si la coutume consacrée par le temps qui nous fait enterrer les morts était remplacée par un recyclage rationnel des cadavres à des fins industrielles. Nous serions bien avisés pourtant d'en attendre le pire ». La disposition d'âme du conservateur, sa tonalité affective dominante, c'est le pessimisme. Ce n'est pas que, pour lui, l'homme soit plutôt méchant que bon, c'est qu'il se refuse à voir dans le bien et le mal un pur problème social.. A ses yeux, l'imperfection de la vie n'st pas contingente. On peut remédier à certains aspects de la vie humaine, mais une part de notre misère est incurable. La encore, le XXième siècle lui a donné raison en poussant l'immodestie jusqu'à ses plus tragiques conséquences : « Le conservateur croit fermement que l'idée fixe de la philosophie des Lumières- à savoir que l'envie, la vanité, la cupidité et l'instinct d'agression ont toujours pour cause des institutions sociales défectueuses et disparaîtrons lorsque ces institutions auront été réformées- n'est pas seulement tout à fait invraisemblable et contraire à l'expérience mais extrêmement dangereuse. Comment toutes ces institutions ont-elles pu voir le jour si elles étaient totalement contraires à la nature profonde de l'homme ? Nourrir l'espoir que l'on pourra institutionnaliser la fraternité, l'amour, l'altruisme, c'est préparer, à coup sûr, l'avènement du despotisme. » Bref, l'épreuve totalitaire ratifie l'hostilité foncière du conservateur à la tentative de transformer l'approche de la réalité humaine en recherche prometteuse d'une solution définitive du problème humain. » (Alain Finkielkraut, Nous autres, modernes, 2005)

Bref, Renaud Camus ne sera pas au second tour. Ni même, peut être, au premier. Pas un hasard que de retrouver des minables comme Sarko, Hollande, Ségo, DSK, Morin, Lefevre et cie à ce niveau de responsabilité. Des affairistes foireux et sans envergure. des nuls. Comme dit Cioran.

(photo: vivre-ensemble et pyromanie)

addendum: des nouvelles des bisounours!