Ainsi, une image du Christ, soi-disant plongée dans de l'urine et du sang (il faut croire l'artiste sur parole quant à la nature exacte du liquide profanateur) a déclenché la furie traditionaliste qui y a vu un blasphème insupportable. Voilà donc ces bras armés de la vengeance divine frappant ... quoi exactement ? L'image même qu'ils vénèrent, au prétexte qu'elle a été salie auparavant.
Le piège était grossier : la provocation est désormais le chemin le plus court vers la réussite financière pour des artistes dont le talent ne les distingue pas de la plupart de leurs concurrents dans la course à l'échalote médiatique organisée par le système Pinault-Perrotin & Co.
La photographie de Serrano endommagée ferait, par la publicité qui lui a été gracieusement accordée, monter beaucoup plus les enchères que la même en bon état.
C'est le paradoxe qui a échappé aux redresseurs de torts d'Avignon : l'image qu'ils ont tentée de briser était un multiple, tiré en plusieurs exemplaires, au moins huit. Mais ils en ont fait une pièce unique (Pisse ou nique ? Titre d'une future exposition de Serrano ?) par leurs coups mêmes. Serrano et ses commanditaires peuvent leur dire plusieurs fois merci. On se demande pourquoi ils veulent la restaurer.
Aux quatorze stations et au coup de lance, les énervés d'Avignon ont ajouté une autre étape, un nouvel affront : un coup de grâce.