Quelle complicité avec ses collaborateurs ?

Par Jean-Louis Richard

La complicité est à la relation ce que l'huile est aux rouages : sans elle, la température peut monter.

La question de management par Eric Albert, président de l'Ifas.

Pour créer une complicité, il est nécessaire d’avoir un espace d’intimité partagé qui repose sur une confiance mutuelle et qui permet de ressentir ce précieux sentiment de proximité.

Cela peut se faire de différentes manières. L’une repose sur la technique. On partage un savoir-faire, un vocabulaire, des expériences qui procurent d’emblée une familiarité. Celle-ci est plus forte s’il existe une proximité affective. Elle se mesure, notamment, à ce que l’on échange avec uns plutôt qu’avec les autres : partage sur ses propres ressentis, commentaires sur les personnes, échanges d’informations plus ou moins confidentielles, voire de rumeurs.

Dans quelle mesure cette complicité avec ses collaborateurs favorise-t-elle la qualité du management ? C’est toute la difficulté du rôle d’interface. Un manager est un relais de la hiérarchie, et c’est un capteur de la situation de ses collaborateurs. Il acquiert dès sa nomination un rôle symbolique. Ce qu’il fait est l’objet d’interprétations de nature à influencer les comportements. Ce qu’il dit n’est jamais "gratuit" mais prend sens par rapport à son rôle. Pas question de pouvoir dire ce qu’il pense sans s’interroger sur l’impact que cela aura sur ses collaborateurs. Si, au nom de la franchise, il exprime directement ses désaccords avec sa hiérarchie, il produit un effet délétère.

Ne confondons pas complicité avec séduction et démagogie. La proximité "achetée" (au motif de chercher à plaire) est le signe de la faiblesse du manager. L’authenticité de celui-ci ne se mesure pas à sa capacité à exprimer tout ce qu’il pense, mais à ses comportements. Notamment ceux témoignant d’une discipline personnelle au service du collectif et de la force de caractère qui conduit à se mettre en risque par moments. Comme le risque de déplaire à ses collaborateurs.

C’est pourquoi la complicité n’est jamais une fin. Utile, elle se construit dans le respect, dans l’estime mutuelle et dans la proximité de travail, mais jamais aux dépens des autres ou du rôle managérial. C’est une complicité partielle et alternée. La complicité globale est celle des séducteurs, pas celle des managers.

Eric Albert (ea@ifas.net) est Président de l'Ifas.

(cet article a été publié dans Les Echos du mardi 26 avril 2011)