Le rhinocéros indien de Louis XV (1/2)

Publié le 26 avril 2011 par Olivia1972

Le "Monde", dans son édition du 24 avril, a publié un long article assez passionnant sur la restauration du fameux rhinocéros indien de Louis XV. De quoi s’agit-il  et quelle est cette histoire ?

Il s’agit d’un rhinocéros indien mâle offert à Louis XV en1769, par Chevalier, gouverneur du comptoir français de Chandernagor ; l’animal débarque à Lorient après un périple de deux ans, à bord du Duc-de-Praslin, commandé par le capitaine François Magny.

Lors d'une escale à l'Île de France (aujourd’hui Ile Maurice) le public fut admis à bord pour venir le voir. L'écrivain Bernardin de Saint-Pierre, qui faisait partie des visiteurs, remarqua que si le rhinocéros était « fort et méchant», comme le note François Magny sur le journal de bord, il tolérait comme amie une petite chèvre qui partageait son foin entre ses pattes.

 

L'animal débarqua à Lorient le 4 juin 1770 et dut attendre deux mois et demi que l'on prépare une charrette à bœuf spéciale pour le transporter jusqu'à la ménagerie royale de Versailles, sa destination finale. Rappelons que cette ménagerie, située dans la partie sud-ouest du parc de Versailles, fut le premier grand projet de Louis XIV à Versailles. C'est la première ménagerie construite dans un style baroque, style ensuite copié par de nombreux autres monarques à travers l'Europe.

Notre animal y parvint après bien des péripéties le 11 septembre. Ce rhinocéros fut exposé au public pendant 22 ans, bien que la ménagerie royale ait commencé à décliner à partir de 1785.

Il rejoint en char à boeufs la ménagerie de Versailles, où le public peut l’admirer pendant vingt-deux ans. Le naturaliste Buffon estime alors son âge à 3 ans.

Pendant les troubles de la Révolution, des sans-culottes (et, dans ce cas, sans cervelles) bien intentionnés auraient un moment vu dans la ménagerie royale une autre Bastille, mais la perspective de relâcher dans la nature un rhinocéros et un lion les aurait fait renoncer à leur projet. Plus sérieusement il fallait fermer cette ménagerie que plus personne ne visitait et qui n'abritait plus en 1792 qu’un lion du Sénégal et une demie douzaine d’autres animaux et le vieux rhinocéros qui allait vers son quart de siècle (record à l'époque pour un rhinocéros en captivité et hommage aux soins apportés par le personnel de la ménagerie). L'intendant écrivit donc à Bernardin de Saint-Pierre, qui était à l'époque le directeur du Jardin National des Plantes à Paris, pour lui suggérer de transférer les animaux dans la capitale qui ne possédait pas encore de zoo. Bernardin de Saint-Pierre fit le déplacement à Versailles, reconnut notamment le rhinocéros qui venait chercher les caresses à travers les barreaux de son enclos, et rédigea à son retour un Mémoire sur la nécessité de joindre une ménagerie au Jardin national des plantes de Paris, adressé au ministre de l'Intérieur de l'époque.

Le projet fut mené à bien (la ménagerie du jardin des Plantes existe toujours aujourd'hui). Mais le rhinocéros n'y arriva pas vivant, tué par un coup de sabre. Une note de Georges Cuvier (1769-1832) signale qu'on le retrouva mort dans son bassin de Versailles le 2 Vendémiaire an II (23 septembre 1793). Sa dépouille fut transférée à Paris, au tout nouveau Muséum d’Histoire Naturelle, où elle fut disséquée et naturalisée (rien à voir avec le débat sur la citoyenneté !) par Jean-Claude Mertrud et Félix Vicq D’Azyr qui réalisèrent ainsi la première opération de taxidermie moderne sur un animal de cette taille. Cette naturalisation eut lieu sous une tente dressée devant l'amphithéâtre du Muséum, fin septembre, dans des conditions telles que lorsque Félix Vicq D’Azyr mourut l'année suivante en à 46 ans, certains attribuèrent sa mort à cette opération.

Au cours de cette opération, son squelette est retiré puis monté dans la galerie d'Anatomie comparée, ses organes répartis dans les laboratoires et sa peau préparée pour être tendue sur une armature en bois. A l'époque, les techniques sont rudimentaires. L'armature se résume à une cage en noisetier pour le corps et des chevrons en chêne pour les pattes. Il n'y a même pas de paille ! Croyant que la corne a été brisée, le taxidermiste la remplace par une corne bien pointue de rhinocéros noir africain... Ce n'est qu'en 1992, lors de la restauration du spécimen, que l'on s'aperçoit de l'erreur et que l'on échange cette corne par le moulage d'une vraie corne isolée d'un rhinocéros de la même espèce.

A SUIVRE