Comment augmenter instantanément notre pouvoir d’achat

Publié le 27 avril 2011 par Lecriducontribuable

Au lieu de vouloir forcer nos entreprises à verser aux salariés des primes en fonction des dividendes; ce qui conduit à diminuer leur liberté et leur compétitivité, mieux vaudrait réduire nos dépenses publiques.

Chaque contribuable a reçu, fin avril, une lettre de François Baroin prétendant que « la maîtrise de nos comptes public s’est encore renforcée. » Or, les chiffres qu’il fournit à la droite de sa lettre prouvent exactement le contraire.

Déficit 2011                  : 91,6 milliards

intérêts à payer          : 45,4 milliards

Total                               : 137 milliards

La dette est donc, de loin, le premier poste de dépenses publiques.

Viennent ensuite :

Enseignement et recherche : 87 milliards

Collectivités territoriales      : 58 milliards

Où est donc la « maîtrise des dépenses publique » annoncée par M. Baroin ?

Pourtant, il y aurait un moyen très simple d’augmenter notre pouvoir d’achat, et donc notre niveau de vie : supprimer les droits de douane et les multiples obstacles non tarifaires aux importations de produits alimentaires. L’Europe souffre de deux maux : trop de chômage et pas assez de croissance. A cela il y a deux remèdes possibles : simplifier le marché du travail et ouvrir nos frontières. Le premier est difficile, car il se heurte à d’énormes résistances syndicales et autres. En revanche, le second serait facile à faire accepter. Il est réclamé par le MEDEF et par la plupart des chefs d’entreprise européens. Récemment, le président de la Chambre de Commerce Internationale du Royaume Uni appelait à la relance des négociations du Cycle de Doha : l’accord le plus ambitieux jamais négocié pour libérer les échanges mondiaux… Nous devons tous investir temps et efforts pour arriver à un accord. [1]

Qui prend la peine d’expliquer aux Français que leur pouvoir d’achat pourrait, d’un seul coup, bondir d’un quart si nos aliments entraient librement ? Chez nous la plus grande partie des aides publiques de la Politique Agricole Commune (PAC) ne va pas à des agriculteurs. Loin de favoriser la survie des fermes familiales, ces aides vont à des gens qui n’en ont nul besoin. Parmi les 24 premiers bénéficiaires, qui reçoivent chacun plus de cinq millions d’euros, il n’y a aucun agriculteur ! Le premier est le volailler Doux, avec 63 millions. On trouve aussi le groupe de luxe LVMH pour son cognac, et les noms de Rothschild, de Dassault et du prince de Monaco. La moitié du total des subventions est concentrée sur 10% des exploitants.

Rappelons la lourde  responsabilité de notre pays. Quand, en décembre 2005, les Américains ont offert de supprimer, dès 2010, toutes les barrières à la libre circulations des produits agricoles, les grands pays émergents, Inde, Chine, Afrique du Sud, Indonésie et Brésil, avaient manifesté leur satisfaction et offert de baisser substantiellement leurs tarifs. Malheureusement, M. Chirac a fait une faute historique majeure. Sous prétexte de « défendre nos agriculteurs », il a fait pression sur nos partenaires européens pour maintenir la PAC jusqu’en 2013, au grand dam de Tony Blair et de Peter Mandelson, alors commissaire européen chargé des négociations. Ce refus a choqué et a eu, à terme, un effet désastreux. C’est à partir de là que les grands pays émergents se sont groupés pour ne plus risquer d’être pareillement bousculés à l’avenir, à la merci d’un seul pays riche, et ils ont fait savoir qu’ils refuseraient dorénavant toute concession, tant que les pays industrialisé n’auraient pas accepté de s’ouvrir à leurs produits agricoles. Notre refus s’est retourné contre nous et a abouti à l’échec des négociations pour libérer les échanges.

Selon l’OCDE le consommateur européen paie beaucoup trop cher ses aliments, et le protectionnisme équivaut à une taxe implicite de 25%.[2] Si l’on applique ce pourcentage à la seule consommation alimentaire des ménages à prix courants, telle que calculée par l’INSEE pour 2009, soit 349 milliards, on obtient plus de 87 milliards de surprix.[3] Si l’Europe ouvrait ses frontières aux produits agricoles, le coût de nos aliments diminuerait d’un quart !

LIBÉRER LE COMMERCE DES ALIMENTS

En empêchant la libération du commerce mondial, nous précipitons en fait le déclin de notre agriculture, que révèlent les derniers chiffres disponibles. Elle fut longtemps la première d’Europe. Nous avons encore aujourd’hui la plus grande surface agricole, et c’est un capital précieux dans un monde qui a besoin de plus en plus d’aliments. Un milliard d’hommes ont encore faim ; mais dans l’ensemble les niveaux de vie augmentent, particulièrement en Asie et en Afrique. En outre, comme chaque année naissent 130 millions de bouches à nourrir supplémentaires, il est naturel que le prix des aliments flambent. En 2010, le cours du sucre a doublé, celui du blé a  augmenté de 78%, et celui du maïs de 70%. Et cela continue.

Dans ces conditions, on pourrait espérer que nos agriculteurs et éleveurs voient leurs revenus augmenter. Or, malgré les récentes hausses de prix, les agriculteurs sont encore au dessous de leurs revenus de 2007. Plus de la moitié ont plus de 55 ans et, découragés, ils abandonnent la terre. La raison en est que ce n’est pas la production et la compétitivité que nous favorisons, mais la chasse aux subventions. Au cours des deux dernières années, 40 000 hectares de vignes ont été arrachés en échange de subventions. A ce rythme, d’exportateur net d’aliments, la France va devenir importateur. Il suffit de lire les dernières statistiques de l’Insee.[4] Si l’on ajoute à la rubrique agriculture, sylviculture et pêche, la rubrique industries agricoles et alimentaires, notre solde extérieur, qui était de 9,3 milliards d’euros en 2007, est tombé à 5,8 milliards en 2009, année pour laquelle, pour la première fois dans l’histoire, nous sommes dépassés par les exportations agro-alimentaires de l’Allemagne, pays dont la surface n’est pourtant que les deux tiers de la nôtre, et dont la part de l’agriculture dans le PIB est moins de la moitié de la nôtre.

Les Allemands ont donc exporté en 2009 pour 50 milliards de produits agricoles, contre 44 milliards pour nous, et cela n’a pas fait les titres des journaux ! En 1980, nous en exportions deux fois plus que l’Allemagne. Elle exporte même désormais plus de fromage que nous ! L’explication est simple : c’est de manière socialiste, étatique, protectionniste et corporatiste que nous appliquons la PAC, alors que, pour les Allemands, comme l’expliquait récemment Ilse Aigner, ministre fédérale de l’agriculture : « La régulation massive des marchés agricoles est une chose du passé. Ce qui est important maintenant, c’est de reconnaître très tôt les signaux du marché et d’y répondre. »

C’est exactement le contraire que nous faisons, quand, en juillet 2010, le parlement a voté une loi, dite de « modernisation agricole », qui a encore ajouté de nouvelles réglementations et obligations. Désormais un contrat écrit est exigé entre producteurs et « premiers acheteurs », avec clauses obligatoires et sanctions pénales (amendes allant jusqu’à soixante-quinze mille euros). Un contrat écrit fixant le prix. Encadrement de la pratique du prix après-vente ou différé de facturation pour les fruits et légumes frais. Obligation générale de détention d’un bon de commande accompagnant la marchandise et formalisant la commande. Obligation d’assurance des producteurs contre les aléas climatiques. Déjà écrasés sous la paperasserie, le petit producteur va devoir signer des dizaines de pages de clauses obligatoires avant de pouvoir vendre au grossiste ! Encore plus de réglementations, de papiers, plus d’inspecteurs dans nos campagnes pour dresser procès-verbal et mettre à l’amende des fermiers de moins en moins nombreux. Or, dans un récent sondage auprès de huit mille agriculteurs français, neuf sur dix répondent que ce ne sont ni les charges de travail, ni les incertitudes climatiques ou économiques qui les découragent ; mais la paperasserie imposée par la PAC, à laquelle ils consacrent un tiers de leur temps.[5]

AIDER DIRECTEMENT NOS AGRICULTEURS

Tandis que le nombre d’agriculteurs diminue, augmente celui des fonctionnaires qui gèrent un maquis réglementaire de plus de trois cents subventions, européennes, mais aussi hexagonales. Selon l’INSEE, la désertification de nos campagnes continue et nous avons chaque année de moins en moins d’exploitations : 2 300 000 en 1955, 1 million en 1988, et 466 000 en 2010. En réalité, si l’on appliquait des critères réalistes, par exemple un revenu moyen par actif correspondant au Smic, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) estime que l’on aurait moins de 250 000 exploitations professionnelles. [6]

Les raisons pour lesquelles les politiques dirigistes entraînent d’énormes gaspillages sont bien connues. Ce sont celles qui expliquent l’échec des Etats prétendant faire mieux que le marché, ce qui a conduit à la chute de l’Union soviétique et à la conversion de la Chine au capitalisme. Même à Cuba, Raoul Castro licencie les fonctionnaires ! Au lieu de laisser nos agriculteurs et éleveurs libres de produire en fonction de la demande, des milliers de fonctionnaires prétendent, comme jadis à Moscou, diriger de Paris la production et en assurer l’écoulement, soit à l’étranger, par un dumping coûteux pour nous et dommageables dans les pays pauvres, où il ruinent les paysans, soit tout simplement en détruisant les produits, comme on l’a fait pour le beurre et le lait.

En décembre 2009, la Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN) évaluait à 14 600 euros par an le revenu moyen annuel par actif agricole non salarié. Pour un ménage, cela  fait donc 29 200 par an, soit 2 433 par mois. Actuellement, la majorité des exploitations agricoles rapportent moins de 30 000 euros par an. Officiellement, les subventions au titre de la PAC ne sont que de 9 milliards par an. C’est le niveau le plus élevé de l’Union européenne : 50% de plus que l’Allemagne. Mais l’Etat finance en outre des centaines de subventions pour au moins 3 milliards. A cela s’ajoutent d’autres subventions venant des collectivités locales et même d’opérateurs privés, qui ne sont que des faux nez des pouvoirs publics et des syndicats agricoles. Ces aides et exemptions sont évaluées à plus de 6 milliards d’euros par an.[7] Il faut encore ajouter l’énorme déficit de la Mutualité sociale agricole. En 2009, il n’y a eu que 2,8 milliards de cotisations des non-salariés agricoles, pour 17,8 milliards de dépenses. Pourtant les pensions ne sont pas exagérées. En 2011 la pension moyenne n’est que de 350 euros par mois ! Beaucoup de conjoints d’agriculteurs ayant travaillé sans rémunération, et n’ayant donc pas cotisé, ne reçoivent aucune retraite. Au total notre politique agricole coûte chaque année aux contribuables plus de 33 milliards d’euros. Mais ce n’est pas tout. Il faut ajouter les surprix payés par les consommateurs du fait de la PAC, soit au moins 87 milliards. Le coût total de la PAC est donc en réalité d’au moins 120 milliards.

Puisque, à l’évidence, hausse artificielle des prix et protectionnisme ont échoué, il faut trouver autre chose. Le 20 août 2010, en réponse à Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation et de l’agriculture, j’avais proposé une solution très simple : aller jusqu’au bout de la logique de l’actuel Régime de paiement unique (RPU) et remplacer le maquis bureaucratique de 300 subventions – plus ou moins discrètement favorable à des intérêts particuliers — par une seule prime correspondant au revenu moyen agricole actuel, soit 1 200 euros par mois, versée à tout exploitant d’au moins 10 hectares, soit 2 400 pour un couple. Comme il en reste à peine 250 000, cela coûterait 7,2 milliards, au lieu des actuels 120 milliards. Cela satisferait neuf agriculteurs sur dix et augmenterait le niveau de vie de tous les Français qui verraient le prix de leur nourriture diminuer d’un quart. Cela plairait aux consommateurs, aux contribuables, aux défenseurs de l’environnement, et surtout aux agriculteurs et éleveurs, qui verraient d’un coup leur revenu garanti, et cela d’une manière égalitaire, alors qu’actuellement la moitié des subventions est concentrée sur moins de 10 % de bénéficiaires, dont les plus gros ne sont même pas paysans.

Libérés de la paperasserie, nos fermiers seraient payés, non pas à ne rien faire, mais comme gardiens de la nature, de nos terroirs et de nos paysages, avec toute liberté pour produire ce qu’ils veulent, sans autre contrainte que de résider sur place, leur présence limitant les incendies et préservant la biodiversité. Point ne serait besoin de régulations détaillées, mais de directives écologiques simples : débroussaillage, économie d’eau, limitation des engrais chimiques, des pesticides et de la pollution des nappes phréatiques.

Si demain l’Union Européenne pouvait annoncer la suppression de la PAC en 2013, les pays émergents y verraient une concession majeure, qui débloquerait le Cycle de Doha. Dans ce cas, estime Pascal Lamy, 300 milliards de dollars seraient injectés dans l’économie mondiale, et d’énormes marchés s’ouvriraient à l’Europe.[8] Une baisse générale des barrières tarifaires relancerait l’économie en favorisant les exportations. Cela serait un formidable accélérateur de croissance et augmenterait le niveau de vie de tous.

Mais il y a beaucoup d’autres manières de faire des économies. Je me borne ici à en proposer deux : cesser de demander au contribuable de financer la Télévision CGT, et laisser aux propriétaires la liberté de ravaler ou non leurs façades.

PRIVATISER L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Mitterrand avait libéré la radiodiffusion. Pourquoi un gouvernement de droite persiste-t-elle à tenir à bout de bras un énorme secteur télévisé, où 90% des journalistes sont de gauche ? J’ai payé cette année, outre ma taxe d’habitation, une redevance audiovisuelle de 122 euros. Tous les Français qui acquittent cette taxe aimeraient qu’elle soit supprimée. N’étant pas parmi les plus pauvres, ils sont majoritairement de droite. Au début de la présidence Sarkozy, on leur avait dit que France Télévision allait devoir choisir entre aides publique et publicité. Promesse non tenue. Ses journalistes, qui ne manquent aucune occasion de faire grève, veulent à la fois pub et redevance, le beurre et l’argent du beurre.

Chaque fois que je regarde les informations sur France 3, c’est CGT TV, et je peste contre la redevance qui m’est imposée. Je ne suis pas le seul. A quoi sert l’audiovisuel public, si ce n’est à fournir des privilèges à ses salariés aux frais du contribuable ? Il n’y a pas besoin d’attendre les élections. Privatisons immédiatement les chaînes publiques de radio et de télévision et supprimons la redevance. Et on verra bien comment se comporteront ces chaînes face à la concurrence et si elles correspondent à un besoin. L’auditeur et le téléspectateur jugeront. Certes, Christine Ockrent perdra son salaire de 40 000 euros par mois, mais la Reine Christine s’en remettra.

EN FINIR AVEC LE RAVALEMENT OBLIGATOIRE DES FACADES

Supprimons l’article L. 132-1 à 5 du code de la construction et de l’habitation qui oblige à ravaler les façades tous les dix ans, sous le prétexte de les tenir propres. Il s’agit là en fait d’une dépense obligatoire aussi inévitable qu’un impôt. Chaque m2 coût 100 euros. Comme il y a en moyenne 200 m2 par façade, cela fait 20 000 euros par immeuble tous les dix ans, que doivent payer les propriétaires et copropriétaires. Ce n’est pas rien !

En outre, cela a l’inconvénient de fragiliser les pierres et donc notre patrimoine. Cela cause des nuisances au voisinage. Ce sont surtout des étrangers qui acceptent ces travaux pénibles. On encourage ainsi l’immigration, souvent illégale. Les immeubles de Rome et de Milan sont plus sombres que les nôtres, ils n’en sont pas moins beaux, et surtout ils gardent une patine protectrice. Laissons donc l’esthétique de nos immeubles sous la responsabilité des propriétaires. Cela économisera des centaines de milliards et augmentera du même coup notre niveau de vie.

Claude Fouquet


[1]

[2] Politiques agricoles des pays de l’OCDE 2009, p. 49 et 242

[3] Insee – 2.304

[4] Insee, comptes nationaux/tableau 232

[5] www. Tlbagricole.com

[6] Société Civile, 106, octobre 2010, p. 16

[7]Id, p. 19

[8] www.wto.org

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