LA PRINCESSE DE MONTPENSIER de Bertrand Tavernier (2010)

Publié le 28 avril 2011 par Celine_diane


Montpensier et Clèves: les deux princesses de Madame de Lafayette brillent par leur modernité. Ce sont deux figures féminines qui oseront la passion, mourront toutes deux sous la puissance de ce monstre insatiable; la première pour y avoir violemment succombé, la seconde pour l’avoir irrépressiblement tu. Bertrand Tavernier, qui aime tant s’approprier les époques et les pays, fouille la psychologie de la première, cette pure Marie De Mézières. Elle, qui s’entiche de son ami le Duc de Guise, avant d’être contrainte d’épouser un inconnu, le Prince de Montpensier. Ici, il s’approprie les mots classiques, les maux romantiques. Il offre une voix- visuelle, filmique- à une œuvre qui fut cachée, étouffée sous les bienséances du XVIème siècle. Tavernier dépose chaleur et larmes sur la sécheresse du court récit, enrichit de dialogues superbes le laconisme initial. Cependant, demeure l’essentiel: une histoire d’amours aliénantes, entre déni et tiraillement.
A l’écran, Mélanie Thierry incarne la dualité de la Princesse, son tiraillement, entre l’ange et le démon, avec merveille, sorte de jeune Emmanuelle Béart (mêmes intonations, même charisme), sensuelle mais innocente, prêtant son angélisme apparent et sa force latente au personnage. Elle y canalise l’ardeur de son jeu, comme Marie tente de canaliser son je, et ses pulsions. Autour d’elle, un carré d’hommes forme sa prison. La Princesse de Montpensierest comme emprisonnée, de tous côtés, par ces figures masculines, cette figure géométrique parfaite qui excluait les vagues et le désordre de son tempérament. Le film est d’une modernité affolante, parce que Tavernier- tour à tour portraitiste, paysagiste, triste, réaliste- est resté sincère, aimant, tout aussi passionné que ses personnages. Et nul besoin pour lui de transposer l’histoire dans des réalités contemporaines, comme a pu le faire Christophe Honoré dans La Belle Personne, sorte de relecture lycéenne de La Princesse de Clèves. Au contraire. Sa plus belle réussite est d’avoir fait du neuf avec du vieux, et d’avoir su parler, avec crédibilité et sans artifice, le langage de l’universalité.