Rencontre : Boubacar Boris Diop

Par Irigoyen
Rencontre : Boubacar Boris Diop

 

Photo : Pierre Le Morvan

Mercredi 20 avril 2011, j'ai été invité par Jennifer Le Morvan – qui tient la librairie « Soif de lire », un des rares lieux où l'on prend le temps de discuter avec les clients mais aussi et surtout les auteurs – à animer une rencontre avec l'écrivain Boubacar Boris Diop, auteur de ce très grand livre « Murambi, le livre des ossements », aux éditions Zulma. Paru d'abord chez Stock, il traite de la tragédie rwandaise. Si, comme je l'ai fait moi-même avant d'entrer dans ce « roman », vous poussez un long soupir, c'est bon signe car, comme le dit Philippe Djian, tout est question de focale en littérature. Déplacez l'axe et vous voyez tout autrement. Et c'est bien ce qui se passe ici.

On croyait tout savoir – ou presque – de cette boucherie. L'auteur nous montre qu'il n'en est rien. En questionnant des survivants, il permet de revenir sur le « pendant » de la tragédie, pas seulement sur l'avant ou l'après, comme l'ont fait les médias. Nulle trace de voyeurisme pour autant. Boubacar Boris Diop n'est pas homme à céder à cette facilité lui qui dit avoir voulu écrire un ton en dessous par respect pour ceux qui ont été marqués à tout jamais dans leur chair par cette ignoble entreprise de mort.

Photo : Pierre Le Morvan

Boubacar Boris Diop n'est pas rwandais mais sénégalais. Ce qui ajoute à l'intérêt de ce livre. Celui-ci montre en effet que les Africains aussi se sont désintéressés de cette histoire concomitante à la Coupe du Monde de football en 1994. L'auteur égratigne aussi certains Français bien connus comme l'ancien président Mitterrand, ou encore Jean d'Ormesson. Pourtant, le propos n'est pas de condamner collectivement mais essayer de comprendre les mécanismes anciens qui ont déclenché l'horreur. Mais au cœur de cette démarche il y a la volonté de témoigner pour les témoins.

Photo : Pierre Le Morvan

J'espère que vous prendrez du plaisir à écouter cette discussion durant laquelle il n'y a aucun mot plus haut que l'autre.

Il y a des jours comme celui-là où l'on mesure sa chance de rencontrer des Hommes biens.

Boubacar Boris Diop est assurément l'un d'entre eux.