La Toscane maudite du prolétariat

Par Benard

Par Emmanuel Hecht (L'Express), publié le 28/04/2011 à 08:00

La vie à l'ombre des hauts-fourneaux est étouffante pour des adolescentes à la beauté insolente. AvecD'acier, Silvia Avallone signe un premier roman social de grande ampleur.

La Toscane est une villégiature trompeuse. Au prétexte que la bourgeoisie “radicale-chic” y prend ses quartiers d'été à l'ombre des cyprès et des campaniles, on l'imagine prospère. Mais il y a l'envers de la médaille : la Toscane ouvrière, absente des guides de voyage. Qui connaît Piombino et ses barres HLM, où les mairies communistes classent les appartements avec vue sur la mer au rang des conquêtes prolétariennes ? Pourtant, elle existe bien, la cité des métallos, à 4 kilomètres au nord de l'île d'Elbe et de ses “touristes à la peau satinée, en lunettes de soleil et Porsche Cayenne.”

Francesca la blonde et Anna la brune, “treize-ans-presque-quatorze”, filles de prolos à la sensualité à fleur de peau qui s'ennuient à mourir à l'ombre des hauts-fourneaux de Lucchini, le maître de forges local, auront-elles un jour la possibilité de cette île ? La question les taraude dès les premières pagesD'acier, superbe roman social et initiatique de Silvia Avallone, 27 ans, révélation des lettres italiennes (350 000 exemplaires). Et elle ne les quittera plus.

En 2001, année du retour au pouvoir de Berlusconi, l'existence à Piombino est sordide comme une comédie italienne. Les femmes ont “les jambes gonflées, les fesses ballottant sous la blouse”. Elles essuient les coups de maris “avachis, ruisselants de sueur”, matant à la télé des bimbos ou, à la jumelle, leurs propres filles. Dans ce monde d'hommes brutaux, incapables, menteurs, drogués pour les plus jeunes, dans cette société minée par le rêve consumériste et les reality-shows, les deux jeunes héroïnes, qui ont la plage pour royaume, incarnent un maigre espoir.


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