Reflets dans une Goutte d’Or

Publié le 02 mai 2011 par Lifeproof @CcilLifeproof

L’institut des cultures d’Islam, dans le 18ème, à Paris,  nous propose une nouvelle exposition du photographe anglais Martin Parr  (né en 1952). Ce dernier s’est intéressé au quartier de la Goutte d’Or,  une véritable mine du même métal pour tout professionnel de l’image. Aux yeux d’un anglais, le quartier paraît singulier. En effet, en Grande-Bretagne, les prières de rue, par exemple, n’ont pas cours, car l’administration autorise plus volontiers la construction des mosquées en ville.
On retrouve dans cette balade parisienne de Martin Parr certaines caractéristiques qui sont sa marque de fabrique: son goût prononcé pour les portraits et son sens de l’ironie.

Martin Parr lors du vernissage de l’exposition « The Goutte d’Or »


Observons par exemple ce cliché représentant une réception d’hôtel, vide de tout agent d’accueil. Une affichette indique que l’hôtel est complet. Mais cette réception n’est pas totalement désertée. Un berger allemand, dont la gueule grande ouverte surgit au dessus du comptoir, fait office de Cerbère. Cet aimable préposé canin semble nous dire : « L’hôtel est complet, on vous dit, vous ne savez pas lire ? ». Je fais mon mea culpa d’avance auprès des linguistes cynophiles si ma traduction est approximative, j’ai fait berger allemand seconde langue.

Une réception où il n’y a pas un chat


Les accessoires de l’audio-visuel, et donc le rapport au monde extérieur, sont omniprésents dans cette exposition. Les seuls objets qui entourent Mme Fatima Majdoubi, pensionnaire de la maison de retraite « L’oasis », sont sa radio et ses deux télécommandes. Chez Guichi, restaurant casher de la rue Myrha, les victuailles exposées dans la vitrine sont des œufs, un quart de citron, et, à nouveau, deux télécommandes. Aux « Délices du palais », une épicerie bien achalandée, on remarque au premier plan un grand écran qui diffuse, en live, des images de La Mecque. Enfin, chez Cheikh Faye, professeur de wolof, le meuble télé est plus grand que l’arbre de Noël.

Les amateurs de portraits apprécieront Jocelyn, propriétaire de la boutique de vêtements « Connivence ». Il a fière allure, tiré à quatre épingles dans son costume rayé noir et gris. Il semble participer à un concours d’élégance dont l’autre prétendant serait, sur un tirage différent, Mohammed Hamza, recteur de la mosquée Khalid Ibn El Walid.
Comme souvent chez Martin Parr, ce qui frappe dans ses portraits, ce sont les regards, parfois fuyants, parfois perçants. Dans « Une famille musulmane chez elle », la femme et les trois filles fixent l’objectif avec intensité, mais le père de famille détourne le regard, comme gêné par cette intrusion dans son intimité familiale.
Une des plus belles photographies montre la prière du vendredi, rue Polonceau. Une vague humaine, agenouillée, de dos, recouvre l’intégralité de la chaussée, mais le trottoir a soigneusement été laissé libre de tout passage. Le cliché donne une magnifique impression de fleuve humain, serpentant dans la ville, toujours dans la même direction, comme tout fleuve qui se respecte.
Une dernière mention à « United colours of the Goutte d’Or », un gros plan sur quatre bouilloires multicolores, symbole de la diversité d’un quartier où se mêlent les couleurs, les senteurs et les sons.
Martin Parr observe la Goutte d’Or avec son regard neuf, sans préjugé, ce qui donne toute sa valeur à l’exposition. Comme il le dit lui-même: ”Luckily, I don’t come with all the baggage about the problems and issues of this area. I can come and enjoy it” : « Heureusement, je ne viens pas surchargé d’informations sur les problèmes et les désaccords concernant ce quartier. Je peux venir et apprécier le lieu ».
Prenons ces derniers mots comme une invitation à venir apprécier l’exposition, jusqu’au 2 juillet, et le quartier, sans aucune date limite.

Eric, charcutier au Cochon d’Or


Institut des cultures d’Islam
19-23 rue Léon
Paris 18ème
Entrée libre
Ouvert du mercredi au dimanche de 15 h à 20 h et samedi de 10 h à 20 h
Jusqu’au 2 juillet 2011