Le projet ZAPA, chronique d’un scandale annoncé

Publié le 13 avril 2011 par 40millionsdautomobilistes

ZAPA. Cet acro­nyme est bien connu des lec­teurs de ce blog. Nous vous par­lions en effet il y a déjà quelques mois de ces fameuses « zones d’actions prio­ri­taires pour l’air ». A l’époque, les contours de ce pro­jet étaient flous et cer­tains de ses plus fer­vents par­ti­sans (on pense par exemple à Denis Beau­pin, sur­nommé le « khmer vert » de la mai­rie de Paris), jubi­laient déjà à l’idée de pou­voir éjec­ter les voi­tures des centres-villes. Ren­traient ainsi dans le viseur de ces croi­sés des temps modernes les vieux die­sels, les 4x4 les grosses cylin­drées, etc !  Heu­reu­se­ment, le gou­ver­ne­ment n’a pas cédé au chant des sirènes et le pro­jet est fina­le­ment ren­tré dans de plus justes pro­por­tions, tout du moins en appa­rence… En effet, tout n’est pas rose dans le monde de la ZAPA, et en regar­dant les pro­jets de textes de plus près, on peut y déni­cher un véri­table scan­dale passé tota­le­ment inaperçu aux yeux des médias. Explications :

Un pro­jet louable

Inno­va­tion de la loi Gre­nelle 2 du 12 juillet 2010, une ZAPA peut être ins­ti­tuée, à titre expé­ri­men­tal et pour une durée de trois ans, dans les com­munes ou grou­pe­ments de com­munes de plus de 100 000 habi­tants dans les­quels une mau­vaise qua­lité de l’air est avé­rée, notam­ment par des dépas­se­ments de normes régle­men­taires ou des risques de dépas­se­ments de ces normes. Le prin­cipe des ZAPA repose sur l’interdiction d’accès à ces zones aux véhi­cules les plus émet­teurs de par­ti­cules et d’oxydes d’azote. En France, huit agglo­mé­ra­tions se sont por­tées volon­taires : Paris, Saint-Denis, Lyon, Gre­noble, Clermont-Ferrand, Bor­deaux, Nice, Aix-en-Provence.

L’objectif recher­ché est de réduire la pol­lu­tion atmo­sphé­rique et ses effets néfastes pour la santé. Un autre para­mètre rentre égale­ment en compte : la pres­sion des ins­ti­tu­tions euro­péennes qui menacent Paris de lourdes sanc­tions finan­cières en cas de non-respect de la règle­men­ta­tion euro­péenne rela­tive à la concen­tra­tion dans l’air des polluants…

On ne peut bien sûr s’opposer au prin­cipe de vou­loir mieux res­pi­rer en ville. Mais est-ce une rai­son pour impo­ser ces ZAPA aux automobilistes ?

8 mil­lions de véhi­cules au mini­mum exclus des centres-villes

Si la créa­tion des ZPA est auto­ri­sée par la loi, c’est au pou­voir règle­men­taire, et plus spé­ci­fi­que­ment au ministre chargé du déve­lop­pe­ment durable, qu’il revient d’établir par arrêté la nomen­cla­ture des véhi­cules auto­ri­sés à accé­der à la zone (article L.228–3 du code de l’environnement). Et c’est là que les pro­blèmes commencent…

Quels seront les véhi­cules concernés ?

Si l’on prend le scé­na­rio le plus opti­miste, seront inter­dit de cir­cu­la­tion dans les ZAPA :

  • Les deux roues mis en cir­cu­la­tion avant le 1er juillet 2004
  • Les voi­tures par­ti­cu­lières mises en cir­cu­la­tion avant le 1er octobre 1997
  • Les véhi­cules uti­li­taires légers mis en cir­cu­la­tion avant le 1er octobre 1997
  • Les poids lourds, bus et auto­cars mis en cir­cu­la­tion avant le 1er octobre 2001

Au total, plus de 8 mil­lions de voi­tures par­ti­cu­lières seraient concer­nées, soit 26% du parc auto­mo­bile ! Mais le pire reste à venir ! En effet, le pro­jet d’arrêté actuel­le­ment sou­mis à la consul­ta­tion (cli­quer ici pour en prendre connais­sance), pré­voit 4 groupes de véhi­cules, clas­sés du plus pol­luant au moins pol­luant. Les col­lec­ti­vi­tés locales devront ensuite déci­der à quel groupe s’applique la ZAPA, et à quel type de véhi­cule. Or, le scé­na­rio décrit ci-dessus est le moins contrai­gnant et cor­res­pond au pre­mier groupe. En pra­tique, les col­lec­ti­vi­tés pour­raient donc déci­der, en toute léga­lité, d’aller beau­coup plus loin et, dans le pire des cas, pour­raient inter­dire de cir­cu­la­tion tous les voi­tures et uti­li­taires imma­tri­cu­lés avant le 1er jan­vier 2006, c’est-à-dire même aux voi­tures à la norme Euro 3 ! On croit rêver ! C’est poten­tiel­le­ment le droit de cir­cu­ler qui est pure­ment et sim­ple­ment remis en cause ! Même s’il est vrai qu’on ima­gine mal une col­lec­ti­vité locale prendre le risque de s’engager à l’heure actuelle dans cette voie, cette trop grande lati­tude accor­dée par les textes est dan­ge­reuse car avec le temps ou par le jeu des élec­tions, qui peut parier qu’une muni­ci­pa­lité un peu trop zélée ne sera pas ten­tée d’éradiquer tota­le­ment les voi­tures de son centre-ville ?

Clou du spec­tacle, les conduc­teurs en infrac­tion se ver­raient « gra­ti­fier » d’une amende a priori de 3ème classe, soit 65 euros ! Ce coup de mas­sue ne concer­ne­rait bien évidem­ment pas les véhi­cules de police, gen­dar­me­rie, SAMU, qui eux béné­fi­cie­ront d’une déro­ga­tion natio­nale… L’identification des véhi­cules auto­ri­sés se ferait au moyen d’une pas­tille ou bien à l’aide de sys­tèmes de contrôle auto­ma­tique tels que la vidéo­pro­tec­tion. L’avantage de ce der­nier sys­tème est que les auto­mo­bi­listes ne seraient pas dépay­sés puisqu’ils ont déjà l’occasion de le croi­ser sur auto­routes ou dès qu’ils fran­chissent un feu…

De lourdes consé­quences sociales

Les mesures ZAPA mettent en place une véri­table dis­cri­mi­na­tion par l’argent. De fait, qui sera péna­lisé dans cette affaire ? Les ménages les plus modestes. En effet, les anciens véhi­cules visés par le pro­jet d’arrêté minis­té­riel sont sou­vent la pro­priété de per­sonnes ou familles aux reve­nus modestes, qui n’ont pas les moyens finan­ciers d’acquérir un véhi­cule neuf. Et bien sûr, aucune mesure n’est envi­sa­gée pour les aider à se pro­cu­rer un véhi­cule moins pol­luant, neuf ou d’occasion.

Ce n’est pour­tant pas les solu­tions qui manquent : dès 2008, 40 mil­lions d’automobilistes avait pro­posé d’appliquer la prime à la casse à l’achat d’un véhi­cule d’occasion moins pol­luant de norme Euro 4, mis en cir­cu­la­tion dès 2005. Cette mesure aurait per­mis de renou­ve­ler en pro­fon­deur le parc auto­mo­bile fran­çais et dimi­nuer ainsi le volume d’émissions de par­ti­cules des voi­tures par­ti­cu­lières. Per­sonne n’aurait alors entendu par­ler de ces ZAPA et on aurait évité la polé­mique actuelle. L’association n’avait pas été écou­tée, mais il n’est pas trop tard pour le faire.

Au final, on s’aperçoit que sous le ver­nis sédui­sant de la ZAPA se cache une réa­lité bien dif­fé­rente. La ZAPA appa­rait ainsi pour ce qu’elle est vrai­ment : une mesure dis­cri­mi­nante qui va avoir pour consé­quence directe d’exclure toute une par­tie de la popu­la­tion des centres-villes. On peut égale­ment craindre qu’avec ce pro­jet, le gou­ver­ne­ment ait ouvert la boite de pan­dore. Tel qu’il est actuel­le­ment rédigé, le pro­jet d’arrêté fixant la nomen­cla­ture des véhi­cules dans les ZAPA laisse en effet la porte ouverte aux dérives écolo­giques les plus extrêmes. Est-ce la poli­tique de trans­port que nous souhaitons ?

Que pouvez-vous faire ? Le minis­tère de l’écologie a lancé un appel à contri­bu­tions sur l’arrêté minis­té­riel établis­sant la nomen­cla­ture des véhi­cules dans les ZAPA. Si comme nous vous sou­hai­tez dénon­cer la dan­ge­ro­sité de ce texte, vous pou­vez don­ner votre avis en adres­sant vos contri­bu­tions au minis­tère avant le 28 avril à l’adresse sui­vante : arrete.zapa@developpement-durable.gouv.fr