La Fête à Venise

Par Lafon

Retour de Colombie.
Un seul livre m'a accompagné: La Fête à Venise, Philippe Sollers
(Saviez-vous que son vrai nom est Philippe Joyaux ?)

Une première lecture rapide, dans les faubourgs de Bogota, respectant les heures d’étude et de sieste des enfants. Une seconde plus approfondie, sous la moiteur obscure d’un moustiquaire chevrotant sous la lampe-torche, au plus suffocant milieu de la forêt amazonienne. ‘Pristi ! J’en avais presque oublié les chinoiseries d’une lecture sous les draps.
« La défense de la complexité de pensée contre les simplifications abusives, les stéréotypes et les clichés générateurs d’exclusion et d’intolérance. »
Voilà le message de Sollers : récupérer ses sensations, réinvestir ses propres réflexions.
Illustration par la peinture : « La Fête à Venise » Watteau .
L’action se résume en neuf voire onze pages et son quart. Froissart-Sollers est à Venise pour s’occuper du bon déroulement de la livraison d’un tableau clandestin, La fête à Venise de Watteau, tableau magnifique…jamais montré en public, son existence seulement soupçonnée…personne n’en saura rien…oui, un jour peut-être…en 2036.
Dis Sollers, existe-t-elle réellement cette fête qui est de la même époque que les Fêtes vénitiennes ?
Une dizaine de pages, donc.
Le reste ?
Demandez à Luz, cette jeune américaine dont le sexe blond est prétexte à soulager le long monologue que nous débarde ici Sollers et sa pensée en turbulence.
Régulièrement, je me suis assoupi. Pensez un peu. Le tarif du bourreau à la Martinique en 1740, les synonymes du sexe féminin et des verbes pour leur action, les galaxies d’Urbain Le Verrier, et les autres très nombreuses pages que j’ai à présent oubliées. Sans compter celles perdues pour enfin accéder à cette Toilette intime !
Mais régulièrement aussi, un mot, une rencontre soudaine m’ont charmé : les Zaterre, Warhol, le vapo 52, Cavaillès, la Giudecca, Montesquiou, les murs roses de San Michele, Stendhal, les perroquets de Lousse et Flaubert. Watteau, bien sûr. Et finalement le merveilleux hommage de Luigi d’Hadria pour Luigi Mocenigo…Savez vous également que Mozart m’a initié à la phrénologie, Holbein le Jeune à l’anamorphisme ? De plus, je vous l’avoue ! Je me suis même épris d’une gitane à la poitrine sulfureuse.
Qui qu’elle soit.
Pepita Tudo ou la treizième duchesse d’Albe .
Merci, Sollers
Vous dites !?!
La mygale, compagne de deux nuits, m’aurait-elle envoutée ?
Que les derniers mots de cette fête vénitienne soient vôtres : « Clin d’œil au sarcophage du jardin… »
Fêtes vénitiennes, Watteau


Toilette intime, Watteau

Jean Cavaillès


La maja nue, Goya