La taxation de la résidence secondaire des étrangers

Publié le 10 mai 2011 par Lecriducontribuable

Une nouvelle mauvaise idée

Décidément, le gouvernement n’en finit plus avec les gaffes fiscales. Après l’imposition avortée des plus-values latentes, voici la taxe sur les résidences secondaires réservée aux étrangers.

Tout dans cette mesure relève de l’absurde ou du grotesque. Tout d’abord, le motif : Il s’agit de créer une nouvelle taxe nationale afin que les étrangers qui sont détenteurs d’une résidence secondaire en France et paient déjà pour les services publics locaux par le biais des impôts locaux, paient aussi pour les services publics nationaux. Une telle excuse relève de la plaisanterie car les malheureux paient déjà nombre d’impôts nationaux, aussi bien ceux sur la consommation que d’autres comme les droits d’enregistrement payés à l’acquisition de la résidence… En outre, on peut se demander quels services publics nationaux gratuits réclament les intéressés… Quoi qu’il en soit, la taxe sera nationale et aura donc un taux unique : 20 % de la même assiette que la taxe foncière, c’est-à-dire la moitié de la valeur cadastrale. Elle ne connaîtra donc pas les injustices des taux aléatoires propres aux impôts locaux.

Le champ d’application de la taxe est lui-même aberrant : seuls les propriétaires réellement étrangers de logements détenus pour leur usage privé seraient concernés. En bref, il s’agit de punir les riches oisifs qui ont le mauvais goût de choisir la France pour se reposer. L’étranger qui investit en France dans des logements locatifs ne serait ainsi pas concerné. Dès lors, ce n’est pas l’immeuble qui est taxé mais la paresse. Si votre immeuble vous rapporte, vous ne payez pas d’impôt. S’il ne vous rapporte pas, vous en payez. Encore un peu et l’on fera payer les pauvres pour leur faire passer l’envie de ne pas gagner d’argent… Quant à la notion de résident étranger, elle frôle le scabreux : seul le véritable étranger sera concerné. Le Français qui s’expatrie quelques années à l’étranger pour son métier ne sera pas taxé s’il conserve sa maison française pendant ce temps-là, bien qu’elle ne soit plus sa résidence principale. Encore heureux, me direz-vous. Certes, mais prévoir une telle exception démontre avant tout le ridicule de la taxe. D’ailleurs, que se passera-t-il si le possesseur du bien est une personne morale ? Une société a-t-elle le droit de détenir une résidence secondaire ?

Le gouvernement ne semble enfin pas avoir pris conscience que le marché français des résidences secondaires est, depuis belle lurette, soutenu à bout de bras par les investisseurs étrangers. Or, une taxe annuelle à 20 % risque de les inciter à aller voir quelle est la couleur du ciel au-delà de nos frontières. Car l’allégement de l’ISF ne compense rien pour nombre de résidents étrangers. En effet, si les résidences secondaires sont en principe leurs seuls biens soumis à l’ISF, les résidents étrangers s’arrangent en général pour acheter la maison à l’aide d’un emprunt leur permettant de déduire la dette correspondante de leur actif soumis à l’ISF. Dès lors, les résidents étrangers se retrouvent allégés d’un ISF qu’ils ne payaient pas et alourdis d’une nouvelle taxe à laquelle ils ne s’attendaient pas… Le risque est donc d’assister avec la nouvelle mesure à l’effondrement d’un marché français des résidences secondaires déjà fortement ébranlé par la crise financière. Il est vrai que la chute des prix qu’entraînera la fuite des étrangers permettra peut-être à certains Français de redevenir des candidats sérieux à la maison de campagne. Le gouvernement souhaiterait-il donc instaurer la préférence nationale en matière de résidences secondaires ? Du « Le Pen chic » en quelque sorte. Reste à savoir si la réglementation européenne acceptera que la France ferme ainsi ses frontières…

Olivier Bertaux

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