Wauquiez ou Lagarde, les nouveaux boulets politiques de Nicolas Sarkozy

Publié le 13 mai 2011 par Letombe

Laurent Wauquiez s'est fait redressé, recadré, resituer. On ne sait même comment qualifier la correction. Laurent Wauquiez a été politiquement fessé par François Fillon et une belle partie des ténors de l'UMP. Presque tous sont sortis contre le jeune autoproclamé ténor de la droite sociale qui voulait plafonner les niches sociales. Presque tous.... sauf Nicolas Sarkozy. A l'Elysée, on temporise. Le Monarque se rend en terre agricole ce mardi.
Elle voulait rassurer les investisseurs, mais c'est elle qui est finalement menacée. Christine Lagarde, la ministre exemplaire, est menacée d'une belle enquête de la Cour de Justice de la République. En cause, les 285 millions d'euros d' « arbitrages » accordés à Bernard Tapie dans son conflit contre le Crédit Lyonnais. Christine Lagarde avait donné consigne aux représentants de l'Etat de voter en faveur de cette solution.
Wauquiez recadré
François Fillon a recadré Laurent Wauquiez : « nous ne devons pas jeter le discrédit sur la réforme du RSA » a-il expliqué devant des députés UMP ce mardi 10 mai. Le jeune ministre des Affaires Etrangères n'avait pas prévenu son premier ministre de sa sortie, dimanche, sur le Revenu de Solidarité Active. L'homme qui veut incarner la « droite sociale » au sein de l'UMP a vraiment mal joué, à moins qu'il n'ait agi sur ordre élyséen. Il s'est même mis à dos le centriste Marc-Philippe Daubresse, pourtant porte-parole de l'UMP, qui a qualifié ces propositions dominicales d'« irresponsables».
Le RSA est la seule mesure « sociale » qui reste au maigre crédit de Nicolas Sarkozy, malgré son fichage social-économique inédit. Et pour être sûr d'être bien compris, même à l'Elysée, Fillon enfonça le clou : « Je ne suis pas sûr qu'il faille faire subir à toutes les réformes le sort que l'on a fait subir au bouclier fiscal »
A y réfléchir, on a compris pourquoi Wauquiez ne supportait pas le RSA. La mesure promue par Martin Hirsch, son ancien collègue aux Solidarités actives quand lui s'occupait d'un secrétariat à l'emploi, allait précipiter un million d'anciens RMistes dans les statistiques du chômage. En pleine crise, cette vérité statistique était trop importante pour le secrétaire d'Etat à l'Emploi.
La rancune, chez Wauquiez comme chez d'autres, est tenace. Quand ce million de sans-emplois, parmi le 1,8 million de bénéficiaires du RSA , durent s'inscrire à Pôle emploi, les voilà qu'ils grossirent les statistiques du chômage de Sarkofrance. Misère ! La proposition de Laurent Wauquiez est donc apparue, avec 48 heures de retard, comme ce qu'elle est : une tardive petite vengeance personnelle.
Lagarde menacée
Le ministre de l'économie a franchi tous les records de longévité ministérielle à son poste. A l'occasion de l'anniversaire du 10 mai 1981, elle a même avoué avoir voté Mitterrand ce jours-là et s'est réjoui des lois Auroux de l'été 1981 qui, notamment, instaurèrent la réduction du temps de travail à 39 heures. Honnêtement, ces « révélations » de la part d'une avocate d'affaires devenue avocate des mauvaises affaires économiques du gouvernement Sarkozy depuis plus de 4 ans ont peu d'importance.
Christine Lagarde est, plus que jamais, une exécutante du Monarque en place. Et la voici menacée dans l'affaire Tapie. Jean-Louis Nadal, le procureur général près la Cour de cassation, suite à une saisine par des députés socialistes, a demandé à la Cour de Justice de la République, ce 10 mai, l'ouverture d'une enquête sur des « faits d'abus d'autorité susceptibles d'avoir été commis par Madame Christine Lagarde en sa qualité de ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, depuis le 16 juin 2007 et dans l'exercice de ses fonctions, faits prévus et réprimés par les articles 432-1 et 432-2 du Code pénal.» Rien que ça ! Christine Lagarde est au coeur de la décision arbitrale imposée par le gouvernement français, aux détriments du cours normal de la justice, qui accorda 285 millions d'euros de fonds publics à Bernard Tapie en 2008, mettant un terme à l'affaire Adidas. Le quotidien Le Monde a publié la lettre adressé par Nadal à Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée.
Dans le Figaro de ce mercredi 11 mai, elle estime que « l'on essaie de (la) salir.»

« Il n'y a, à ma connaissance, aucun élément nouveau apporté au fond du dossier. Ma réaction est donc la même que lorsque j'ai découvert dans la presse la lettre adressée au procureur général près la Cour de cassation : sérénité sur le fond mais indignation sur le procédé." "Tout cela c'est l'héritage des petits arrangements de l'époque Mitterrand, où ceux qui donnent aujourd'hui des leçons de vertu étaient aux commandes.
Pour ma part, j’ai toujours agi avec rigueur et transparence, dans un seul sens : celui de l’intérêt général. La commission des requêtes va maintenant examiner collégialement toutes les pièces du dossier pour décider s’il y a lieu ou non d’ouvrir une enquête, à la lumière du droit et des faits. Nous verrons mais, je le répète, je suis sereine comme je l’ai toujours été sur ce dossier. »

Vraiment ? On peut reconnaître à Christine Lagarde la présomption d'innocence suivante : dans cette nouvelle affaire Tapie, la ministre de l'économie n'était sans doute qu'une exécutante. Il suffirait donc qu'elle lâche pourquoi et pour qui elle a ainsi enjoint les administrateurs de l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), qui chapeaute le CDR, d'accepter la « proposition » des liquidateurs du groupe Bernard Tapie de soumettre le litige à un tribunal arbitral alors que les avocats du CDR et de l'EPFR étaient optimistes. Et quand les 3 arbitres, dont l'un a été vice-président du parti de Bernard Tapie, et un autre a déjà joué l'arbitre dans une procédure liée à l'affaire Elf, condamne l'Etat français, Christine Lagarde, encore elle, décide de ne pas faire appel malgré une condamnation de plusieurs centaines de millions d'euros !
Le 4 avril dernier, nous nous demandions pourquoi Christine Lagarde risquait la mise en examen dans cette affaire. Cette dernière suit son cours.
« Moi aussi, j'ai été livré aux chiens ». Eric Woerth, ancien ministre du budget, s'est confié, le même jour, comme par solidarité avec Christine Lagarde. Woerth a été jeté du gouvernement et abandonné sur le bord de la route sarkozyenne comme un objet encombrant. 
Sarkozy absent
Nicolas Sarkozy aurait pu se porter secours à l'un ou l'autre de ces deux ministres. Après tout, l'intervention de Laurent Wauquiez a été pilotée ou, à défaut, soutenue par l'état-major de campagne. On devine en effet l'influence d'un Patrick Buisson qui expliquait, il y a encore quelques semaines, qu'il fallait penser à réserver les minima sociaux aux seuls Français.
Laurent Wauquiez, en proposant de plafonner les aides aux précaires et d'exiger 5 ans de cotisations et d'impôts aux travailleurs étrangers avant qu'ils ne puissent bénéficier de la Sécu, ne faisait qu'obéir.
Nicolas Sarkozy, ce mardi, n'eut aucun message de soutien non plus pour Christine Lagarde. Cette dernière était pourtant au front, pour « rassurer » les investisseurs et autres spéculateurs des marchés financiers, sur la solidité de la dette grecque.
Nicolas Sarkozy préparait son déplacement de jeudi. Il se rend à Arras. Pour des raisons de sécurité électorale, le Monarque ne confirme jamais avant la veille ces destinations de déplacement. Il aime répéter qu'il rencontre la France mais il voyage planquer. Dans le Ternons, Il visitera dans la matinée Héricourt, et la ferme de Mickaël Poillon, ce jeune agriculteur qui lui avait tenu tête lors de sa dernière émission « Face aux Français » le 11 février dernier. « je me suis senti méprisé » avait-il ensuite expliqué. Puis, il avait accepté une rencontre à l'Elysée et, maintenant, cette visite présidentielle dans son exploitation. Sur son blog, lundi dernier, l'agriculteur expliquait qu'il avait dû « ranger quelque peu la ferme » car, dixit, « on ne prend pas souvent le temps de le faire et pourtant on n'est jamais à l'abri d'une visite impromptue ! »
Le candidat Sarkozy fait lui-même et sur le terrain le service après-vente de ses shows télévisés. Il y a quelques jours, Rachida Dati expliquait, sur la Chaîne Parlementaire, qu'il serait temps que Nicolas Sarkozy « renoue avec les Français » et fasse « de vraies visites de terrain ». Après plus de 150 déplacements encadrés et mis en scène, Nicolas Sarkozy appréciera... « Sans doute se fera-t-il engueuler... mais ça, c'est la politique.» ajoutait-elle.
Mardi 10 mai, Sarkozy continuait sa tournée électorale. L'homme qui préférait fustigeait la repentance systématique pendant sa campagne de 2007 plutôt que commémorer l'abolition de l'esclavage est désormais le héraut du devoir du mémoire. Il a décidément bien changé. Ce mardi 10 mai 2011, il célébrait la 10ème journée nationale de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions et lançait un « vibrant » appel à la vigilance contre le racisme... Pendant les 21 minutes de son discours, il n'avait les yeux qui rivés à son texte.  L'affaire était préparée.

Sarkofrance