Jean-Paul II : N’ayez pas peur …de pardonner !

Publié le 13 mai 2011 par Sylvainrakotoarison

Il y a trente ans, Jean-Paul II tombait sous les balles d’un terroriste turc. La piste du complot bulgare n’a jamais été élucidée, mais le pape s’en est toujours moqué. L’important était ailleurs… Un rappel historique qui aurait été utile dans le "traitement" du terroriste Oussama Ben Laden.
Né le 18 mai 1920, ordonné prêtre le 1er novembre 1946, nommé jeune évêque de Cracovie le 28 septembre 1958 (38 ans), cardinal le 28 juin 1967 (47 ans), Karol Wojtyla a connu le double totalitarisme nazi et communiste. Il fut élu pape le 16 octobre 1978 à 58 ans sous le nom de Jean-Paul II, pour reprendre à son compte (comme son bref prédécesseur Jean-Paul Ier) l’héritage de Jean XXIII et de Paul VI ; un pape dynamique, jeune et sportif n’hésitant pas à courir le monde (104 voyages dans 129 pays et 614 villes). Exerçant l’un des pontificats les plus longs de l’histoire du christianisme (plus de vingt-six ans), Jean-Paul II a lutté contre la maladie et les souffrances jusqu’à sa mort le 2 avril 2005. Béatifié le 1er mai 2011 par son successeur Benoît XVI, Jean-Paul II restera le symbole d’un pape résistant à la dictature communiste et apôtre d’une idée très progressiste : l’amour du prochain.

La béatification (toujours pour un miracle) est une cérémonie qui peut être discutée. Il est étrange que certains qui se prétendent non catholiques se sentent impliqués dans un fait purement interne à une religion au point de le contester avec véhémence, alors que ceux qui ont la foi peuvent imaginer qu’il n’est pas besoin de désigner des bienheureux ni des saints pour saisir l’exemple de certains hommes (ou femmes). Le modèle de Jean-Paul II est parlant de lui-même, puisqu’il a incarné dans ses tripes l’un des mots les plus puissants du christianisme : le pardon.

L’attentat sur la place Saint-Pierre

Au cours de l’audience papale du mercredi 13 mai 1981 à treize heures treize, place Saint-Pierre de Rome, un homme dans la foule tire sur Jean-Paul II. Ce dernier s’écroule et va être transporté à la Polyclinique Gemelli (le gyrophare est en panne). Après une opération de cinq heures et vingt minutes, le pape est sauvé. Une balle a frôlé l’aorte papale. Il quitte l’hôpital le 3 juin 1981 puis est de nouveau hospitalisé d’une très grave infection consécutive à son opération en fin juin et en août.

En s’effondrant dans les bras de son secrétaire particulier, le père Stanislas Dziwisz, Jean-Paul II s’interroge : « Pourquoi ont-ils fait cela ? ». "Ils", c’est d’abord un homme, Mehmet Ali Agça, un militant turc, islamiste fanatique, de 23 ans qui avait assassiné un journaliste de centre gauche (Abdi Ipekçi) le 1er février 1979 pour avoir compris ses intentions papicides et qui s’était évadé de sa prison turque. Agça est condamné à la prison à perpétuité le 22 juillet 1981. Une piste bulgare est suivie par les enquêteurs mais aucun fait n’a pu être prouvé sur l’implication du KGB.

Pardonner

Jean-Paul II déclara à l’hôpital dès le 17 mai 1981 : « Je prie pour le frère qui a tiré sur moi ; je lui ai sincèrement pardonné. ». Symbole immense du pardon, il a rendu visite le 27 décembre 1983 à Agça à la prison Rebibbia de Rome : « Ce dont nous avons parlé restera un secret entre lui et moi. Je lui ai parlé comme à un frère à qui j’ai pardonné et qui jouit de toute ma confiance. ». Les mots sont forts et représentent typiquement Jean-Paul II. Savoir pardonner, même à son éventuel assassin. Même avec une certaine amertume, selon le témoignage de Mieczyslaw Mokrzycki à qui Jean-Paul II aurait glissé : « Ni repentir, ni regret, il n’a pas prononcé le mot pardon. ».

Un peu déséquilibré, Agça avait expliqué son geste (après plusieurs autres versions) : « Pour moi, le pape était l’incarnation du capitalisme dans son ensemble. », alors qu’au contraire, tout au long de son pontificat, Jean-Paul II avait mis en garde contre les méfaits du capitalisme sauvage et le règne de l’argent-roi. Agça a quitté la prison le 18 janvier 2010 (après son transfert le 14 juin 2000 dans une prison turque) après vingt-huit ans de réclusion et s’est converti au catholicisme.

Cet attentat a eu lieu dans un contexte international très tendu dans l’affrontement entre l’Est (de Leonid Brejnev) et l’Ouest (de Ronald Reagan lui-même victime d’un attentat le 30 mars 1981) et trois jours après la victoire de l’alliance socialo-communiste de François Mitterrand en France.

Chirac aussi !

Jean-Paul II n’est pas le seul à avoir pardonné à une personne qui cherchait à le tuer. Le Président Jacques Chirac a également eu ce geste très digne du pardon. Le 14 juillet 2002, un jeune militant d’extrême droite de 25 ans, Maxime Brunerie, a tiré en direction de Jacques Chirac. Personne n’a été touché et l’auteur de l’attentat a été vite arrêté. Condamné le 10 décembre 2004 à dix ans de prison, Maxime Brunerie est sorti de prison le 3 août 2009 et s’est inséré dans la vie professionnelle après cet accident de parcours qu’il regrette au point d’en publier un récit ("Une vie ordinaire : je voulais tuer Jacques Chirac", éd. Denoël, paru le 6 mai 2011) juste avant la sortie le 26 mai 2011 du second tome des "Mémoires" de Jacques Chirac sur la même période. Contre l’avis de son épouse, angoissée par les perspectives d’attentat et inquiète qu’une telle démarche apparût comme une faiblesse voire un encouragement aux assassins potentiels, Jacques Chirac avait reçu en toute discrétion la mère de Brunerie le 21 mai 2005.

Pardonner à celui qui regrette est sans doute plus facile qu’à celui qui est fier de ses actes. De Gaulle n’a jamais pardonné à Jean Bastien-Thiry pour cette raison et l’a laissé se faire fusiller le 11 mars 1963 pour avoir commandité l’attentat du Petit Clamart du 22 août 1962.

Et Ben Laden ?

Peut-on toujours pardonner ? C’est en cela qu’il y a eu indécence lors de l’exécution d’Oussama Ben Laden. Inutile de dire que quasiment personne ne le regrettera, pas même les musulmans qui ont vu en lui un véritable pervertisseur de religion, mais peut-on accepter une foule en liesse à l’annonce de la mort d’un homme, quel qu’il soit ?

Mgr Anthony Rufin, archevêque d’Islamabad, au Pakistan, avait remis le 2 mai 2011 quelques idées au clair : « Dans l’esprit d’un chrétien, la mort d’un homme ne produit jamais la joie, même s’il s’agit d’un ennemi. À l’occasion de la mort de Ben Laden, je voudrais rappeler le commandement suprême du message chrétien : aimez vos ennemis ! ».

Sur la forme, l’absence de jugement pourrait déconcerter, mais sur le fond, les États-Unis de Barack Obama pouvait difficilement se permettre un procès qui aurait été une tribune supplémentaire en faveur des terroristes islamistes et qui aurait mis en péril la vie de tout citoyen américain présent à l’étranger par des prises d’otages qui auraient réclamé la libération de Ben Laden. Une opération qui est stupidement remise en cause par quelques nostalgiques des complots alors qu’elle est confirmée à la fois par Al-Quaida et par les proches de Ben Laden.

Contre la peine de mort

J’étais opposé à l’exécution du sinistre Ali le Chimique le 25 janvier 2010, tout comme de son patron Saddam Hussein le 30 décembre 2006, parce que je suis contre le principe de la peine de mort.

La disparition de Ben Laden ne se pose cependant pas dans le cadre judiciaire mais dans un cadre guerrier : un état de guerre contre une organisation terroriste mondiale (en voilà une favorable à la mondialisation).

Ben Laden n’a jamais représenté l’islam qui, pour des centaines de millions de musulmans, est une religion qui se veut pacifique. La preuve, c’est le soulagement plus que la colère dans les pays arabes qui préfèrent faire une révolution démocratique et populaire à instaurer une dictature islamiste.

La paix ne s’obtient qu’après le pardon

Le christianisme est, lui aussi, pacifique et toute personne qui a tué en son nom avait forcément méconnu le principe premier : "Aime ton prochain comme toi-même" même si la phrase à l’impératif doit être comprise avant tout comme un encouragement et pas un ordre (on n’aime jamais sur commande). Et son message le plus fort est sans doute de savoir pardonner.

Pardonner, c’est refuser l’escalade de la violence, la surenchère des provocations, la victoire des extrémistes de tout bord. C’est sûr que pardonner est un drôle de programme politique, mais il éviterait bien des morts prochains dans les conflits actuels et à venir. Un tel objectif de réconciliation a été atteint en Afrique du Sud. Pourquoi pas ailleurs ?

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (13 mai 2011)
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Pour aller plus loin :
Benoît XVI.
On ne se réjouit jamais de la mort d’un homme.