LES JOLIS GARCONS, de Delphine de VIGAN

Par Geybuss

Roman - Editions Livre de Poche (Lattès) - 150 pages - 5.50 €

Parution Janvier 2005 et 2010 pour la version poche

L'histoire : Emma approche la trentaine. Trois hommes ont marqué sa jeune vie. Emma raconte ces trois relations où elle croit aimer des hommes qui ne se demandent même pas s'ils l'aiment vraiment... Ils sont avocats, écrivains, animateurs télé. Tous célèbres.... différemment.

Trois histoires où une jeune femme est prête à tout pour l'amour, même pour une illusion d'amour qui vaut mieux que rien mais qui peut mener loin, jusqu'à la folie.

Tentation : Mes 2 précédentes lectures de l'auteur

Fournisseur : Ma PAL !

Mon humble avis :Deux fées se sont penchées sur ce livre. La première, c'est Delphine. Son don, c'est l'observation, la compréhension et l'empathie pour ces gens dépassés par l'extérieur ou par eux même. La deuxième, c'est de Vigan. Sa baguette magique est en fait une plume qui n'a pas son pareil pour trouver les mots justes. Son écriture est un fluide   très conducteur qui mène toujours à une belle rencontre du lecteur avec un personnage principal et souvent, avec une partie de lui même, même si c'est la plus obscure.

Bref, la magie de cette auteure a encore fonctionné à merveille sur moi

Le ton de ce roman est moins dramatique que celui des "heures souterraines" car la narration est à la première personne. C'est Emma qui raconte, Emma la fantasque, qui n'est pas dénuée d'humour, de cynisme et de sarcasme. Elle finit même par avoir une certaine lucidité sur la situation. Mais ne nous leurrons pas, le fond de ce livre est tout aussi tragique. C'est la solitude, la désertion de l'amour, le manque d'amour dans le coeur d'une femme que Delphine de Vigan met brillamment en scène ici. Le ressenti et les conséquences du vide affectif sont si bien décrits que forcément, cela remue. Vous vivez seule, vous vous sentirez compris. Vous vivez en couple, vous comprendrez enfin ce que votre soeur, votre fille, votre voisine, votre meilleure amie ou n'importe quelle anonyme crie en silence. Cette souffrance quotidienne qui mène à tout, à se déprécier, à se donner, à se brader, à s'oublier juste pour quelques grammes d'amour, juste pour une illusion d'amour.

Le premier récit est celui qui m'a le plus bluffée. On devine vite qu'Emma est en HP et s'adresse à son psy. On se demande où l'auteur veut en venir et au final, wouah, on n'a rien vu venir et pourtant, à bien y penser, il y avait bien quelques indices !

La deuxième histoire, celle où Emma aime un auteur célèbre m'a moins touchée même si elle démontre parfaitement l'abandon de soi quelque part.

Enfin, la 3ème relation, avec un animateur de télé, est assez drôle. Quelque part, notre chère Emma mène la danse, même si elle est dépassée par le rythme. Elle s'amuse et elle égratigne pour notre plus grand plaisir un certain milieu dominé par quelques égos surdimensionnés... On devine très bien de qui il pourrait être question et on jubile de cette description. Et puis Emma ouvre les yeux...

Bon, j'arrête là ce billet avec lequel je me débats depuis deux heures. Une chose est sûre, je ne serai jamais Delphine de Vigan mais toujours une de ces lectrices acquises je pense.

Des extraits qui m'ont beaucoup parlé et qui parleront du livre beaucoup mieux que moi :

" je suis toujours passée à côté des hommes. Je les ai aimés trop tôt, trop vite ou trop tard.... les hommes m'ont quittée parce que j'en demandais trop ou pas assez. Parce que je ne savais pas dissimuler le trouble ni la fragilité, ou parce qu'au contraire, je me tenais trop loin d'eux. Les hommes m'ont quittée parce que j'avais peur de les perdre ou parce que je m'en foutais. Les hommes ne m'ont jamais laissé le temps".

"L'alcool me rend bavarde, alors je parle en vrac et sans discernement (à jeun, c'est pareil, je n'ai jamais su trouver le bon registre)... Je parle parce que Ethan se tait, parce que son silence me fait peur".

"Non je ne joue pas. Je suis dans l'instant, dans l'inconscience de l'instant... incapable d'imaginer l'épaisseur du vide ni l'intensité du manque. Je n'ai jamais su me protéger, ça doit être une case qui me manque, dans l'hémisphère Nord du cerveau, ou un problème de connexion, il faut que je m'en occupe. En attendant, j'avance à découvert et je sais sourire en toutes circonstances."

"Combien de fois faut il rejouer la fable, pour être capable de s'en défaire ? Sommes nous condamnés à ça, à reproduire inlassablement la même illusion, le même désenchantement ?"

"Alors il m'a semblé que Milan comme les autres n'était qu'un leurre, et que ces choses n'arrivent que parce qu'on en a tellement envie ou besoin, qu'elles n'ont d'évidence ou de nécessité que celle qu'ont veut bien leur accorder, et finalement ne résistent jamais à l'épreuve des heures, et que vient toujours le moment où il faut prendre conscience de l'immense imposture qu'est la rencontre de l'Autre.

L'avis de Clara