La Furie des Glandeurs, des bulles pleines de subtilités et d’humour

Publié le 18 mai 2011 par Libalel
La Furie des Glandeurs est un fanzine de bandes dessinées créé en avril 2011 par Zeina Bassil et Wissam Eid, tous deux illustrateurs. Né du constat qu’il n’existe pas d’éditeur de bande dessinée au Liban, le fanzine se définit comme « une plateforme pour tous les illustrateurs libanais talentueux ». Tous les deux mois, les lecteurs auront l’occasion de découvrir les travaux d’illustrateurs professionnels et amateurs sur un thème précis. Pour la première édition du fanzine, six illustrateurs proposent douze planches en français, anglais et arabe autour du thème « Beyrouth Bobo ». Des bulles pleines de subtilités et d’humour au ton parfois très mordant  !
Pour commencer, pouvez-vous m’en dire plus sur vos parcours respectifs, votre rencontre et la genèse du projet ?
Nous sommes deux étudiants en illustration et Bande Dessinée à l’Académie Libanaise des Beaux Arts (ALBA). Nous aimions travailler ensemble et nous étions sur la même longueur d’onde. Zeina, fan de Charlie Hebdo, m’a proposé un jour de collaborer sur le projet de fanzine. Les fanzines et quotidiens de critiques sociales en bandes dessinées manquent au Liban. D’où le besoin de remplir ce vide, surtout que les sujets sociaux ne manquent pas. Avec l’aide d’une équipe et de conseillers dont Raed Charaf, Gregory Buchakjian, Rania Naufal, Jad Jureidini, La Furie a vu le jour le 8 Avril 2011 à Papercup store.
Pourquoi avez-vous souhaité mettre en place un comité autour du projet ?
Légalement, pour enregistrer La Furie, nous avions besoin d’un comité. Nous avions prévu de le faire pour se protéger légalement du plagiat et de la censure. Comme nous nous sommes déjà entourés de personnes qui nous ont beaucoup aidé officieusement pour le premier numéro, nous avons donc décidé d’officialiser la chose pour pouvoir grandir et évoluer grâce à leurs conseils et leurs avis.
Raed, son pote et sa mitraillette visitent les bars bobos de Hamra
Comment expliquez-vous ce vide en ce qui concerne l’édition de Bande Bessinée au Liban ?
La bande dessinée n’est pas un art courant au Liban et au Proche-Orient. Les gens ne lisent pas vraiment de BD et considèrent le dessin comme enfantin. Les éditeurs ne prennent pas le risque de publier des livres BD qui ne seront probablement pas rentables. Les stars de la BD libanaise comme Zeina Abi Rached et Mazen Kerbaj ont été découverts par des éditeurs français.
Avez-vous l’intention de vous ouvrir au reste du Proche-Orient tant dans le contenu que pour la distribution du fanzine ?
Le fanzine a pour vocation de s’adresser à un public libanais. Les thèmes et sujets abordés tournent autour de la société libanaise. Il est difficile de dire si cela susciterait un intérêt dans le reste du Proche-Orient. Mais nous n’excluons pas l’idée, peut être qu’un jour nous le ferons.
Wissam entasse les expressions, les icônes, les clichés bobo dans son Shawarma géant.
Une bouchée de bobo?
En ce qui concerne le contenu du fanzine, vous ne souhaitez pas aborder la politique et la religion. Pour quelles raisons avez-vous pris cette décision?
Ces deux sujets sont très sensibles au Liban. Comme le Liban est un pays où règne le multiconfessionnalisme et où la politique est instable, il est difficile d’aborder le sujet sans recul. De plus, nous souhaitons éviter que La Furie prenne parti ou qu’elle soit étiquetée politiquement ou religieusement. Peut-être plus tard quand elle aura plus de notoriété, nous pourrons aborder ces sujets avec subtilité et intelligence.
Pouvez-vous m’expliquer le choix du multilinguisme du fanzine ?
La langue est un autre obstacle pour une publication au Liban. Nous sommes plurilingues et certains sont plus à l’aise en français, d’autres en anglais et certains parfois en espagnol ou en allemand. Il est difficile de demander à un bédéiste qui réfléchit en français de s’exprimer en arabe ou en anglais et inversement. L’humour et les insinuations sont difficilement traduisibles. Notre cible maîtrise en général l’arabe, le français et l’anglais, d’où le choix d’adopter le multilinguisme a la Furie.
Wassim n’a pas froid aux yeux et enquête sur les bobos à travers Marcel Duracel

Le premier thème choisi a été Beyrouth Bobo. Pour quelles raisons avez-vous choisi ce thème pour le premier numéro ?
Pour commencer, nous avions envi d’aborder un sujet amusant. Les bobos feront partie des lecteurs de La Furie et nous vivons nous-mêmes parmi ce type de personnes. C’est un phénomène intéressant qui prend de plus en plus d’ampleur à Beyrouth notamment avec la mode du slow fooding. Cela nous paraissait être un sujet original et inattendu qui n’a pas été vraiment traité au Liban. Nous avons alors proposé  le sujet aux différents illustrateurs sans leur imposer de restrictions particulières. Nous voulions juste qu’ils nous offrent leurs visions personnelles sur ce que représentent les bobos. Et comme nous avions l’intention de lancer le premier numéro à Papercup store (où Zeina travaille depuis plus d’un an), qui se trouve justement dans le quartier Bobo de Mar Mikhael, nous avons estimé que le tout semblait assez logique.
En fait, pour le choix de nos thèmes, nous faisons un brainstorming avec l’équipe sur le thème à aborder. Les illustrateurs sont un petit cercle au Liban et comme nous les connaissons presque tous, nous contactons ceux dont le travail et le style nous semblent coller avec le thème.
Comment souhaitez-vous faire évoluer le projet ?
Le comité permanent que l’on a mis en place pour La Furie est constitué de personnalités reconnues de la société libanaise qui nous aideront à évoluer, élargir nos horizons et accroître la notoriété de La Furie. Pour l’instant, nous nous attachons à constamment améliorer le contenu du fanzine, sa subtilité tout en faisant en sorte d’augmenter le nombre de pages offertes aux lecteurs. Par la suite, l’objectif est bien sûr d’élargir le réseau de distribution.
La Furie des Glandeurs est disponible à Papercup store, El Bourj et au Beirut Art Center.
A lire en bas de page:  Édito  »Beyrouth Bobo » de Alexandre Medawar.
Bienvenue chez les bobos! Où ils vivent et comment? Découvrez l’écosystème de nos amis


Contributeurs au numéro 1___________________________________________
Bahij Jaroudi
Couverture de La Furie de Glandeurs_ Issue 1
http://bahijj.blogspot.com/
Alexandre Medawar
Edito ( à lire en bas de page)
Raed Charaf
Raed, son pote et sa mitraillette visitent les bars bobos de Hamra
http://raedcharaf.wordpress.com/
Wassim Mouawad
Wassim n’a pas froid aux yeux et enquête sur les bobos à travers Marcel Duracel
http://w.fungusworkshop.com/
Joseph Kai
Joseph Kaï revisite les bobos à travers les caractères de Bobhomme et Bobemme
http://kaijoseph.yolasite.com/
Wissam Eid
Wissam entasse les expressions, les icônes, les clichés bobo dans son Shawarma géant.
Une bouchée de bobo?

http://wissameid.blogspot.com/
Zeina Bassil
Bienvenue chez les bobos! Où ils vivent et comment? Découvrez l’écosystème de nos amis
http://www.zenobie.biz/

Le Comité de La Furie______________________________________________
Rania Naufal, propriétaire de Papercup Store
Ghida Younes, copywriter et publicitaire, ancien directeur de création de Leo Burnett Liban
Marya Ghazzaoui, directeur artistique à Leo Burnett Liban
Gregory Buchakjian, photographe et historien d’art
Jad Jureidini, responsable marketing et communication à Leo Burnett Liban

Edito  »Beyrouth Bobo » de Alexandre Medawar
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On m’a mis en garde : pas de politique ni de religion, lâche-toi sur le reste. Dommage, j’adore la politique et la religion, les deux mamelles du crime et de la bêtise bien partagées par les chefs de tribus et de clans au Liban. Non, vraiment dommage, on aurait pu parler des menaces de jugement international, des espions homosexuels, de déstabilisation, des bombes par-ci par-là, de curés pédophiles, de muezzines sodomites, de mains coupées et d’achat d’armes en cachette. Bon, j’arrête, sinon on va être censuré. Revenons donc au sujet du jour…
J’ai retourné le bourgeois-bohèmes beyrouthin dans tous les sens, je l’ai pressé pour voir s’il en sortait du jus, j’ai fouillé dans ses poils, j’ai mis mon doigt dans ses trous puis j’ai reniflé, j’ai gratté son mucus que j’ai observé avec une loupe, celle de mon couteau suisse. Ca n’a rien donné de spécial. Le bobo est un bourgeois comme les autres. Le côté bohème, c’est un concept marketing pour mieux identifier celui ou celle qui remplacera son iPhone 4 par un iPhone 5 au premier jour de sa sortie, pour développer des visuels cool et légèrement subversif autour de la nouvelle collection de Diesel, ou encore pour calibrer d’une manière pointue et authentique la communication sur les bienfaits du Quinoa et du slowfooding. Tout au plus, le côté bohème revendiqué du bobo est juste un petit coup de gueule bien dirigé par les post soixante-huitards pour faire chier les vieux cons qui partent à la retraite. Bref, le bobo est sans intérêt paléontologique, agronomique, culinaire ou philosophique (le reste, je m’en torche). On en chope donc deux ou trois qui traînent entre Clémenceau et Mar Mikael, on les énuque d’un coup sec puis on les fout sur dans un bocal de formol. Et hop, on range le bocal à côté de ceux contenant les autres spécimens de la modernité : le révolutionnaire, le babacool, la féministe non épilée, le syndicaliste, l’alter-mondialiste, le branché, le métro-sexuel, le martyr, la MILF porno-chic, l’eco-warrior, l’intermittent du spectacle, le consultant, le décroissant, le trader, le pro-palestinien, l’anti-occidental et le queer. Belle collection de branleurs. A qui le tour ?
Alexandre Medawar