Musiques innovatrices à saint étienne

Publié le 23 mai 2011 par Desartsonnants

FESTIVAL DES MUSIQUES INNOVATRICES  2011

Le FMI n'a rien à voir, ni à entendre, avec une organisation internationale célèbre ces temps-ci, mais concerne plutôt une sympatique manifestation musico-sonore.

Depuis 2003, dans la ville de Saint-Étienne connue pour son passé industriel foisonnant, les mines,  l'entreprise Casino (où l'on ne mise pas), la manufacture d'armes et plus actuellement, la Cité du design, le Festival des Musiques Innovatrices poursuit son bonhomme de chemin. D'année en année, il accueille des musiciens inspirés, pour explorer des chemins de traverse où lutherie expérimentale, improvisation débridée, installations et autres objets sonnants sont à la fête. La programmation est audacieuse mais s'adresse néanmoins à un large public, pourvu qu'il est l'oreille un tant soit peu curieuse et l'esprif festif.

PROGRAMME

    Jeudi 26 mai 20:30 A
SUPER JEAN-FRANÇOIS PLOMB (F)
  • Objets sonores et valises à moteur

Un dispositif de petites mécaniques simplissimes et élémentaires. Les moteurs suspendus n’entraînent que leur propre tournoiement. Le son des frottis frottas sur diverses surfaces change de nature grâce à l’amplification. Ça vibre, ça tremble, ça cliquette, ça roule, ça crisse, ça siffle. Du vent dans les feuilles, des graviers qui roulent, une terre qui tremble, une peau qui frissonne, un raz de marée dans une flaque d’eau, une tempête dans un verre d’eau. A, a… atchoum !

KEVIN DRUMM / TOM SMITH  (USA)
  • KEVIN DRUMM, guitare électrique, électronics, ordinateur, etc.
  • TOM SMITH, voix, mixage.

Non content d’avoir, dans les années quatre-vingt-dix, innové d’un dispositif son révolutionnaire (une guitare posée à plat assistée de traitements électroniques), KEVIN DRUMM surprend, au début du millénaire, en accouchant d’une des musiques noise les plus radicales jamais imaginées (l’apocalyptique « Sheer Hellish Miasma »). Son acolyte TOM SMITH est le créateur du collectif nord-américain TO LIVE AND SHAVE IN LA. En recréant par accumulation de strates et de saturations l’incident survenu dans une raffinerie hongroise en octobre 2010 et dont la vague de boue toxique détruisit trois villages (« Mud Keeps Lifting Me Higher »), les deux musiciens nous projettent en un étroit dédale sonore. Avec peut-être la surprise d’un trou noir à la sortie.

   Vendredi 27 mai 20:30 B
DEBORAH KANT (F)
  • ALEXIS MOREL-JOURNEL guitare, chant
  • GUILLAUME PERRIER, basse
  • JOSSELIN VARENGO, batterie
  • SIMON DIJOUD, guitare

Quartet rock-noise ultra-romantique claudiquant entre Drôme, petite Vallée du Gier et grand Lyon depuis la fin des années 90. Chansons sans refrains, guitares stridentes, rythmiques déliées, l’ombre de SONIC YOUTH plane sans jamais réussir à occulter un rayonnement et une personnalité hors du commun. Les musiciens régionaux, hélas bannis des salles de musiques actuelles, ont toujours été les plus inventifs comme les plus enthousiasmants de notre programmation. DEBORAH KANT ne fera pas exception à la règle.

DISAPPEARS (USA)
  • BRIAN CASE, guitare, chant
  • JONATHAN VAN HERIK, guitare
  • DAMON CARRUESCO, basse
  • STEVE SHELLEY, batterie

Un chanteur-guitariste à la présence scénique charismatique, des lignes de basse répétitives et enivrantes, une rythmique métronomique que nimbe la résonance des cymbales et des deux guitares, constituent l’armature d’un groupe sous influence de FAUST, GLENN BRANCA et SONIC YOUTH. Accueillant le batteur de ces derniers (lequel participe également à la reformation de NEU), ce quatuor basé à Chicago oscille entre krautrock minimal, post-garage et post-rock, et dote d’une enveloppe de son large un répertoire incisif et énergique. Leur set cathartique intense fera sans nul doute trembler les vêtements des mineurs accrochés dans les cintres de la Salle des Pendus.

     Samedi 28 mai 17:00 C
Conférence-écoutes de PHILIPPE ROBERT
Musiques Expérimentales / Une anthologie transversale d’enregistrements emblématiques
(Le mot et le reste / 2e édition)

Des futuristes des années 1910 aux réductionnistes à l’amorce des années 2000, l’histoire de la musique du vingtième siècle (et du vingt-et-unième naissant) aura été marquée par l’idée d’expérimentation. Celle-ci, et pas seulement dans l’avant-garde, paraît s’être exprimée dans tous les domaines apparus alors, qu’il s’agisse entre autres de la musique électroacoustique, du jazz (quand celui-ci s’est dit « free » par exemple) ou du rock (qu’il ait été « kraut » dans les années 1970 en Allemagne, « en opposition » au milieu des mêmes années en Europe, ou encore « bruitiste » au Japon dans les années 1990). Comme si la musique, quand elle souhaite échapper à l’intimidation dominante, devait perpétuellement s’inventer afin de continuer à être. C’est l’histoire que raconte cette anthologie, au travers d’indomptables réfractaires à toute forme d’académisme.

ANNE-LAURE PIGACHE / AKI ONDA / (F / J)

À renforts de jeux de bouche, de langages et de voix, la performance solo d’ANNE-LAURE PIGACHE (Dyslexie) donne à entendre les mots en tant qu’objets musicaux, dégagés de leur sens, comme retournant de façon impromptue au sens. Une langue qui bute sur elle-même, une voix qui articule les mots, en inverse les lettres (d'autres mots surgissent), un déséquilibre, un chaos, une recréation. Sous influence d’individualités artistiques aussi fortes que JONAS MEKAS, ROBERT FRANK, PHIL NIBLOCK ou LUC FERRARI, AKI ONDA entreprend de glaner les sons de la rue sur un walkman de fortune au début des années 90. Enregistrements urbains (Londres, Tokyo, New York) qui deviennent le matériau sonore de performances en solo, les bandes étant retravaillées ou déformées en temps réel. Ce partenaire de NOËL AKCHOTÉ, BLIXA BARGEL ou JAC BERROCAL, déjà invité en solo au Musée de la Mine en 2003, pratique un équilibrisme adroit entre dandysme érudit et posture dissidente. Performance découpée en trois temps : deux solos suivis d’une rencontre.

   Samedi 28 mai 20:30 D
K. MICAL / A QUI AVEC GABRIEL (J)
  • K. MICAL, chant, danse
  • A QUI AVEC GABRIEL, accordéon

Tango free balancé dans le déhanchement des corps, au-dessus du gouffre de la nuit intérieure. Deux femmes que tout semble opposer s'assemblent là pour une performance ouvrant sur l'inconnu. L'eau et le feu, alchimie des contraires. Quand l'une est dans le vacarme extatique, la provocation sexuelle, l'autre semble recluse dans les silences, à tisser des dentelles de souffles et de notes mélancoliques. Quand l'une est dans le geste, la danse, l'écart, le bruit, l'autre est dans la retenue, la stase, le murmure, le chant, chacune menant la danse, inventant les rythmes qui perdront l'autre dans des ritournelles dévorantes. L'effraction des sens et du sens, la perte et le cri, histoires de pénombres et de folies.

TALWEG (F)
  • JOËLLE VINCIARELLI, chant
  • ERIC LOMBAERT, batterie

Du black metal sans guitare, une configuration inédite et le type de découverte qu’on aimerait ne garder que pour soi. « Relayer les vibrations profondes de l'être comme l'humeur des forces terriennes. La possession est incarnée avec une rare conviction. Ici, le chant oscille entre l'allégresse angélique et l'hallali final, aiguillonné par des tambours dont la force évoque des souvenirs de free liés à RASHIED ALI ou RONALD SHANNON JACKSON. Le monde magique des esprits vit et vibre, mêlé à la mythologie païenne. Ce qui s'écoute s'offre à résonner, sonde la mémoire engloutie de nos sens au-delà des mots et nous suggère d'ouvrir notre part d'ombre au grand jour » (CLAUDE DELBOWER).

STROTTER INST. (CH)

Méritant plus que tout autre d’être vu et écouté par le plus grand nombre, CHRISTOPHE HESS présent ici en 2007, revient pour notre grand plaisir sur les lieux de son crime ! Cinq platines disques reconfigurées, bardées de fil de fer, de bracelets en caoutchouc, de pointes, de vis et de clous. Le vinyle en bonne et due forme n’est qu’un accessoire très dispensable de la production sonore, mais lorsque c'est le cas, il se présente découpé, rescotché et truffé d’obstacles. Pour la musique, imaginer une rencontre entre les boucles répétitives de STEVE REICH, l’électro de PHILIP JECK et le mécanium de PIERRE BASTIEN. Souffles, chuintements, grattements s’ordonnent et rebondissent sur une même pulsion cardiaque. On croit déceler à son écoute le râle obsédant de la bête. On sent sur notre cou son souffle chaud.

NICOLAS LELIEVRE / TOMOKO SAUVAGE (F / J)

L'artiste japonaise TOMOKO SAUVAGE crée un univers étrange à partir de bols en porcelaine, de micros hydrophoniques et d'eau. Basé sur des sons uniquement organiques (gouttes, impacts, ruissellements), ses manipulations progressives et mesurées ne sont pas sans évoquer le concept du Deep Listening de PAULINE OLIVEIROS. Le percussionniste NICOLAS LELIEVRE (partenaire de CARLOS ZINGARO, GHEDALIA TAZARTES ou JEROME BOURDELLON) est, tout à l’investigation de mondes oniriques parallèles, un improvisateur non moins délicat et sensible. Une célébration texturale et poétique inédite de la matière sonore.

   Dimanche 29 mai 16:00 E
BENJAMIN DUBOC / DIDIER LASSERRE (F)
  • BENJAMIN DUBOC, contrebasse
  • DIDIER LASSERRE, percussions

Ces cordes frottées, étirées, claquées sont celles de la contrebasse de BENJAMIN DUBOC. Entrelac de nœuds tombant sur une caisse claire dont DIDIER LASSERRE gratte et excite la peau. Dans un branle-bas de grincements et de chocs, une multitude d’objets s’envole des cymbales, comme les colombes d’un chapeau. L’étonnant dripping sonore d’un duo rompu à toutes les improvisations transversales se coule aussi dans l’abandon poétique et relâché de l’instant, parfois jusqu'au silence lorsque la résonance s’éteint pour de bon. De leurs racines communes (jazz et free-jazz), ils ont gardé l’amour du phrasé et de la pulsation, du travail et du détricotage du son. Dans l'évidence du duo retrouvé, BENJAMIN DUBOC et DIDIER LASSERRE partagent une complicité intuitive et s’absorbent en un maillage délicat et vibrant.

MAT POGO / IGNAZ SCHICK (I / D)
  • MAT POGO, chant, lecteur CD, électronics
  • IGNAZ SCHICK, tourne-disque, objets, électronics

Assistant du compositeur JOSEF ANTON RIEDL (de la bande à PIERRE SCHEAFER), le Berlinois IGNAZ SCHICK s’adonne à l’électroacoustique en direct au sein des formations PHOSPHOR ou PERLONEX accueillant parfois CHARLEMAGNE PALESTINE en invité-surprise. Son dispositif se concentre autour d'une platine disque dont le plateau fait office de résonateur, amplifiant les objets divers qu’il y dépose. MAT POGO du groupe JEALOUSY PARTY lui donne la réplique. Autre adepte de la défragmentation empressée, le chanteur-performeur a développé tout un vocabulaire d’onomatopées et de cris, sorte de flux sonore ininterrompu, aussi humoristique que décalé. Le set bruitiste et ravageur d’un duo franchement secoué, maître du cut-up sonore.

FRED FRITH / PAOLO ANGELI (GB / I)

Il était grand temps de réaccueillir FRED FRITH, présent lors de notre deuxième édition. Compositeur et interprète parmi les plus prolixes et remuants de la première génération des musiques innovatrices (celle qu’illustrèrent les formations HENRY COW et ART BEARS dans les années 70), le guitariste britannique au parcours sans fautes depuis plus de quatre décennies n’a cessé d’affirmer son opposition à tous les a priori et clichés musicaux et de prôner la surprise. C’est en 2007 que l’un de ses admirateurs, devenu depuis l’album Pacifica un partenaire privilégié, publie Tessuti, hommage au maître iconoclaste. PAOLO ANGELI y joue de la guitare sarde préparée : instrument à dix-huit cordes – sorte d’hybride entre guitare baryton, violoncelle et batterie –, agrémenté de martelets, pédaliers et hélices à pas variable. De cette guitare transformée qu’a réalisée pour lui l’artisan FRANCESCO CONCAS, ANGELI élabore une musique inclassable (encore), entre folk, free et pop minimale. Rencontre de deux fortes personnalités admiratives l’une de l’autre - sur l’album Sail To Sail, FRITH a repris une composition de PAOLO ANGELI - pour un final en bouquet.

   Tous les jours F
SUPER JEAN-FRANÇOIS PLOMB
Installation mouvante et sonore à équilibre instable

Première déclinaison de la colossale installation présentée dans les locaux du Grand Lux à l’été 2010. Invitation à une promenade à travers une forêt de câbles à l’envers, racines au plafond et feuillages balayant le sol. Ni exposition ni concert, les méta-mécaniques sonores à base de treuils, moteurs, poulies, ressorts, rouages s’ébranlent et s’expriment à leur fantaisie et de façon aléatoire. La satiesque ou cagienne composition prenant corps et voix le temps d’un week-end, du vendredi au dimanche inclus.

Site du festival