Combats pour l'histoire russe

Publié le 24 mai 2011 par Tudry

François-Xavier COQUIN : Combats pour l'histoire russe, Collection Slavica, L'Age d'Homme, Lausanne, 2011.

Ce nouvel ouvrage du professeur Coquin vient renforcer une collection qui compose une véritable ligne de front, en particulier avec les derniers titres parus tels Dostoïevski, une victoire sur les démons, Vivre en Russe, de Georges Nivat, ou Le diable et l'artiste de Fanny Mossière. En effet, tant aujourd'hui qu'hier nombreux sont ceux qui voient, ou veulent à tout prix voir, en la Russie « une menace pour l'équilibre européen » (Combats pour l'histoire russe, p. 20). Et trop souvent, l'histoire est étudiée et transcrite avec cet unique arrière-fond pour méthode. D'un côté on feint de croire que l'URSS ne fut qu'une parenthèse historique, de l'autre on ne trace de continuité que pour soutenir l'idée d'un peuple et d'une nation qui ne saurait vivre hors d'une certaine servitude...
Plus encore que tout autre la compréhension de l'histoire de l'immense Russie demande des études et des analyses de détails. A grands traits nous croyons souvent (à tort) savoir comment se sont déroulés les grands événements historiques russes. Trop souvent les études qu'on livre au public européen non-érudit calquent leurs analyses sur l'histoire européenne, sans tenir compte de la spécificité russe et de ce que, précisément, cette spécificité tenait particulièrement dans les échanges permanents entre « notre occident » et « l'orient russe ».
Les articles regroupés dans Combats pour l'histoire russe ressortissent de ces études de « détails » qui assemblés permettent souvent une vision plus large et mieux éclairée de l'histoire. En outre, cette approche est considérablement renforcé par le style du professeur Coquin qui, bien que chaleureux et vivants, évite toujours les jugements fondés sur une « morale » univoque aussi bien que les dithyrambes orientés.
D'une exposition claire des fondements philosophiques de la fonction monarchique aux réflexions (bienvenues) sur l'assimilation arbitraire du stalinisme à l'hitlerisme, en passant par les passionnants articles sur les iconographies révolutionnaires et contre-révolutionnaires les complexités d'une histoire toujours en tension nous deviennent des clefs beaucoup plus précise, des instruments d'observation plus fin et beaucoup plus efficace.


En outre, et bien qu'elle pourrait paraître anecdotique, l'étude consacrée à Pierre Pascal en émigration, basée sur le témoignage des archives, nous permets, au contraire, à travers une personnalité complexe de comprendre les innombrables enchevêtrements idéologiques et psychologique d'une période qui, quoiqu'en pensent certains, est loin d'être « éteinte » et « close » et dont certains choix continuent d'irriguer notre aujourd'hui (quand bien même, en matière de « complexités » il fasse bien pâle figure...).


Pour finir, et pour bien souligner, la pertinence d'une telle publication je voudrais ajouter ceci : on pense et l'on souhaite trop souvent qu'un éditeur publie des oeuvres mais que lui-même en est dépourvu... Les derniers choix éditoriaux de la collection SLAVICA en sont, à mon humble avis, en contre-preuve. Les ouvrages cités dont cette courte note, en plus de celui du prof. Coquin, forment un ensemble tout à fait avisé que, pour ma part, je regrouperais autour d'un centre qui serait l'admirable Dictionnaire de la philosophie russe... Oeuvre collective, tel un véritable tableau composée de textes de couleurs diverses, placée sous la sage direction d'un maître d'oeuvre qui mérite vraiment d'être reconnu comme tel.