Complexité de la dématérialisation et du cloud pour la Green IT

Publié le 26 mai 2011 par Simplygreenit

Article initialement paru sur CIO-ONLINE
(23/05/2011)

Loin du discours convenu des fournisseurs, la dématérialisation et le cloud ne sont pas forcément bons pour l’environnement. Décryptage par un spécialiste de la question.

La « digitalisation» de l’économie (Dématérialisation, virtualisation ou tout simplement cloud) est actuellement présentée comme l’arme de la green IT par de nombreux acteurs. Mais qu’en est-il exactement ? DSI, connaitre l’empreinte environnementale de ces solutions vous permettra d’utiliser les critères green IT pour le pilotage du SI en tout état de cause. Ce n’est actuellement pas le cas car la green IT est plus un argument commercial qu’un critère de pilotage.

Si l’on regarde de plus près, les gains environnementaux ne sont pas si clairs que cela. Le matériel étant la cause principale de la consommation électrique et de nombreuses sources de pollutions, s’en affranchir peut paraître séduisant. C’est ce que la dématérialisation ou le cloud promettent. Mais, en appliquant à la technologie la loi de Lavoisier, énonçant « Rien de ne perd, rien ne se crée, tout se transforme », on peut dire : « la matérialité ne disparaît pas, elle se transforme simplement ». Pour mieux comprendre l’empreinte de ces technologies, il faut se poser la question : comment la matérialité se transforme t-elle?

Le Cloud, exemple de la complexité du virtuel pour la Green IT

Le cloud, en proposant d’externaliser les applications dans le nuage, permet de supprimer un traitement qui était avant pris en compte en interne par un serveur ou par les postes de travail. Les avantages côté green IT paraissent non négligeables : On peut s’affranchir de serveur, diminuer la puissance des stations, utiliser des clients légers…

Cependant, en regardant le cycle de vie d’un processus cloud, les gains ne seront pas au rendez-vous si l’on ne respecte pas certaines pratiques. Premièrement, l’impact de la production du service dépendra grandement de l’efficacité du data center producteur. Deuxièmement, souvent négligée, le transport de l’information, aura une part non négligeable sur l’impact environnemental : Charge réseau, infrastructure nécessaire, distance entre le producteur et le consommateur… Et troisièmement, si l’on ne passe pas de client « lourds » vers des clients « légers », on ne tirera pas le bénéfice du cloud. Au final, les émissions CO² pourront être empirées avec le cloud.

Des analyses du cycle de vie nécessaires pour aider le choix

Un outil utile est disponible pour les entreprises pour analyser l’empreinte des différentes technologies, il s’agit de l’analyse du cycle de vie d’un produit ou d’un processus (ACV). Cette méthodologie permet d’évaluer d’amont en aval l’impact environnemental du produit. Cette évaluation prend en compte le produit de sa fabrication à sa fin de vie. L’analyse se base sur l’utilisation de l’énergie et des matières premières, des émissions de substances et de CO² ainsi que de nombreux autres critères. Cette analyse est réglementée par la norme ISO 14010.

Ainsi, la le choix d’une technologie plutôt qu’une autre ne sera cohérent en terme d’empreinte écologique et sociale que si une ACV est réalisée. Cependant, ces ACV ne sont pas simples à faire, car elles couvrent des systèmes complexes et sur lesquels toutes les informations ne sont pas disponibles. Les DSI doivent dans tous les cas garder en tête une chose : Le choix d’une technologie par rapport à un aspect développement durable doit prendre en compte tout son cycle de vie et pas seulement la phase d’utilisation dans la société. Réduire l’analyse au simple gain de consommation sur le SI de la société serait correcte pour une évaluation économique, mais pas pour une évaluation développement durable.

Une évaluation obligatoire des fournisseurs

Dans la lignée de l’ACV, l’évaluation des fournisseurs doit être complétée par des critères environnementaux dans le cas d’un service Cloud. Les Service Level Agreement (SLA) définissant la qualité requise par le fournisseur doivent prendre en compte de nouvelles mesures de performances. Des indicateurs Green IT comme par exemple le Power Usage Effectiveness (PUE) qui caractérise l’efficacité des data centers permet cette évaluation. On pourra aussi vérifier le respect du code de conduite européen des data centers. L’ensemble de ses critères d’évaluation permettront d’analyser clairement l’empreinte des fournisseurs du nuage.

Des effets rebonds à maîtriser

Dans ces pratiques il ne faut pas négliger l’effet rebond. Son principe est simple : il s’agit de « l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie ». Si l’on simplifie l’accès à une technologie alors on augmente mécaniquement son taux d’utilisation et donc son impact environnemental. Cet effet s’est ressenti ces dernières années avec l’accès à une source infinie de données avec internet : le nombre d’impressions n’a jamais été si important. L’effet rebond ne se trouve pas simplement dans les impressions, mais aussi dans d’autres domaines comme la virtualisation. Le phénomène de l’extension anarchique des machines virtuelles (Virtual Sprawl) est un fléau pour toutes les sociétés. La simplicité et la souplesse du monde virtuel qui devait apporter un gain environnemental grâce à une consolidation, tend à amener vers l’effet inverse.

Que faire pour éviter cet effet rebond ? Contrôler le déploiement des nouvelles technologies est obligatoires par des politiques et des outils. Cela permettra de juguler les mouvements d’informations non nécessaires.

Des critères concrets et prouvés plutôt que des promesses

La promesse d’une empreinte environnementale plus faible pour les technologies de dématérialisation, de virtualisation et du cloud est donc finalement à analyser. L’utilisation des critères de développement durable comme instrument de pilotage du système d’information n’est donc pas une chose simple. Sans discernement, on pourrait vite tomber dans le greenwashing (éco-blanchiment), c’est-à-dire prendre les arguments commerciaux concernant la green IT comme acquis. Ce phénomène de Greenwashing est encore plus important pour le domaine de la dématérialisation des supports papier. Une guerre ouverte entre les fournisseurs de solutions (prospectus numériques, ebook…) et l’industrie du papier fait actuellement rage en ce qui concerne l’impact de la démarche zéro papier. Bien comprendre les tenants et les aboutissants de l’empreinte des différentes solutions est la clé pour bien choisir sa propre voie.

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