Europe, concombres et chiffres qui font un peu peur

Publié le 27 mai 2011 par Copeau @Contrepoints

Europe, concombres et chiffres qui font un peu peur

Nous sommes fin mai, et il est temps de faire un petit point sur quelques données économiques de base. Dans ce billet, je m’efforcerai de placer les mots « concombre », « camembert » et « schoïnopentaxophile ».

Et c’est donc de manière fortuite et assez discrète qu’on apprend, au détour d’un document roboratif comme une tarte aux concombres de la Commission Européenne que la crise, c’est fini, ça va mieux, mais tout de même, les prévisions proposées fichent un peu les miquettes.

Il est vrai que les documents sont ardus : entièrement composés de petits chiffres et de longues phrases, ils sont aussi en anglais ; n’oublions pas que la plupart des journalistes n’ont pas une excellente maîtrise de la langue de Shakespeare et qu’ils bûchent comme des fous pour atteindre un niveau décent pour la langue de Molière.

Comme je vais vous en épargner l’épuisante exégèse, voilà ce qu’on peut en ressortir, très vite (parce que bon, ce billet est censé être court). Les chiffres sont en % du PIB.

Les dépenses publiques, tout d’abord :
- France : 55.8
- Moyenne Europe : 49.1
- Allemagne : 45.3
Pour mémoire, aux USA, on est tout de même à 41.7% ce qui veut dire que le temple de l’ultra-turbo-libéralisme laisse son État bouffer plus de 40% de la richesse produite. On a vu plus « lean’n'mean« .

Le déficit structurel, ensuite :
- France : -3.9
- Moyenne Europe : -3.3
- Allemagne : -1.4

Enfin, le solde budgétaire :
- France : -3.1
- Allemagne : -0.4
- Zone Euro : -1.3

Et pour le même prix, je vous colle ici les prévisions de croissances telles qu’elles s’établissent actuellement. Avec un joli graphique, c’est d’autant mieux, c’est en % par rapport à l’année précédente et ce n’est pas un camembert mais un histogramme :

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Comme on peut le constater, ce n’est pas joli joli. La France fait globalement moins bien voire nettement moins bien que la moyenne et les Teutons mettent une jolie pilée aux Gaulois. Si l’on y ajoute ce charmant petit article, tombé à point nommé, sur l’augmentation du prix des produits alimentaires et la — je cite — « flambée générale » qu’anticipe 60 Millions de Consommateurs, on a un tableau assez peu réjouissant :

« Farine, café, jus de fruit, produits laitiers, poissons surgelés ou en conserve sont déjà touchés par des hausses supérieures à 3% en moyenne »

Des esprits chafouins me diront ici qu’il ne s’agit pas d’inflation, non non, mais d’anticipation d’inflation ou de présomption d’augmentation des prix. Vrai ou faux, peu importe : en attendant, ça fera toujours plus qu’une impression de pouvoir d’achat qui diminue et l’impression croissante qu’on est en train de se moquer de nous.

Mais il ne faut pas se laisser abattre !

D’une part, ces chiffres et ces articles alarmants, vous ne les lisez pas souvent dans la presse : les journalistes sont maintenant tous obnubilés par le zizi de DSK, celui de Tron (le secrétaire d’État, pas le coureur électronique en moule-bite bleu dans le film de Disney), Lagarde au FMI et tous les autres sujets palpitants dont les Français sont évidemment über-proches.

D’autre part, s’abandonner à la tristesse et la mélancolie alors que la crise est finie et que le chômage diminue dans des proportions de folie et que cette nouvelle est à peine couverte par le Grand Orchestre de Flûtes, Flûtiaux, Pipeaux et Bombardons, ce serait dommage et on risquerait de se pendre et faire alors le bonheur des cyniques schoïnopentaxophiles qui hantent le pays. Ne comptez pas sur moi.

Ne comptez pas non plus sur moi pour m’étendre sur les dernières déclaration du commissaire européen, la grecque Maria Damanaki, dont la dernière remarque est passée fort heureusement totalement inaperçue dans les journaux français, tendus comme un seul homme par les dernières nouvelles libidineuses du gouvernement.

L’aimable commissaire en charge de la pêche a déclaré, les sourcils très légèrement froncés, que, je cite :

« Le scénario d’un éloignement de la Grèce de l’euro est désormais sur la table. Je suis obligée de parler clairement, nous avons un dilemme: soit nous tombons d’accord avec nos bailleurs de fonds sur un programme de durs sacrifices apportant des résultats, en prenant nos responsabilités pour notre passé, soit nous retournons à la drachme. »

Réactions dans les médias, sur twitter, sur les sites webs des différentes rédactions ? « Ah oui, la Grèce a des problèmes ? Oh bah c’est la crise ma brave dame, c’est simple pour personne. Bon, et je vous mets quoi, avec le petit DSK qui vient de sortir ? » …

Et lorsque le FMI a évoqué le fait que, justement, il pourrait ne pas verser son aide le 29 juin prochain tant la sécurité financière de la Grèce ne semble pas acquise, on a senti quelques sphincters se fermer du côté des cambistes, quelques mains moites dans les sections économiques de certains journaux spécialisés, mais c’est à peu près tout.

Si l’on se rappelle que plusieurs grosses banques, dont – par exemple – Dexia, sont très exposées à la dette grecque, et que – toujours pour Dexia – les Credit Default Swaps sur ces établissements s’agitent quelque peu récemment, on comprend que la situation est plus tendue que ne laissent paraître les poussifs quotidiens de plus en plus portés sur une élection présidentielle qui se déroulera peut-être dans douze mois…

Il fait beau, la crise n’existe pas – la preuve, la croissance du PIB des USA est en pleine explo… ah bah non — , les élections présidentielles approchent et les gens iront voter.

Je ne veux pas savoir pour qui. Mais j’ai une petite idée du résultat. Je peux même dire que le jeu vidéo tiré de ces élections sera un vrai succès.

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