Le regard d'un géographe sur les Balkans : Michel Roux

Publié le 07 juin 2011 par Geo-Ville-En-Guerre @VilleEnGuerre

En vue de la préparation de la journée d'études "Géographie des Balkans" en hommage au géographe Michel Roux, voici une petite bibliographie - non exhaustive et quelque peu subjective (il s'agit d'un focus sur les travaux qui ont particulièrement marqué le travail de recherche depuis le mémoire de maîtrise jusqu'à la thèse en cours) - sur les travaux de ce géographe, spécialiste des Balkans (tout particulièrement du Kosovo), de la question du peuple albanais en ex-Yougoslavie et de celle des "nettoyages ethniques".
Les ouvrages et les articles de revues sont proposés par ordre chronologique : bien évidemment, certains travaux ne peuvent prendre en compte les profondes transformations frontalières et politiques de ces dernières années, mais ils apportent une nécessaire profondeur historique. De plus, Michel Roux, par sa parfaite connaissance du terrain, a été l'un des observateurs privilégiés de ces changements politiques, et de leurs conséquences sociales et spatiales : on remarque, par exemple, avec quelle précision Michel Roux a analysé les "nettoyages ethniques" dès le déclenchement de la guerre en Bosnie-Herzégovine, ou comment il s'est fait l'analyste des tensions du Kosovo dès la mort de Tito et les émeutes de 1981 (véritable déclencheur des tensions des années 1980 et des guerres des années 1990, qui n'a pourtant pas attiré l'attention des médias et reste particulièrement méconnu).
Les résumés proposés sont ceux de l'auteur ou de ses éditeurs (4ème de couverture pour les ouvrages ; introductions ou résumés pour les articles). Ces travaux peuvent intéresser autant les personnes désireuses de comprendre la complexité balkanique que celles qui cherchent à approfondir la géographie des conflits.
Michel Roux, 1992, Les Albanais en Yougoslavie. Minorité nationale, territoire et développement, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 546 p.4ème de couverture : "Les Albanais sont environ 2,2 millions dans l'espace yougoslave. Ils y peuplent essentiellement la province du Kosovo, en Serbie, et la Macédoine occidentale, régions contiguës à l'Albanie. Cette minorité nationale a été réunie à l'Etat yougoslave contre son gré : défi à l'intégration. C'est le groupe le plus prolifique, concentré dans les régions les plus attardées : défi au développement. En 1981, les Albanais demandent que le Kosovo devienne la septième république yougoslave. Belgrade refuse et réprime : conflit politique. Cependant les Serbes du Kosovo, se plaignant de pressions albanaises, quittent la province, où les Albanais sont en passe de rester seuls : conflit interethnique.Au début des années 1990, la décomposition de la fédération yougoslave modifie les perspectives politiques des Albanais. Ceux du Kosovo sont désormais tentés par l'indépendance ou le rattachement à l'Albanie. Mais les Serbes ne sont pas disposés à abandonner un territoire auquel, pour des raisons historiques, ils sont passionnément attachés, comme les Albanais eux-mêmes : situation explosive.Les régimes communistes d'URSS et d'Europe de l'Est avaient fait de la résolution des problèmes de nationalités, comme des problèmes de développement inégal, deux de leurs priorités. Au moment où ils disparaissent, le cas de la minorité albanaise de Yougoslavie est exemplaire de la façon dont de vieux conflits nationaux, un moment occultés à défaut d'avoir été résolus, resurgissent et hypothèsent l'avenir. Cet ouvrage fait le bilan d'une tentative d'intégration nationale et de développement régional, de son échec, de son rôle dans la genèse de la Yougoslavie titiste."Lire l'ouvrage en ligne -->
Michel Roux, 1992, "A propos de la "purification ethnique" en Bosnie-Herzégovine", Hérodote (dossier "La question serbe"), n°67, n°1992/4, pp. 49-60.Introduction : "A la fin de l'hiver 1991, alors que l'intensité des combats faiblissait en Croatie et que les Nations unies décidaient d'y déployer des "casques bleus", les risques dextension du conflit à la Bosnie-Herzégovine devenaient de plus en plus manifestes. Incapables de s'entendre sur l'avenir politique de celle-ci, les dirigeants des trois peuples qui y cohabitent préparaient activement la guerre. Si les Musulmans (41 % de la population totale) et les Croates (17 %) étaient majoritairement partisans pour l'indépendance, les Serbes (31 %) tenaient à demeurer en Yougoslavie, en vertu de l'idée qu'un peuple a le droit de vivre dans un même Etat. Au Parlement de Sarajevo, fidèle reproduction de la composition nationale de la population depuis les élections pluralistes de novembre 1990, les représentants des deux premiers peuples avaient voté l'indépendance contre l'avis de ceux du troisième (octobre 1991). Confirmée par un référendum (29 février-1er mars 1992), cette indépendance fut reconnue par la CEE le 6 avril, par les Etats-Unis le lendemain.Les dirigeants serbes locaux ripostèrent aussitôt en proclamant l'indépendance de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, formée des régions autonomes autoproclamées qu'ils contrôlaient déjà. Les unités de l'armée fédérale yougoslave casernées sur ces territoires ou repliées de Croatie étant acquises à leur cause, ils mirent à profit la supériorité militaire qu'ils en retiraient pour lancer, à partir d'avril, une série d'offensives destinées à relier leurs enclaves entre elles et à la Serbie et, au-delà, à acquérir le plus possible de territoires. Quelques mois après, ils contrôlaient les deux tiers environ de la Bosnie-Herzégovine, dont plus d'un million d'habitants, musulmans dans leur grande majorité, étaient devenus des réfugiés, soit dans leur république d'origine, soit dans d'autres parties de l'ex-Yougoslavie, soit dans le reste du monde. Peu à peu, il s'est révélé que ces réfugiés n'avaient pas tous été chassés par les combats. Un grand nombre avaient été expulsés par les vainqueurs, parfois après avoir été regroupés et triés dans des camps de détention. Durant l'été, les termes de purification, épuration ou nettoyage ethnique sont apparus dans les médias du monde entier. Je voudrais réfléchir ici sur la réalité et la portée de la doctrine et des pratiques qui désigne cette expression dans le contexte yougoslave".
Michel Roux, 1999, Le Kosovo : dix clés pour comprendre, La Découverte, collection Sur le Vif, Paris, 128 p.4ème de couverture par l'éditeur : "Alors que la crise couvait depuis vingt ans, l'éclatement de la guerre du Kosovo au printemps 1999 a surpris l'opinion internationale. Par l'importance de la mobilisation des forces de l'OTAN, par l'ampleur du programme d' "épuration ethnique" mis en oeuvre par les Serbes contre les Albanais de la province, par sa durée même, cette guerre marque un tournant majeur dans l'histoire des relations internationales. Mais si certains aspects de ce "conflit local mondialisé" ont donné lieu à des prises de position passionnées et contradictoires, bien d'autres sont restés occultés ou ont fait l'objet de nombreuses manipulations de l'information.D'où l'utilité de cet essai, rédigé par l'un des meilleurs spécialistes français de la Yougoslavie et du Kosovo, qui répond avec clareté et concision aux questions le plus souvent posées : Qu'est-ce que le Kosovo, et qui sont ses habitants ? Pourquoi les Serbes considèrent-ils le Kosovo comme le berceau de leur nation ? Quele relation y a-t-il entre la décomposition de l'ex-Yougoslavie et la guerre du Kosovo ? Les nationalistes albanais ont-ils le projet de constituer une "Grande Albanie" ? Pourquoi et comment les puissances occidentales et la Russie se sont-elles impliquées dans ce conflit ? Pourquoi l'OTAN a-t-il choisi la "guerre aérienne" ? Quel est le bilan de l'"épuratio ethnique" réalisée par les forces serbes pendant la durée de la guerre ? Pourquoi l'opposition serbe à Milosevic a-t-elle été si discrète ? Quels scénarios peut-on envisager pour l'avenir du Kosovo, de la Serbie et de la Yougoslavie ? Quelles seront les conséquences de la guerre pour la France, pour les pays de l'Union européenne et pour le monde ?Complété par des cartes et une bibliographie commentée, des adresses de sites Internet, cet ouvrage apporte des éclairages indispensables pour comprendre les racines de la guerre, les leçons de son déroulement et les perspectives de l'après-guerre".
Michel Roux, 2003, "Controverses sur les frontières du Kosovo", Balkanologie, vol. VII, n°2, décembre 2003, pp. 183-197.
"Le Kosovo, entité politique créée par le pouvoir communiste yougoslave pour gérer une population composite à majorité albanaise, est devenu la source et le théâtre de difficultés majeures avant, pendant et après la décomposition de l'ex-Yougoslavie. Le présent texte examine les aspects territoriaux d'une remise en cause multiforme du Kosovo portant sur son statut, ses limites, ses subdivisions et son existence même. Il s'achève sur une réflexion prospective".
Michel Roux, 2005, "Le Kosovo en voie d'homogénéisation : quelle est la part du «nettoyage ethnique» ?", Revue géographique de l'Est, tome XLV, n°1, mars 2005, pp. 23-33."Bien que depuis 1912 le Kosovo soit resté dans le cadre de la Serbie et du Monténégro, puis des Yougoslavie successives (sauf de 1941 à 1945) et sous le contrôle effectif de leurs gouvernements (sauf de 1915 à 1918 et depuis 1999), Serbes et Monténégrins ont vu leur part dans sa population diminuer jusqu’à ne plus en constituer que 5 % tandis que la majorité albanaise dépasse les 90 %. Cela s’explique par un ensemble de causes se combinant différemment selon les périodes : différences d’accroissement naturel, migrations spontanées, modifications coercitives du peuplement, implantation de colons. Déterminer la part réelle du « nettoyage ethnique » dans cette évolution implique de décrypter deux discours nationalistes antagonistes qui tendent à l’ériger en explication centrale de tous ces processus".


Localisation des minorités au Kosovo
Michel Roux, "Le Kosovo en voie d'homogénéisation : quelle est la part du «nettoyage ethnique» ?",
Revue géographique de l'Est, tome XLV, n°1, mars 2005, pp. 23-33


Michel Roux, 2006, "La géographie de la population et le nettoyage ethnique en ex-Yougoslavie", Bulletin de l'Association de Géographes Français (BAFG), vol. 83, n°4, n°2006/4, pp. 399-408."Cet article propose une typologie du nettoyage ethnique, souligne la difficulté d'en cerner tous les aspects, puis envisage son impact sur le peuplement des territoires concernés : nombre d'habitants, composition ethnique, natalité, mortalité, structure par âges, répartition entre villes et campagnes, perspectives migratoires. Les exemples sont pris en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo".
A noter également que Michel Roux a coordonné avec Stéphane Rosière l'ensemble du dossier de ce numéro du BAGF consacré au "Nettoyage ethnique".
A lire également :
  • Michel Roux, 1982, "Le Kosovo : développement régional et intégration nationale en Yougoslavie", Hérodote (dossier "D'autres géopolitiques"), n°25, pp. 10-48.
  • Michel Roux, 1990, "La question nationale en Yougoslavie : bref essai de géopolitique interne", Hérodote (dossier "A l’Est et au Sud. De la crise du Golfe à la fin d’un empire"), n°58/59, pp. 311-328.
  • Michel Roux, 1991, "Guerre civile et enjeux territoriaux en Yougoslavie", Hérodote (dossier "Balkans et balkanisation"), n°63, n°1991/4, pp. 14-40.
  • Michel Roux, 1991, "Etat et territoire en Yougoslavie", dans Hervé Théry, 1991, L'état et les stratégies du territoire, Editions du CNRS, collection mémoires et documents de géographie, Paris, pp. 63-77.
  • Michel Roux, 1992, "La décomposition de la Yougoslavie : la Serbie et le «front Sud»", Politique étrangère, vol. 57, n°2, pp. 280-292.
  • Michel Roux, 1992, "Albanie, septembre 1992. Impressions de voyage et interrogations", Hérodote (dossier "La question serbe"), n°67, n°1992/4, pp. 171-178.
  • Michel Roux, 1995, "La population de la Yougoslavie en 1991. Inventaire avant le chaos", Méditerranée, vol. 81, n°1, pp. 35-46.
  • Michel Roux, 1996, "Le calme trompeur du Kosovo", dans Jacques Rupnik (dir.), 1996, Les Balkans.Paysage après la bataille, Editions Complexe, coll. Espace international, pp. 107-121.
  • Michel Roux, 1997, "Frontières, territoires et échanges dans les Balkans dans la perspective de l'intégration européenne", Territoires en mutation, n°2.
  • Michel Roux, 1997, "Serbes et Albanais au Kosovo", Slavica Occitania, n° 3, pp. 87-106.
  • Olivier Deslondes, Gilles de Rapper et Michel Roux, 1998, "Les Albanais hors d'Albanie", Hérodote (dossier "Méditerranée. Nations en conflits"), n°90, n°1998/3, pp. 20-45.
  • Michel Roux, 2000, "Enjeux démographiques au Kosovo", Les Annales de l’autre Islam (dossier "Kosovo, six siècles de mémoires croisées) n° 7, pp. 121-144.
  • Michel Roux et Frédéric Durand, 2000, "Kosovo, Timor oriental : des "protectorats" internationaux ?", Les Cafés géographiques, compte-rendu par Gabriel Weissberg, 8 mars 2000.
  • Michel Roux, Gilles de Rapper et Olivier Deslondes, 2000, "Dimanche à Miras, lundi à Dipotamia. La frontière albano-grecque dans la région de Bilisht et de Kastoria", Cahiers d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien (CEMOTI) (dossier "L'Albanie, dix ans après"), n°29, pp. 199-222.
  • Michel Roux, 2001, "Où en est-on dans les Balkans ?", Hérodote (dossier "Géopolitique de la Méditerranée"), n°103, n°2001/4, pp.  92-101.
  • Olivier Deslondes, Gilles De Rapper et Michel Roux, 2001, La question nationale albanaise dans les Balkans après le conflit de 1998-1999 au Kosovo, rapport, Délégation aux affaires stratégiques (DAS).
  • Michel Roux (dir.), Nations, Etat et territoire en Europe de l'Est et en URSS, L'Harmattan, coll. Pays de l'Est, Paris, 294 p.
  • Michel Roux, 2003, "La guerre est-elle finie dans les Balkans ?", Historiens et Géographes (dossier "La transition post-communiste dans les pays d'Europe centrale et orientale (II)"), mars 2003, n°382, pp. 276-300.
  • Michel Roux, 2004, "Bosnie-Herzégovine 2003-2004. L'Union européenne, horizon lointain", Le Courrier des Pays de l'Est, n°1044, n°2004/4, pp. 20-35.
  • Michel Roux, 2004, "Avec ou sans les Balkans ?", Outre-Terre (dossier "L'élargissement vu d'ailleurs"), n°7, n°2004/2, pp. 119-132.
  • Michel Roux, 2004, "Le pont de Ljubljana", Outre-Terre (dossier "Nouvelle Europe ?"), n°7, n°2004/2, pp. pp. 209-221.
  • Michel Roux, 2005, "Le concept de minorité à l'épreuve des Balkans", Slavica Occitania, n°20.
  • Michel Roux, 2005, "Bosnie-Herzégovine 2004-2005. Une vie chaotique", Le Courrier des Pays de l'Est, n°1050, n°2005/4, pp. 18-33.
  • Agnès Casero et Michel Roux, 2005, "Srebrenica dix ans après : un génocide ?", Les Cafés géographiques, compte-rendu par Marie-Rose Gonne-Daudé, 9 février 2005.
  • Michel Roux, 2007, "La question albanaise", Questions internationales (dossier "Les Balkans et l'Europe"), n°23, janvier/février 2007, pp. 40-43.
  • Michel Roux, 2008, "Kosovo. Les étranges élections de décembre 1992", Le Courrier des Pays de l'Est, n°1067, n°2008/3, pp. 93-97.

A (re)découvrir :
"A qui profite la guerre en Macédoine ?", L'autre Europe, RFI, 1er avril 2001, avec pour invités Ismaïl Kadaré et Michel Roux.
Des cartes réalisées par Philippe Rekacewicz (auteur de l'excellent blog Visions cartographiques) à partir des travaux de Michel Roux pour illustrer et éclairer les enjeux des guerres de décomposition de la Yougoslavie : Philippe Rekacewicz, "L’évolution territoriale de la Yougoslavie entre 1815 et 1999. Deux siècles de décomposition/recomposition", Le Monde diplomatique, juin 2000.