PARIS PERDU ? - Seconde partie

Publié le 11 juin 2011 par Rl1948

Paris change ! mais rien dans ma mélancolie

N'a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,

Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,

Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.

Charles  BAUDELAIRE,

Le Cygne

Extrait de Les Fleurs du Mal, (LCCCIX)

Paris, Seuil, Collection "L'Intégrale",

p. 97 de mon édition de 1968.

   Avais-je perdu Paris ?, me suis-je interrogé ce mardi, souvenez-vous amis lecteurs, en déambulant dans les rues de la capitale qui, jadis, m'ouvrait si largement les bras.

   Inquiet, je ne pus m'empêcher de consulter un savant, du Nord, qui me confirma que la  ville existait toujours bel et bien. Belle et bien.

   De sorte qu'il me fut maintes et maintes fois reproché - et de manières souvent fort peu amènes - d'avoir osé proclamer la disparition de Paris.

   J'avais assurément perdu la tête, affirma l'un, sans le moindre sourire - (il n'était, de toute évidence, point Rémois).

   J'étais bon à colloquer, lança un autre.

   Si certains me grimaçaient leur animadversion,

voire même n'hésitaient pas à me cracher leur mépris au visage,


d'autres, moins iréniques, voulurent attenter à mes jours en me lapidant,


ou me piétinant ...

   Il y en eut même qui me mirent en joue !

   Plus réservés, beaucoup  me battirent simplement froid, rubiconds qu'ils étaient d'un dépit mal retenu ...

   La vindicte à mon encontre, vous en conviendrez aisément, se révéla plus que palpable !

   Et pourtant, les preuves de ma bonne foi, de chaque côté de la Seine, étaient patentes : non seulement d'illustres bâtiments disparaissaient derrière des écrans improvisés

dont l'excellence de la toreutique, pour certains d'entre eux, n'était plus à démontrer,

mais d'autres désiraient manifestement s'offrir une nouvelle raison d'être : un Roland Garros par-ci,

 un long champ de courses hippiques par-là,

voire même un pont vers le troisième millénaire de la communication  ...

   Turbide, je cherchai vers qui me tourner ...

   Naïf, je me dis que la police, elle, pourrait assurément me renseigner, voire même devenir mon cicérone ...

Mais là aussi, je fus décontenancé : même ses services se voilaient la face sur grande échelle !

     Probablement rabelaisien, n'auriez-vous pas un tantinet forcé sur la dive bouteille ?, fut-il insinué.

    

   Abstème, je ne bois que de l'eau ... - ou presque -, 

j'en fus marri ; et vert de rage !

   Pour m'amener à résipiscence, on insista : Une bonne tasse de café ne vous serait-elle pas profitable ? 

     Me furent également conseillés, un douche froide

pour me remettre quelques idées en place ...

et  une partie de bowling, pour me délasser : mais tant les quilles

que les boules

me parurent impossibles à manipuler ...

   Désemparé, incompris de tous, il ne me restait plus, après avoir cherché à me sustenter,

qu'à rentrer à l'hôtel pour y passer une nuit salvatrice

avant de décider le lendemain matin de forcer coûte que coûte les huis de ces temples de la culture pour lesquels, en définitive, j'avais entrepris le voyage et qui ne se privaient pas de proclamer toujours plus évidente la beauté de Paris ...

   Parce qu'assurément, Paris le valait bien !

   Et parce qu'aussi un diamant est éternel ...