Assurances & Multicanal : l’épineux transfert aux réseaux des clients acquis par Internet

Publié le 14 juin 2011 par Sia Conseil

La souscription de contrats d’assurance par Internet reste encore marginale en France (de l’ordre de 1% [1]), même si les internautes sont de plus en plus nombreux à considérer cette possibilité[2]. La réelle transformation de ces dernières années, dans le comportement des assurés, est qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’informer sur les produits et leurs tarifs en ligne[3]. Les sites des assureurs

sont visités par plusieurs millions d’internautes qui formulent 2 millions de demandes de devis chaque mois.

Une grande partie des possibilités de développement repose donc sur une exploitation pertinente par les autres canaux de distribution des coordonnées et autres données personnelles des prospects récupérées sur Internet.
Le transfert de clients et de prospects : un enjeu clef

La définition des conditions de transfert des prospects et clients acquis par les canaux de vente directe (web principalement) est une étape doublement importante pour la structuration du modèle multi-accès des assureurs :

  • Tout d’abord, ces transferts d’informations et de responsabilités sur les échanges avec les prospects identifiés par un premier contact Internet vont être le principal lien entre les canaux. Les modalités (et notamment les conditions économiques) de ces transferts de contacts vont être déterminantes pour influencer le comportement des acteurs du réseau vis-à-vis de ces prospects. L’enjeu est alors d’utiliser au mieux les atouts de chacun : rôle d’appât pour conquérir de nouveaux clients (atout de certaines offres parfois opportunément réservées aux canaux web), puis capacité à fidéliser et habileté à transformer des mono-détenteurs en multi-détenteurs (atouts reconnus des agents[4]).
  • Tout aussi structurant pour l’avenir du système de distribution, les conditions de transfert des prospects et clients sont un élément clé de la création du modèle de demain avec les agents généraux. Les agents – parfois en doute quant à leurs relations avec les compagnies – doivent y trouver un intérêt pour l’avenir de leur métier.

Même si des dispositifs de transfert des contacts ont été mis en place dans plusieurs compagnies ces dernières années, aucun modèle prévalant n’a aujourd’hui émergé. Les mécanismes économiques qui ont été mis en œuvre à ce jour autour du transfert des prospects ou clients acquis via le canal Internet sont très variés : Swiss Life facture unitairement les contacts intéressés par ses offres santé à ses agents, alors que MMA distribue gratuitement les coordonnées des prospects aux agents, mais ils doivent être exploités sans délais sous peine que la compagnie engage elle même le contact (et facture le coût de celui-ci à l’agent). Du coté d’Allianz on laisse le choix au client d’être ou non rattaché à un agent…
Un même mécanisme de transfert peut d’ailleurs être utilisé dans le cadre d’approches très différentes, le détail des conditions de transfert et les combinaisons avec d’autres mécanismes étant déterminants.

Les différents modèles de transfert

Le transfert de la responsabilité sur les prospects et clients acquis par le biais d’Internet à d’autres réseaux peut être envisagé de plusieurs manières. Nous distinguons trois types d’approches majeures :

  • L’Internet en tant qu’Infrastructure,
  • La Performance individuelle des canaux,
  • L’Approche globale des canaux.

Approche n°1 : Le canal Internet en tant qu’infrastructure
Une partie des assureurs considère le canal Internet uniquement comme un outil au service des entités économiques principales du dispositif de distribution que sont leurs agents ou leurs réseaux salariés. Sur un plan économique, le coût du canal Internet pourra être pris en charge par le Groupe ou refacturé pour tout ou partie aux réseaux.
Cette approche n’est qu’une extension du modèle opérationnel de distribution en place[5], dans lequel un moyen de communication et de distribution supplémentaire est ajouté sans revoir fondamentalement le modèle dans son ensemble.
Il est encore trop tôt pour dire si cela aura un impact sur la performance commerciale à long terme mais les groupes retenant cette approche ne se sont pas mis complètement en position de piloter une stratégie globale de distribution multi-canaux / multi-accès. Ils pourraient alors être confrontés à une relative inertie de leurs méthodes de distribution et ne pas être en mesure non seulement d’innover mais également de suivre une concurrence plus réactive face au développement du vecteur Internet.
Cette approche historique est au service des réseaux qui n’ont pas de raisons particulières de la remettre en cause. Elle laisse d’ailleurs une porte ouverte à des réseaux d’agents proactifs qui souhaiteraient prendre eux-mêmes la main sur la stratégie à appliquer à cet outil.

Approche n°2 : La performance individuelle des canaux de distribution
Les Groupes qui ont mis en œuvre cette approche considèrent chaque canal ou réseau comme un centre de profit distincts des autres, qui partage la chaine de valeur commerciale autour des prospects.
Cette approche du multi canal se veut juste économiquement : on y rémunère et refacture les apports de chacun. Ceci permet de préserver l’autonomie des canaux tout en ouvrant des passerelles entre eux. Chaque acteur ayant naturellement tendance à chercher à maximiser le retour sur investissement par rapport aux coûts des contacts qui lui sont facturés, la simple logique économique permettrait de tirer le meilleur parti de chacun… si les tarifs de transfert des contacts sont judicieusement calibrés.
Dans le cas contraire, si les spécificités d’un processus d’acquisition de clients via de multiples canaux ne sont pas suffisamment prises en compte (ex : suivi du nombre de contacts permettant de déclencher une affaire nouvelle et de rentabiliser le dispositif pour l’agent, afin d’ajuster les coûts de transfert), cette perméabilité entre les canaux ne s’accompagnera pas nécessairement d’une évolution du comportement des acteurs du réseau et le modèle de distribution global resterait inchangé.

Approche n°3 : L’approche globale des canaux de distribution
Quelques acteurs de l’assurance ont choisi de décliner leur stratégie client globale en agissant de manière ciblée. Les mécanismes financiers mis en place incitent alors directement les réseaux à avoir des comportements précis : exploitation du contact transmis sous délais, incitation supplémentaire à la transformation des prospects en clients, bonus ou acquisition définitive du client seulement s’il est fidélisé.
La force d’une telle approche réside dans la traduction quasi directe de la stratégie en actions opérationnelles des réseaux. Elle permet de s’adapter plus rapidement à l’évolution des comportements des clients ou aux résultats constatés en faisant varier les paramètres incitatifs (via la révision des montants d’incitation accordés, voire l’introduction de mécanismes complémentaires) et devrait donc permettre de prendre de vitesse d’autres acteurs du marché. Tous les acteurs du réseau étant économiquement incités à adapter leurs actions, cela renforce la capacité de déploiement de nouvelles offres ou stratégies commerciales.
Si cette approche est extrêmement séduisante du point de vue central d’un assureur, elle présente néanmoins quelques difficultés de mise en œuvre. Certains mécanismes financiers peuvent être difficiles à faire adopter à des agents qui sont des entrepreneurs indépendants. Les règles d’incitation devront également être suffisamment stables et partagées avec eux. Des changements rapides unilatéraux ne sont pas envisageables, ils devront être concertés avec les représentants des agents. Enfin sur un plan opérationnel, cela requiert une capacité d’analyse et un recul allant au-delà des approches marketing traditionnelles.

Quel est le poids du choix de ces approches sur la compétitivité future des assureurs et de leurs réseaux ?

Pour être à un niveau de compétitivité optimal, un assureur devrait être capable d’adapter rapidement ses pratiques de distribution à l’évolution des facteurs externes (émergence des comparateurs, concurrence de nouvelles offres Internet, accélération de l’évolution des comportements clientèle…) en utilisant au mieux les atouts de ses réseaux et canaux directs. Le modèle qui permettrait une totale réactivité n’est pas encore connu et n’existe probablement pas, preuve en est la diversité des mécanismes aujourd’hui mis en place. Il faudra juger de la pertinence des choix réalisés sur les résultats à long terme.
Seule certitude, l’approche adoptée aujourd’hui sur ces mécanismes de transfert (même s’ils restent adaptables) sera discriminante pour l’implication et la mise en valeur des réseaux à long terme. Les réseaux d’agents seront particulièrement sensibles aux modes d’échange des contacts et clients proposés, et en particulier aux modalités économiques associées. Cela constituera une des clés de la confiance dans les relations entre les assureurs et leurs réseaux.

Sia Conseil




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