Eclipse de Lune, et Ode à la Nuit...

Par Etrangere

 Hier, je suis longuement restée éveillée, regardant par ma fenêtre cette éclipse de Lune tant annoncée par les médias. Ce spectacle nocturne était un de ceux qui nous font tout à coup songer à la vanité de notre existence, à sa brièveté. Ephémère, l'éclipse m'a rappelée ce que j'appréciais tant dans la Nuit. S'il est dans ce monde une chose qui me fascine, c'est bien elle. Cette Nuit est bien souvent propice au rêve, à la méditation, à la solitude, à la mélancolie, si bien que d’aucuns la perçoivent comme une amie fidèle, d’autres comme une antichambre de la Mort, où règne l'obscurité, où la vie cesse.
Songez que bien des fois vous vous êtes surpris, à la nuit tombée, à ne penser ni au lendemain, ni à la veille, ni au passé, ni au futur, ni même au présent : vous voici en train de pénétrer dans l’infini et l’éternité.Moi, je l’ai déjà vécu, cet instant de grâce où tout vous semble dérisoire, et chaque détail important. C'est alors que nous envahissent nos pensées les plus profondes, les plus refoulées, et les plus abouties, juste avant que Morphée ne vienne nous serrer dans ses  bras, et nous emmener dans son royaume de songes.
   Les artistes ont la rare faculté de pouvoir percevoir cet infini à toutes les heures de la journée, à se repaître de lui, à en puiser. C’est ce que j’appellerais le génie, une inexplicable force, un entrain indéniable, et une sensibilité à fleur de peau. Et c’est parce que la nuit exacerbe ces traits humains qu’elle devient une muse des artistes, une fascination étrange et à la fois compréhensible…
            Voici donc une petite sélection d'œuvres qui me transcendent, totalement subjective. Si vous connaissez d'autres joyaux de la sorte, n'hésitez pas à me les faire connaître...

Nuit étoilée sur le Rhône, Vincent Van Gogh, 1888, huile sur toile, 72,5 cm × 92 cm, Musée D'Orsay


Nuit
Le ciel d'étain au ciel de cuivre
Succède. La nuit fait un pas.
Les choses de l'ombre vont vivre.
Les arbres se parlent tout bas.
Le vent, soufflant des empyrées,
Fait frissonner dans l'onde, où luit
Le drap d'or des claires soirées,
Les sombres moires de la nuit.
Puis la nuit fait un pas encore.
Tout à l'heure, tout écoutait.
Maintenant nul bruit n'ose éclore ;
Tout s'enfuit, se cache et se tait.
Tout ce qui vit, existe ou pense,
Regarde avec anxiété
S'avancer ce sombre silence
Dans cette sombre immensité
.
C'est l'heure où toute créature
Sent distinctement dans les cieux,
Dans la grande étendue obscure,
Le grand Etre mystérieux !

Victor HUGO,  Toute la lyre (1888 et 1893)

Clair de Lune, étude à Millebank,  Joseph Mallord William Turner, 1797, huile sur panneau, 31.5×40.5 cm, Tate Britain 


Côté musique, je vous conseilleLe clair de Lune de Debussy, la Sonate dite «Clair de Lune » de Beethoven (op.27 n°2) ainsi que le Nocturne n°2 Op. 9 de Chopin, ou comment écouter, retranscrit en musique, le silence de minuit passé.

A savourer seul, à l’heure de «l’obscure clarté qui tombe des étoiles» (Le Cid, Corneille)