Lyon planche sur l’histoire du maquis

Publié le 20 juin 2011 par Unpeudetao

Au Centre d'Histoire de la Résistance et la Déportation de Lyon, une exposition de bande dessinée explore les représentations de la Résistance depuis 1944.
La bande dessinée et la collaboration, on connaissait à peu près. En particulier depuis la fin des années 70 et les travaux de l’historien Pascal Ory. On savait par exemple que des éditeurs s’étaient employés à prolonger la propagande vichyste et antisémite auprès des têtes (préférentiellement) blondes en usant de petits mickeys. Dans la revue le Téméraire, sévissait ainsi le dessinateur Erik, avec ses Aventures du docteur Fulminate et du professeur Vorax, ce dernier ayant tout l’air d’un méchant Juif crochu.

On savait aussi que ledit Erik avait reconverti sa série à la Libération dans Coq hardi, journal dirigé par le résistant Marijac, en l’appelantTribacil contre Dr Klorax, ce qui n’est pas très gênant vu qu’elle s’appelait déjà Professeur Globule contre le Docteur Virus avant 1942. Autre exemple connu, Liquois avait suivi à peu près le même parcours, passant duTéméraire (qu’Ory baptisa jadis «le petit nazi illustré») aux publications roboratives telles que Vaillant où, l’estomac bien accroché, il illustra… Fifi, gars du maquis.

On sait enfin que le grand contre-modèle de l’époque paraît en 1944 et 1945 sous la forme de fascicules et s’intitule La bête est morte ! par Calvo et Dancette.
Là, dans d’immenses vignettes disneyennes, les enfants relisent l’histoire immédiate sous les auspices du premier résistancialisme, racontant un peuple uni et souffrant contre l’ennemi.

«Traits résistants», exposition qui se tient au Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation de Lyon (1), couvre un chapitre apparemment moins croustillant que celui de la collaboration, puisqu’il ausculte l’imaginaire des représentations de la Résistance dans la BD depuis 1944. Les gens heureux ayant moins d’histoire que les traîtres, le sujet était un peu moins divulgué. Mais ça débute mal, puisqu’on y apprend (on le sait en fait depuis 2007 et un article de Jean-Max Guieu) que Dancette, scénariste de la Résistance made in BD, rédigea avant la Bête est morte! le texte d’un album pétainiste exaltant la «splendide jeunesse» engagée dans la Milice.

Xavier Aumage, archiviste au musée de la Résistance national et commissaire de l’exposition, a voulu combler un manque puisque «la bande dessinée ne faisait pas encore partie du corpus» étudiant l’image du résistant. La première évidence est que cette image, comme tout objet culturel, est tributaire des récits familiaux, institutionnels autant sans doute que des problématiques sociétales dans lesquelles sont enfermés les lecteurs. Face au one shot de Calvo et Dancette, le Coq hardi est un périodique adoubé par le Mouvement de libération nationale.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, entre 1946 et 1947, la figure du résistant n’y est pas encore celle d’un super-héros. C’est plutôt l’humour qui domine, Marijac entendant dénoncer l’absurdité de la guerre. L’héroïsme du maquis ne deviendra la thématique obligée qu’au cours des années 50 et 60. L’humeur reste nationaliste et la déportation n’est traitée qu’exceptionnellement.

Action. Ces vingt dernières années, c’est plutôt «le thème de l’aide aux personnes traquées par les forces de répression (Juifs, réfractaires, soldats alliés et résistants)», dixit Aumage, qui prédomine dans les albums. Ce repli de l’action vers la protection représente aussi bien la demande de notre époque que l’évolution commémorative de l’histoire. Alors que les BD de l’immédiat après-guerre et des années 50 tentent de rendre encore quelque chose de la vie de la Résistance, les nôtres semblent en consacrer la disparition.

Eric LORET

(1) «Traits résistants» CHRD, Espace Berthelot, 14, avenue Berthelot, Lyon VIIe. Jusqu’au 18 septembre.

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